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LE 21 AOUT 1940

par Histoire

Publie le jeudi 21 août 2014 par Histoire - Open-Publishing
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Le 21 août 1940, un homme mourrait, un homme qui indiscutablement occupera toujours une place importante dans l’histoire de la lutte de l’humanité pour son émancipation. Dans les années et les décennies à venir, le personnage de Léon Trotsky apparaîtra encore plus important pour les historiens qui étudieront, analyseront et interpréteront le XXe siècle. Aucune autre vie n’a en effet reflétée aussi profondément les luttes, les aspirations et les tragédies du siècle passé avec autant de profondeur et de noblesse que celle de Trotsky. Si nous acceptons comme véridique la remarquable observation de Thomas Mann selon laquelle « à notre époque, le destin de l’humanité se présente en termes politiques », alors nous pouvons dire sans crainte d’exagération que les soixante années vécues par Trotsky représentent la réalisation la plus consciente du destin. La biographie de Léon Trotsky est l’expression la plus essentielle et concentrée des vicissitudes de la révolution socialiste mondiale au cours de la première moitié du XXe siècle.
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Trois ans avant sa mort, lors d’un entretien avec un journaliste américain sceptique et hostile, Trotsky expliqua qu’il voyait sa vie non pas comme une série d’épisodes déroutants et en dernière analyse tragiques, mais bien comme un reflet des différentes étapes de la trajectoire historique du mouvement révolutionnaire. Son arrivée au pouvoir en 1917 était le produit d’un soulèvement sans précédent de la classe ouvrière. Pendant six ans, son pouvoir découlait des relations sociales et politiques créées par ce soulèvement. Le déclin de son sort politique personnel résulte inexorablement du recul de la vague révolutionnaire. Trotsky a été chassé du pouvoir non pas parce qu’il était un politicien moins adroit que Staline, mais bien parce que la force sociale sur laquelle son pouvoir était basé ­ la classe ouvrière russe et internationale ­ battait politiquement en retraite. L’épuisement de la classe ouvrière russe au lendemain de la guerre civile, le pouvoir politique croissant de la bureaucratie soviétique, et les défaites subies par la classe ouvrière européenne ­ notamment en Allemagne ­ furent, en dernière analyse les facteurs décisifs responsables de la chute du pouvoir de Trotsky.

Toutes les défaites subséquentes subies par la classe ouvrière internationale se retrouvent dans le sort personnel de Trotsky : la démoralisation politique provoquée par la défaite de la révolution chinoise en 1927 fournit à Staline l’opportunité d’expulser l’Opposition de gauche de l’Internationale communiste et d’envoyer Trotsky en exil, d’abord à Alma Ata, puis peu de temps après, hors de l’URSS. La victoire de Hitler en 1933 ­ rendue possible par les politiques criminelles et irresponsables du Parti communiste allemand dirigé par les staliniens ­ mit en branle toute une chaîne d’événements horrifiants qui aboutit aux procès de Moscou, aux catastrophes politiques des fronts populaires staliniens et à l’expulsion finale de Trotsky du continent européen vers le lointain Mexique.

C’est dans ce pays, à Coyoacan, en banlieue de Mexico, que Trotsky fut assassiné par un agent stalinien. La mort de Trotsky survint au même moment où l’orgie sanglante de la contre-révolution fasciste et stalinienne battait son plein. À cette époque, pratiquement tous les anciens camarades de Trotsky en Union Soviétique avaient été liquidés. Ses quatre enfants étaient morts, les deux filles les plus âgées étant mortes prématurément du fait des privations imposées par la persécution de leur père, alors que les deux fils, Sergei et Lev, avaient été assassinés par le régime stalinien. Lev Sedov mourût à Paris en février 1938. Il était à cette époque le cadre politique le plus important après son père dans la Quatrième Internationale. D’autres membres exceptionnels du secrétariat de la Quatrième Internationale ­ Erwin Wolf et Rudolf Klement ­ furent assassinés respectivement en 1937 et en 1938.

En 1940, Trotsky voyait son assassinat comme inévitable. Mais il ne se résigna pas en un état de quelconque pessimisme à propos de son sort. Il fit tout en son pouvoir pour parer et retarder le coup préparé par Staline et ses agents du GPU/NKVD. Il comprenait que les conspirations de Staline étaient nourries par la contre-révolution. « Je vis non pas selon la règle mais bien en exception qui la confirme ». Il prédit que Staline profiterait de la reprise de la guerre en Europe occidentale au printemps de 1940 pour frapper. Sa prévision allait s’avérer juste.

La première tentative sérieuse d ‘assassinat survint dans la soirée du 24 mai 1940 alors que l’attention mondiale était tournée vers la déroute des armées françaises devant les troupes de Hitler. La seconde tentative réussit et survint en pleine bataille d’Angleterre, à la fin de l’été de la même année.

Pourquoi Trotsky exilé et apparemment isolé était-il toujours aussi craint ? Pourquoi sa mort était-elle voulue par certains ? Trotsky offrit une explication politique à cela. À l’automne 1939, quelques semaines après la signature du pacte Hitler-Staline (qu’il avait d’ailleurs prédit) qui aboutit au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Trotsky signala une conversation, rapportée dans un journal parisien, entre Hitler et l’ambassadeur français Coulondre. Alors que Hitler vantait son traité conclu avec Staline qui lui libérait les mains pour s’occuper des ennemis de l’Allemagne à l’Ouest, Coulondre l’interrompit en l’avertissant : « mais le véritable vainqueur (en cas de guerre) sera Trotsky. Y avez-vous pensé ? » Hitler reconnut la justesse de l’évaluation de l’ambassadeur français, mais blâma ses adversaires de lui forcer la main. Citant cet inqualifiable entretien, Trotsky écrivit : « Ces gentlemen aiment bien mettre un nom sur le spectre de la révolution… tant Coulondre que Hitler sont des représentants de la barbarie qui s’étend en Europe. Mais aucun des deux ne doute cependant que leur barbarie sera défaite par la révolution socialiste ».

Trotsky était certes craint par les camps fasciste et démocratique, mais encore plus par la bureaucratie soviétique. Staline n’avait pas oublié comment les défaites subies par les armées russes pendant la Première Guerre mondiale avaient discrédité le régime et mobilisé les masses. Le même danger n’était-il pas toujours présent si une nouvelle guerre éclatait, indépendamment de l’entente avec Hitler ? Aussi longtemps qu’il vivrait, Trotsky resterait la plus grande alternative révolutionnaire à la dictature bureaucratique, la personnification même du programme, des idéaux et de l’esprit d’Octobre 1917. C’est pourquoi Trotsky ne pouvait vivre.

http://2ccr.unblog.fr/2014/08/21/le-21-aout-1940/

Messages

  • Commémorer la mort d’un authentique révolutionnaire que le mouvement ouvrier international, les PC ont injustement calomnié durant des décennies, ne saurait, selon moi, conduire à réinventer un culte de la personnalité post mortem, concernant "le Vieux" et, plus politiquement coupable, réécrire l’Histoire révolutionnaire, sans un début d’analyse autocritique

    Cet article me désole autant que les caricatures que j’ai pu lire-voire colporter- sur Trotski

    Passons sur ce qui restera une tradition de nonagénaires abrités derrière leurs certitudes partisanes, et qui consiste à tout amalgamer sous le vocable de"stalinien"
    Il est triste de lire un paragraphe aussi caricatural

    (gras A.C)

    La victoire de Hitler en 1933 ­ rendue possible par les politiques criminelles et irresponsables du Parti communiste allemand dirigé par les staliniens ­ mit en branle toute une chaîne d’événements horrifiants qui aboutit aux procès de Moscou, aux catastrophes politiques des fronts populaires staliniens et à l’expulsion finale de Trotsky du continent européen vers le lointain Mexique.

    C’est dans ce pays, à Coyoacan, en banlieue de Mexico, que Trotsky fut assassiné par un agent stalinien. La mort de Trotsky survint au même moment où l’orgie sanglante de la contre-révolution fasciste et stalinienne battait son plein.

    Le 21 Août 40, des "staliniens" que l’article dénonce, dans une assimilation insultante au fascisme, croupissaient déjà en taule , voire-s ‘agissant de la France- étaient expédiés en Algérie dans des camps de concentration , des"staliniens" de ce Parti communiste allemand que l’auteur re-fusille, étaient parqués en camps d’extermination, des"staliniens" espagnols croupissaient dans des fosses communes ou étaient torturés à Carabanchel
    Dire cela ne saurait légitimer, de ma part, les crimes infects des émissaires de Staline en Espagne !
    Y compris quand ils s’attaquaient à ce POUM baptisé "trotskiste" alors que L.T avait condamné sa stratégie !
    Mais ce qui est signe d’absence totale d’analyse marxiste chez les auteurs de ce papier c’est ceci :

    Trotski a été chassé du pouvoir non pas parce qu’il était un politicien moins adroit que Staline, mais bien parce que la force sociale sur laquelle son pouvoir était basé ­ la classe ouvrière russe et internationale ­ battait politiquement en retraite. L’épuisement de la classe ouvrière russe au lendemain de la guerre civile, le pouvoir politique croissant de la bureaucratie soviétique, et les défaites subies par la classe ouvrière européenne ­ notamment en Allemagne ­ furent, en dernière analyse les facteurs décisifs responsables de la chute du pouvoir de Trotsky

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    Je ne rappellerai pas ici l’histoire de Kronstadt et l’expérience autogestionnaire,"normalisée" par l’armée ROUGE. Et son chef !

    Mais je maintiens une chose

    La répression sanglante et infecte du trotskisme, la crapulerie "stal"consistant à parler d’ hitléro-trotskysme" y compris dans les années 50 pour éliminer des dirigeants "staliniens" de PC en Europe, et les remplacer par des plus "souples" vis à vis de STALINE ?....ne saurait être une circonstance atténuante pour exclure Trotski d’une sévère condamnation de complicité avec quasiment TOUS les compagnons de LENINE

    Aussi bien les"vainqueurs " par la terreur stalinienne que victimes trotskystes de cette dernière, ne remirent en cause de façon objective ce que le"communisme de guerre" justifia pour s’éloigner de MARX et donc du COMMUNISME

    "Les masses font l’Histoire", cette expression FONDAMENTALE qui aurait dû inspirer TOUT communiste dans le monde, fut remplacé, en réalité par "le PARTI est l’avant garde que les MASSES se doivent de suivre, puisque le PARTI agit pour la CLASSE ouvrière et son émancipation"

    C’est au nom de la "dictature du prolétariat », prolongée que tous ceux qui se déclarèrent légataires universels de LENINE (de Staline à Kamenev en passant par TROTSKI, furent, en conscience ou pas, les pères de la "dictature SUR le prolétariat" puis de la dictature de la DIRECTION sur LE PARTI, lui-même

    C’est cette tragédie révisionniste, ce pseudo"marxisme-léninisme" qui signait la MORT du mouvement ouvrier, bien avant que l’on envoie à MEXICO un tueur stalinien

    Ne pas oser débattre de cette question pour"crime de lèse-mémoire de L.T" c’est en 2014, continuer, au nom du"trotskysme" , à objectivement aider TOUS CEUX (y compris les"ex staliniens" devenus pantins du FDG) qui sont, à ce moment historique de la CRISE du Capitalisme, des supplétifs de l’adversaire de Classe.

    AC

    Je ne saurais trop conseiller de lire cette réflexion de Bensaïd sur ROSA LUXEMBURG et le spartakisme, ce qui évitera des raccourcis sur les communistes allemands -y compris pour une réflexion "équilibrée" sur KPD dans les années 30

    Le regretté philosophe dit"trotskyste" écrit

    http://lemaidanielbensaid.blogspot.fr/2010/12/entretien-avec-daniel-bensaid-sur.html

    Il y a des livres de Trotsky qui sont épouvantables, Terrorisme et Communisme notamment (Trotsky, 1920) : on peut comprendre le contexte de la guerre civile russe, mais de là à théoriser l’état d’exception au-delà de l’exception, justement, c’est autre chose. Sur Rosa, il y a une facilité et un anachronisme à relire ses textes critiques sur Lénine et le Parti à travers le prisme du phénomène bureaucratique et stalinien, survenu ultérieurement.