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LE MANDAT D’ARRET EUROPEEN N’EST PAS UNE OPERATION DE JUGE A JUGE

Publie le mercredi 7 novembre 2012 par Open-Publishing

Le Ministre de l’Intérieur et la Ministre de la justice ont tous les deux essayé de faire croire qu’ils n’étaient pour rien dans l’extradition d’Aurore Martin vers l’Espagne. Comme écrit dans les articles suivants (il y en a beaucoup d’autres) :

Extradition d’Aurore Martin : "c’est pas moi c’est l’Europe"
http://www.humanite.fr/politique/extradition-d-aurore-martin-c-est-pas-moi-c-est-l-europe-507751
Valls et Taubira se défendent dans l’affaire Aurore Martin
http://tempsreel.nouvelobs.com/topnews/20121103.REU9839/valls-et-taubira-se-defendent-dans-l-affaire-aurore-martin.html
Aurore Martin : Valls affirme n’avoir pris « aucune décision »
http://www.liberation.fr/societe/2012/11/03/aurore-martin-politiques-syndicats-associations-interpellent-hollande_857915
Les questions que pose l’arrestation d’Aurore Martin
http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/11/02/les-questions-que-pose-l-arrestation-d-aurore-martin_1784920_3224.html
Extradition d’Aurore Martin : les critiques, les ripostes
http://www.francetvinfo.fr/extradition-d-aurore-martin-les-critiques-les-ripostes_164801.html
Dans ce dernier article la ministre explique :

Mme Taubira explique que le gouvernement "n’intervient plus". Dans un communiqué, la ministre de la Justice Christiane Taubira affirme de son côté que "la remise de Mme Martin à la justice espagnole s’est opérée dans le strict cadre du mandat d’arrêt européen". Elle souligne que l’intéressée avait épuisé toutes les voies de recours juridiques, jusqu’à la cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
"Le mandat d’arrêt européen est une opération de juge à juge, les autorités gouvernementales n’intervenant plus",
et est "utilisé pour une liste précise d’infractions graves
(et, en particulier, la participation à une association
de terroristes)", explique le ministère.



C’EST FAUX sur deux points :
Le MAE s’applique bien à 32 crimes et délits importants suivant une liste détaillée mais aussi, ceci suivant la
demande du pays requérant à tous délit pouvant donner lieu à 1 an et plus de peine de prison ainsi qu’à toute
condamnation de quatre mois et plus de personne (voir pages 28 et 29 du Manuel du MAE : champs d’application du MAE). C’est bien sur
ce dernier point le problème : on peut faire un MAE pour tout et n’importe quoi.

Par ailleurs le processus de MAE n’est pas un processus de juge à juge ; Pas du tout !

Pour faire un MAE un mandat d’arrêt national doit d’abord être émis au niveau national, puis le procureur
demandeur remplit un MAE dans sa langue et fait remplir une fiche dans le fichier Européen Schengen, cette fiche
est lisible dans tous les pays concernés. En France la Direction Centrale de la Police Judiciaire rue des 3
fontanôts à Nanterre a des services spécialisés (voir organigramme DCPJ en PJ) qui s’occupent de ces fiches,
traduisent certaines parties et diffusent sur le territoire. A ce stade, le MAE n’est pas diffusé par ce
service car il n’est pas dans le fichier !

L’organisation et les structures de la direction centrale de la police judiciaire
http://www.police-nationale.interieur.gouv.fr/Organisation/Direction-Centrale-de-la-Police-Judiciaire/L-organisation-et-les-structures


C’est dans cette direction qu’officie La division des relations internationales (DRI) (voir organigramme et liens
ci dessus pour les missions.


En particulier :

" La division des relations internationales assure la gestion et le suivi des trois canaux de coopération opérationnelle : Interpol, Schengen et Europol.
Ces missions lui sont confiées par plusieurs textes interministériels, dont l’art. D 8-2 du code de procédure pénale : la DCPJ est la seule autorité compétente et responsable pour assurer la centralisation nationale de la coopération policière internationale par ces canaux multilatéraux.


Elle suit les procédures de coopération opérationnelle et technique dans les relations bilatérales et multilatérales.


Elle comprend :

Une section centrale de coopération opérationnelle de police (SCCOPol) composée de policiers, gendarmes,
magistrats et douaniers, qui constitue le point de contact unique entre les services répressifs français
et leurs partenaires étrangers.
Cette entité regroupe :
le BCN France pour Interpol ;

le bureau SIRENE France pour Schengen ;
L’unité de coopération européenne (UCE) incluant l’UNE pour Europol, l’UCCPI pour la coopération Schengen et l’UCAP pour les échanges opérationnels liés à la Décision Prüm.
Un service des actions de coopération européennes et internationales qui pilote la section des négociations européennes et la section des négociations internationales. Il assure le suivi de toutes les questions relatives aux missions, structures juridiques et modes de fonctionnement des instances précitées, en apportant à la DCPJ une expertise juridique et stratégique.

Une section de gestion administrative qui comprend la cellule informatique et un groupe de 16 traducteurs.

La « mission Justice » composée de magistrats et de greffiers détachés par la chancellerie.



En clair tout ces personnels dépendent du ministère de l’Intérieur et de la Justice principalement mais aussi de Bercy. Pour l’instant il n’y a aucun juge dans le circuit du MAE du côté du pays requis. Aucune fiche Sirene ne peut être inscrite sans l’aval d’un magistrat.

A ce stade, la fiche Sirene devient accessible aux policiers et gendarmes qui ont pour mission d’arrêter les personnes inscrites. Cela peut durer des mois voir des années. A l’occasion d’un contrôle de routine ou d’une vraie recherche les personnes peuvent être arrêtées, interrogées à partir seulement de la fiche Sirene, puis elles sont transférées dans une cour d’appel auprès d’un avocat général puis d’un conseiller , il est alors notifié un "PV de notification de MAE "
Jusqu’à ce moment il n’y a aucun MAE notifié et il n’est généralement pas traduit. Dans le cas de Lionel Gilberti il est arrêté le 8 octobre vers 12H, transféré chez une avocate générale de la CA de Colmar vers 16H30, puis il passera dans les mains d’un conseiller et se verra conduire à la maison d ’arrêt de Colmar illico.
Le MAE arrivera d’Allemagne directement à la CA de Colmar après la mise en prison de Lionel Gilberti et sera traduit au frais de la France par une experte auprès de la CA de Colmar. Le MAE et sa traduction auront un cachet du parquet général daté du 10 octobre.
A noter que les MAE ont des dates maximales :
Délais applicables, après l’arrestation de la personne recherchée,
pour la réception du mandat d’arrêt européen
Page 78 du Manuel du MAE
de 48H à 40 jours !
40 jours en Allemagne
6 jours en France

Mais en France (page 123 du Manuel du MAE) :

Portée du délai de six jours pour recevoir le mandat d’arrêt européen
Dans l’arrêt nº 4785 rendu le 1er septembre 2004, la Cour de Cassation, chambre criminelle, a jugé
que le délai de six jours prévu par la loi française pour recevoir le mandat européen en original ou
en copie n’est pas prévu à peine de nullité. La question de savoir si ce non respect justifie ou non la
remise en liberté de la personne n’est pas encore tranchée.


DONC IL N’Y A PAS UNE OPÉRATION DE JUGE A JUGE COMME TENTENT DE LE FAIRE CROIRE LES MINISTRES.

Le Manuel du MAE dit page 3 :

Les observations formulées dans le présent document ne sont nullement contraignantes et ne
portent nullement atteinte à la législation nationale mettant en œuvre la décision-cadre. Il
s’agit de simples recommandations. Il est toutefois rappelé aux autorités judiciaires qu’elles
sont tenues d’interpréter leur législation nationale conformément à la décision-cadre

ça c’est fort de café !

De plus l’introduction de ce Manuel du MAE précise :
INTRODUCTION

 La présente publication vise à fournir des orientations en vue de l’adoption de bonnes
pratiques, compte tenu de l’expérience acquise, tout en fournissant aux juges et procureurs
compétents des informations précises sur la manière dont les formulaires de mandat d’arrêt
européen devraient idéalement être remplis. À cette fin, le texte contient des exemples précis
montrant comment établir un mandat d’arrêt européen (MAE).

 Le mandat d’arrêt européen est le premier instrument juridique fondé sur la reconnaissance
mutuelle des décisions pénales. Il entraîne un changement radical par rapport à l’ancien
système d’extradition, qui a été remplacé par un système de remise des personnes au sein d’un
espace de liberté, de sécurité et de justice, l’effet se faisant sentir notamment sur les
procédures, les délais et les motifs de non-remise d’une personne. Le MAE est donc
intimement lié à l’objectif énoncé à l’article 29 du traité sur l’Union européenne.
- Il convient d’utiliser le MAE de façon efficace et proportionnée, comme un outil de
prévention et de répression de la criminalité, tout en respectant les droits fondamentaux des
suspects et des personnes condamnées. Cet instrument, fondé sur la privation d’une personne
de sa liberté, est en principe destiné à permettre de poursuivre les infractions les plus graves
ou les plus préjudiciables, susceptibles de justifier dans une large mesure son utilisation, ou
d’exécuter des condamnations. Son utilisation n’est prévue que dans les cas où un mandat
d’arrêt - ou toute autre décision judiciaire exécutoire ayant la même force - a été émis au
niveau national.

Il ne reste plus qu’à compléter ce Manuel de tout de même 129 pages d’un livre "Le MAE pour les nuls"
<br
La justice française a précisé sa doctrine dans un document de 75 pages en PJ
LES PROCESSUS DE REMISE DES
PERSONNES :
EXTRADITION et MANDAT D’ARRET
EUROPEEN

Vous pouvez diffuser et utiliser ce texte
On reviendra sur les procédures d’Olivier KARRER et de Lionel GILBERTI

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http://www.jugendamt-wesel.com/MAE/le-mandat-d-arret-europeen-pas-une-operation-de-juge-a-juge.htm