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François Hollande doit entendre la révolte anti-austérité des peuples européens

par Philippe Marlière

Publie le vendredi 25 mai 2012 par Philippe Marlière - Open-Publishing
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Dennis McShane est un ultra-blairiste non repenti, ancien ministre des affaires européennes et aujourd’hui deputé. McShane rapporte dans The New Statesman daté du 14 mai 2012 une conversation avec « son ami » Manuel Valls le 6 mai dans la soirée : « Quand J’appelai Valls pour lui dire “bravo”, il me dit que Hollande allait gouverner au centre, et mettrait l’accent sur les questions de sécurité et d’immigration illégale et devra essayer de convaincre bien au-delà de la gauche ». De deux choses l’une : McShane raconte des histoires ; dans ce cas Valls devrait sans tarder démentir les propos. Si cette conversation a vraiment eu lieu, François Hollande devrait éloigner Valls de son entourage. En aucune manière, Valls ne devrait obtenir un poste dans le gouvernement socialiste. Ce dont la France et l’Europe ont besoin, ce n’est pas d’un sarkozyme soft ou « à visage humain », mais d’une rupture avec les politiques d’austérité et de restructuration néolibérale. Hollande n’a-t-il pas dit Place de la Bastille que ces politiques d’austérité ne devaient pas être une fatalité ?

La situation politique en Europe est volatile et évolue quasiment d’heure en heure. Il y a quelques jours encore, François Hollande faisait figure d’« idéaliste isolé » lorsqu’il s’engageait à renégocier le pacte budgétaire. Aujourd’hui il est dépassé de toutes parts en Europe. En Espagne et en Italie, les rebellions populaires contre ces politiques anti-populaires se renforcent de jour en jour. Les Britanniques viennent de sanctionner sévèrement dans les urnes la coalition libérale-conservatrice qui comprime les dépenses publiques avec zèle depuis 2010. Mais c’est de Grèce qu’est parti le véritable coup de semonce politique. Avec 16,7% des voix, Syriza est arrivé en deuxième derrière la Nouvelle Démocratie (droite), mais devant le PASOK. Le parti social-démocrate est discrédité et haï pour avoir accepté les termes du memorandum de l’Union européenne qui a imposé à la Grèce des politiques d’austérité barbares pour combler ses déficits. Parti de la gauche radicale opposé à cette austérité infâme, Syriza est aujourd’hui en tête des intentions de vote, dans l’hypothèse de l’organisation de nouvelles élections en juin pour dénouer la crise institutionnelle en cours. Ce qui est intéressant dans la position de Syriza, c’est que ce parti ne préconise pas une sortie de la zone euro. Alexis Tsipras, son leader, considère que les circonstances et les termes du memorandum sont iniques. Le peuple grec doit payer pour les erreurs des gouvernements grecs successifs – avec le soutien tacite de l’Union européenne – et la gabegie d’un système financier européen dans lequel les Etats socialisent les pertes des banques et laissent ensuite les mêmes banques s’enrichir sur le dos des peuples en fixant des taux d’intérêt prohibitifs aux États.

L’effondrement brutal du PASOK est un avertissement pour François Hollande. Suivra-t-il la voie du sarkozysme soft que semble préconiser certains membres de son entourage ou entendra-t-il la colère qui partout monte contre les politiques d’austérité ? La révolte des peuples européens contre l’austérité appelle des mesures radicales contre le néfaste traité budgétaire. Il n’est plus l’heure de procéder à quelques raccommodages à la marge où on parlera, de manière théorique, de croissance tout en continuant peu ou prou la même politique. Pour le dire crûment, une confrontation politique avec Angela Merkel est aujourd’hui inévitable. Celle-ci doit amener à une révision radicale de ce pacte qui est en train de mener l’Europe à la ruine, et ne donne à la zone euro aucune chance de se sauver. Mission impossible ? Pas du tout : c’est bel et bien Merkel qui est politiquement minoritaire en Europe, pas Hollande. Dans son propre pays, le gel des salaires et la compression des dépenses publiques mécontentent de plus en plus d’électeurs. Qui achètera en Europe les produits allemands quand les salaires ne permettront que de vivre dans la misère ?

Souvenons-nous de 1997 : à peine à la tête du gouvernement, Lionel Jospin s’était engagé à ne valider le traité d’Amsterdam que si trois conditions étaient remplies : l’instauration d’un gouvernement économique pour contrebalancer le pouvoir de la BCE ; une orientation de politique monétaire qui écarte les aberrations de « l’euro fort » et une réorientation des traités économiques dans le sens de la croissance. Tiens, tiens, comme l’histoire se répète… Faut-il rappeler que Jospin signa le traité d’Amsterdam sans rien obtenir en contrepartie ? Dans le contexte d’une récession économique sans précédent depuis les années 30, avec des droites néolibérales revanchardes et une extrême-droite en embuscade, il est évident qu’une réédition de la défaite jospiniste en rase campane entraînerait des révoltes violentes sur le continent européen ; des rebellions populaires aux conséquences imprévisibles.

Hollande n’a pas le choix : depuis trente ans, le contexte politique n’a jamais été aussi favorable au combat contre la dérive néolibérale de l’Union européenne. L’Europe entière refuse l’austérité des néolibéraux. Le président français et ses alliés doivent imposer la croissance ; non celle qui est subordonnée à d’énièmes réformes structurelles pour soi-disant améliorer le « rendement » ou la « compétitivité » des travailleurs, mais celle qui relance la consommation générale : de meilleurs salaires pour tous, des emplois correctement rémunérés et des Etats sociaux que l’on renforce. Si l’accord franco-allemand ne va pas au-delà d’un effet d’annonce et que rien ne change, l’extrême-droite continuera de progresser, en France et partout en Europe.

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