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Mitterrand et l’Algérie

Publie le lundi 11 juin 2012 par Open-Publishing
2 commentaires

paru dans CQFD n°99 (avril 2012), rubrique Les vieux dossiers, par Sébastien Navarro
mis en ligne le 11/06/2012 -

En ce temps-là, la prison située dans la partie haute de la casbah d’Alger s’appelait Barberousse, souvenir du célèbre corsaire à la botte de l’empire ottoman. On imagine l’effroi qu’un tel nom pouvait provoquer chez les prisonniers... En cette nuit du 19 juin 1956, Abdelkader Ferradj et Mohamed Ben Zabana marinent eux aussi sûrement dans l’effroi : au premières lueurs de l’aube, ce seront les deux premiers militants du Front de libération nationale (FLN) à être guillotinés. Leur exécution a été actée deux semaines auparavant par la chancellerie française. Le ministre de la Justice, un certain François Mitterrand, a refusé le recours en grâce des deux condamnés.

Mitterrand est déjà aux manettes du pouvoir quand l’insurrection algérienne démarre, le premier novembre 1954. Mendès France, Président du Conseil – nous sommes sous la IVe République – en a fait son ministre de l’Intérieur. En réponse à la Toussaint Rouge, le premier flic de France fait dissoudre le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques de l’indépendantiste Messali Hadj. Quelques jours plus tard, Mitterrand tient un discours de fermeté devant les députés de l’Assemblée nationale. « L’Algérie, c’est la France » sera suivi par un : « Je n’admets pas de négociations avec les ennemis de la patrie. La seule négociation, c’est la guerre. » L’indépendance de l’Algérie ? Idée inconcevable à l’époque, même dans le camp de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance, petite formation politique de modérés gaullistes et socialistes, que préside Mitterrand. Ce dernier est plutôt partisan d’un colonialisme français à visage humain. La brutalité de la police tricolore en Algérie le taraude : il missionne Germaine Tillion, la célèbre résistante, pour investiguer sur des exactions commises par la flicaille outre-Méditerranée.

En février 1955, le gouvernement de Mendès France tombe. Guy Mollet lui succède, et offre à Mitterrand un maroquin de choix, celui du ministère de la Justice. En mars de l’année suivante, le Parti communiste français se joint à la meute pour accorder au gouvernement Mollet les pouvoirs spéciaux : « Le gouvernement disposera en Algérie des pouvoirs les plus étendus pour prendre toutes les mesures exceptionnelles commandées par les circonstances, en vue du rétablissement de l’ordre, de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire. » Mitterrand apposera sa signature au décret donnant les pleins pouvoirs à l’armée française en Algérie. Ce texte va sceller la mise en place d’une véritable justice d’exception permettant aux tribunaux militaires de se substituer aux tribunaux civils et de prononcer, sans instruction préalable, la condamnation à mort de militants accusés de terrorisme. Dans la foulée, notre ministre de la Justice donne son aval à l’envoi du contingent : de 200 000 auparavant, les troupes présentes en Algérie atteignent 450 000 soldats en juillet 1956.

Deux ministres en désaccord avec la politique menée en Algérie, Mendès France et Alain Savary, claqueront dans l’année la porte du gouvernement Mollet. Mitterrand l’ambitieux s’accroche. L’abolition de la peine de mort pouvant attendre encore vingt-cinq ans, il fera du zèle : sur quarante-cinq dossiers de condamnation à mort qui lui seront soumis durant les seize mois de son mandat place Vendôme, il n’accordera que sept avis favorables à la grâce. La torture, industrialisée par les bidasses français, et que Mitterrand ne pouvait pas ignorer, nourrit la veuve de Barberousse : du 3 au 12 février 1957, seize exécutions capitales ont lieu. Le 11 février, pour la première fois, c’est un Européen qui est guillotiné. Fernand Iveton, prolo à l’usine de gaz d’Alger et militant du Parti communiste algérien, a déposé une bombe qui n’a pas explosé. Pas de victime, pas de dégâts : qu’importe, l’homme aura la tête coupée avec l’aval ministériel.

En mai 1957, le gouvernement Mollet est balayé. Mitterrand aussi. Pugnace et patient, l’homme accèdera à l’Élysée en 1981. Il est de notoriété publique que le vote pied-noir n’a pas été pour rien dans son élection... Un satisfecit pour le remercier de ses bons offices durant les trois premières années des « évènements » d’Algérie ? Bien possible.

Messages

  • et l’attitude des camarades communistes ?

    le vote des pleins pouvoirs
    condamnation du 8 mai 45 (sétif, guelma), du 1er nov 54 !!
    etc.

    • et l’attitude des camarades communistes ?

      Curieux non ?

      Un article rappelle ce que fut ce passé colonialiste de laSFIO, la complicité Droites-Social démocratie, le parcours du futur Président de la République, alors ministre de la"Justice" -qui aura refusé de donner un avis favorable à une grâce présidentielle..pour près de
      60résistants algériens...entre 56et57...,

      et hop..on passe au jugement du PC !

      Comme si avoir -CONNEMENT selon moi- pensé que donner des pleins pouvoirs à Mollet au prétexte que le FRont républicain aux affaires depuis le 2 Janvier 56 pouvait empêcher que la Guerre ne s’intensifie., .faisait du PC un "machin" assimilable à la complicité d’un Mollet, d’un Mitterrand avec les Aussaresses, Massu, Bigeard , le PEn qui ne répondront jamais, hélas de crimes contre l’Humanité !
      On me reconnaitra l’honnêteté de citer un article qui , jugeant le dernier bouquin de mon ami ALLEG( rappelle des faits en évitant les clichés..

      Extraits
      (italique A.C)

      http://www.confluences-mediterranee.com/Memoire-algerienne

      Certes, Henri Alleg a raison de souligner les blocages communautaristes, en effet volontiers sous-tendus par des stratégies implicites de pouvoir, de tels compétiteurs nationalistes algériens. Oui, il est vrai que, entendant bien régner en maîtres sur une société représentée comme croyante, nombre de cadres du FLN (pas tous) firent de la référence dite musulmane l’alpha et l’oméga identitaire de la nation algérienne. Pour autant, il est bien vrai que, dès la phase de la Résistance et de la nationalisation française qui firent virer le PCF au premier cercle de l’événement et du pouvoir français, le mouvement insurrectionnel algérien de mai 1945 fut sommairement stigmatisé par l’Humanité comme entaché des manoeuvres d’un complot nazi

      . Non que la propension à comploter n’ai pas été avérée dans tels cercles de pouvoir colonialistes. Pour autant, il y avait évidemment bien autre chose dans le mouvement de mai 1945, Henri Alleg en convient sans peine. Mais sans qualifier comme il convient les lourdes aberrations communistes du moment en la matière.

      Qu’on nous entende : l’anticommunisme était bien réel au PPA-MTLD, comme il fut ultérieurement bien réel au FLN. Mais cet anticommunisme ne naquit pas par génération spontanée ; et il fut aussi généré par tels jugements sans appel imprudents et, au moins, par des atermoiements qui discréditèrent durablement le PCA aux yeux de militants nationalistes dont les plus purs l’auraient sans cela accueilli avec moins de réserve. Il n’y a pas que dans la politique coloniale du pouvoir français qu’il y eut des occasions manquées. Qu’on songe à l’effet désastreux que produisit sur les Algériens le refus d’un cadre syndicaliste et communiste de Skikda, à l’automne 1952, de témoigner, à l’encontre des directives du parti, contre des policiers qui avaient tiré sur des manifestants du PPA-MTLD, faisant un mort et plusieurs blessés. Certes le parti eut raison de sanctionner ce cadre, mais le mal était fait. Pourquoi ne pas évoquer de tels épisodes, si douloureux et si lourds de nuages pour l’avenir, qui rendent compte de problèmes de fond bien réels ?

      A la veille du 1er novembre 1954, Henri Alleg dit qu’il ignorait tout du tout jeune FLN, mais qu’il se douta vaguement de quelque chose grâce à une allusion sibylline d’Hocine Lahouel. Cela alors même que la police et les renseignements militaires français étaient bien moins ignorants. En tout cas, le PCF, dans le communiqué du 8 novembre 1954 du Bureau Politique, désignait, rapporte Alleg, « comme responsables des événements “les gouvernements qui ont opposé leur refus aux revendications nationales de l’immense majorité des Algériens”, et demandait de “reconnaître le bienfondé des revendications à la liberté du peuple algérien” et l’ouverture de discussions “avec les représentants qualifiés de l’opinion publique algérienne.” » (p. 182). Un grand militant, engagé dans le soutien direct au FLN, Jacques Charby, lui, cite, dans Le Monde du 5 novembre 2005, l’intégralité du communiqué et il reproche à Henri Alleg de ne pas avoir cité la deuxième partie, qui dit : « En de telles circonstances, fidèle à l’enseignement de Lénine, le PCF, qui ne saurait approuver de recourir à des actes individuels susceptibles de faire le jeu des pires colonialistes, si même ils n’étaient pas fomentés par eux, assure le peuple algérien de la solidarité de la classe ouvrière française dans sa lutte de masse contre la répression et pour la défense de ses droits. Le PCF est ainsi, une fois de plus, l’interprète de l’internationalisme des travailleurs, inséparable de l’intérêt national [1]  » On en appellera au jugement du lecteur : qui, en matière de citations tronquées, lui paraît le plus critiquable ?

       Pour ce qui est d’un jugement plus global de ce que fut l’attitude des communistes français et algériens face à cette GUERRE(commencée en juillet 1830....,) il me semble nécessaire de lire , "Mémoire algérienne", d’H.ALLEG ;

      Paris, Stock, 2005, 411 p.

       A enregistrer et lire aussi..

      le documentPDF "N° 8 des Cahiers d’HISTOIRE del’INSTITUT de RECHERCHE Marxiste"

      http://constel07.u-bourgogne.fr:8080/sdx/pl/doc-tdm.xsp?id=FRMSH021_0008_tt3-47&fmt=tab&base=fa&root=&n=&qid=&ss=&as=&ai=

      Communistes algériens. Communistes français :
      GUERRE D’ALGERIE

      Cordialement

      A.C