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La corruption, pétrole inexportable des Jordaniens

Publie le mardi 28 août 2012 par Open-Publishing

Par Mohamad al-Fdhelat - L’auteur est écrivain et journaliste jordanien.

Rares étaient les Jordaniens dans le passé au courant de la réalité de l’étendue de la corruption. Comme le dit une blague, "la Jordanie ; le pays le plus fort du monde qui ne s’est pas effondré malgré tous les vols et le pillage." Cependant, la crainte d’un effondrement a eu raison des plaisantins.

Elle a fait son entrée avec une crise économique étouffante et une dette qui a enregistré pour la première fois 19 milliards de dollars vers la fin de l’année 2011, tandis que le gouvernement a préparé le budget général pour l’année 2012 avec un déficit attendu de 4 milliards de dollars.

Les Jordaniens espéraient détecter la corruption, punir les responsables et récupérer les fonds volés. Ils voyaient là une façon de sortir de l’impasse économique qui s’est imposée sur le niveau de vie des citoyens. Le mouvement populaire ainsi que la jeunesse veulent récupérer les sommes volées face aux solutions officielles consistant à supprimer le soutien financier des matières premières et sur les dérivés du pétrole.

Mais le volume de la crise excède la taille de la corruption elle-même. De plus, des sources non officielles ont évalué les fonds pillés à 14 milliards de dollars pendant les années de règne du roi Abdallah II.

Enquêter sur la corruption en Jordanie n’est pas chose facile. L’ancien Premier ministre jordanien Maarouf Al Bakhit a reconnu lors de son premier gouvernement en 2007 que l’évolution de la corruption en institution rendait difficile la lutte contre celle-ci. Ce qui lui a valu de perdre son gouvernement quelque jours après sa formation. C’est le même Bakhit, Premier ministre, qui est accusé de corruption en 2011 et qui tombe avec son gouvernement.

L’ancien directeur des services de renseignements, le puissant général Samih Al Batikhi, avait inauguré en 1996 la première des campagnes de corruption systématique dans l’histoire du royaume, connue sous le nom de "facilitations bancaires". Il s’était alors coordonné avec l’homme d’affaires jordanien Majd Al Chamayla afin de déposer des demandes de facilitations auprès des banques jordaniennes pour exécuter des appels d’offres virtuels de l’administration des renseignements généraux. La supercherie a été découverte en 2002, et le montant de la corruption était de plus d’un milliard de dollars. Al Batikhi a été condamné à quatre ans de prison pour corruption et à rembourser un montant de 24 millions de dollars.

Ce jour-là, une guerre a commencé contre l’institution de la corruption menée par le jeune roi qui s’est installé sur le trône en 1999. Elle n’a pas dépassé les déclarations et ce ne fut qu’une "tempête dans un verre d’eau". Le silence l’a rapidement entourée. Une centaine de hautes personnalités ont échappé à la sentence, tandis que Al Batikhi a été condamné, lui qui avait joué un rôle dans l’exclusion du Prince héritier Hassan Ben Talal, dans les dernières heures avant la mort d’Hussein en faveur du roi Abdallah. Sa peine fut d’exécuter sa sentence dans son palais luxueux sur la plage d’Aqaba.

C’est ainsi que les racines de l’institution de la corruption se sont étendues malgré l’utilisation de l’expression – lutte contre la corruption – dans les discours officiels, ceci est resté lettre morte pour la population qui commençait à ressentir l’implication officielle du palais dans la corruption.

Les Jordaniens ont arraché le droit de faire des recherches sur la corruption en 2011 malgré la volonté des institutions officielles de faire blocage. L’organisme de lutte contre la corruption a été créé en 2006, et il a joui d’une réputation d’indépendance financière et administrative.

Le gouvernement a considéré la lutte contre la corruption comme une stratégie afin de calmer la colère de la rue. Ce slogan a été mis à l’ordre du jour de toutes les occasions avec à l’appui tous les dossiers transmis à l’organisme… Mais la magie s’est retournée contre le magicien, ce qui a mis la population encore plus en colère, demandant encore plus de mesures. Le peuple a franchi les lignes rouges et a exigé que soient punies des personnes – en citant leur nom – qui sont en lien directs avec le roi et qui sont impliquées dans des affaires de corruption en utilisant leur poste ou leur proximité avec le palais. Les parties concernées n’ont rien fait pour enquêter ou faire quoi que ce soit sur le sujet.

Les déclarations du gouvernement concernant la lutte contre la corruption en quantité et qualité sont devenues prudentes et certaines sources officielles ont prévenu qu’avec les discussions continues sur la corruption, il y aurait des retombées sur la réputation de la Jordanie et que cela pourrait provoquer la fuite des investisseurs étrangers. Les affaires signalées à l’organisme de lutte contre la corruption ont subi une sélection et leur instruction est très lente.

De plus, l’organisme a finalement relaxé la majorité des accusés dans les affaires qu’il avait envoyées aux institutions juridiques ou parlementaires concernées : la convention sur le casino, par exemple, dont les pertes pour l’État ont été évaluées à un milliard de dollars. Mais des assurances officielles ont confirmé que le trésor n’a pas subi de pertes en raison de la dissolution de la convention.

Mais ce qui a provoqué la controverse, c’est l’acquittement des députes accusés de corruption dans la privatisation de la société des phosphates résultant de la vente des parts d’actions de la société –évaluée à deux milliards de dollars- ainsi que l’abus de pouvoir pratiqué par le président du conseil d’administration Walid Al-Kurdi, mari de la princesse Basma, qui se trouve être la tante du roi, en plus de la modification du prix de la tonne de phosphate décidée par la société qui prive le trésor public de 20 millions de dollars annuels.

Les suites malheureuses de la révélation de la corruption sans y avoir mis fin et l’immunité pour les corrompus proches du palais ainsi que pour d’anciens premiers ministres, ont poussé les Jordaniens à arrêter de chercher Ali Baba et les quarante voleurs et ont adressé directement leur critique au roi, l’accusant de protéger la corruption… Une critique qui en l’espèce représente un glissement sans précédent concernant la légitimité du régime et de sa sacralité longtemps défendues par la famille royale.

Source : Amman.net Traduction : Walid Atallah pour ISM

http://www.europalestine.com/spip.php?article7574