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Football, médias, politique, Vangelis Marinakis, profil grec et bras long

par AndreïS

Publie le lundi 24 novembre 2014 par AndreïS - Open-Publishing
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La Grèce va mal, c’est admis, mais commence à voir le bout du tunnel. La Commission européenne table ainsi sur une fin de récession dès cette année (+0,6 %), et un retour à une croissance confortable dès 2016 (+3,7 %). Dans le même geste, le chômage devrait baisser et les finances publiques s’améliorer. Ça, c’est si le pays de Karolos Papoulias ne crie pas victoire trop vite, et reste vigilant. Certaines menacent continuent en effet de planer au-dessus d’Athènes, dont l’une des plus sérieuses s’appelle Evangelos Marinakis.

Marinakis, illustration de la corruption ordinaire dans le football grec ?

Les fans de football ont déjà entendu sans doute son nom, les autres c’est moins sûr. Marinakis est avant tout connu en tant que président de l’Olympiacos FC. Le club survole le championnat grec, n’ayant raté que deux fois la première place depuis 1997. Impeccable sur le terrain (il faut dire ici que le championnat grec n’est pas réputé pour son niveau), l’OFC d’Athènes n’est semble-t-il pas indemne de tout reproche en coulisses. En cause, les soupçons de corruption qui planent sur lui.

A la manœuvre, Marinakis, qui à en croire Andreas Koreas, procureur en charge du dossier judiciaire le concernant, aurait, en compagnie de ses proches collaborateurs, « approché et tenté de manipuler des officiers de police, des juges, des politiciens et d’autres hommes de pouvoir du pays pour servir leurs intérêts, leur promettant en échange de services d’importants postes au sein du club une fois qu’ils quitteraient leurs fonctions dans le secteur public ». Entre autres combines.

Marinakis est également soupçonné d’avoir acheté des arbitres à de nombreuses reprises. L’affaire prendra une tournure médiatique considérable dans la République hellénique, et sera désignée sous le nom de Koriopolis, contraction du grec korios (enregistrement téléphonique) et de Calciopoli, nom d’un scandale similaire ayant éclaté dans le championnat italien en 2006. L’EU Observer indique que pour arriver à ses fins, Marinakis n’hésitait pas à faire usage de « menaces, de violence et de pots-de-vin. »

A l’époque, l’homme d’affaires grec est également président de la Superleague du pays et vice-président de la Fédération hellénique de football (FHF). Coïncidence ou non, cette dernière fait alors l’objet de soupçons de détournements de fonds, d’irrégularités dans les élections et de manipulations des frais de transferts.

Corruption et sport grec font bon ménage depuis la nuit des temps. En 332 avant J-C, un certain Caloppos est ainsi démasqué après avoir acheté ses adversaires au pentathlon. Les Athéniens refusent de payer l’amende infligée à leur athlète, avant de céder, la pythie de Delphes leur refusant tout service tant qu’ils ne s’en seront pas acquittés. Nombre d’historiens considèrent que la décadence des Jeux olympiques antiques est en large partie due à ce genre d’affaires.

Aujourd’hui encore, un certain niveau de corruption semble toléré de manière tacite dans le sport grec, a fortiori dans le foot. Le scandale Koriopolis n’aurait sans-doute pas mérité de fiche Wikipédia en bonne et due forme s’il n’avait concerné, entre autres, le président du plus grand club du pays. Quand bien même : il n’aurait fait qu’illustrer une fois de plus une réalité connue de tous, dans un pays où la corruption est endémique, si ne s’étaient greffés des à-côtés inquiétants, lui conférant une dimension plus globale, à même d’ébranler le pays.

Un milliardaire interlope à la tête de l’Etat ?

Marinakis, en effet, ne se contenterait pas de traficoter le déroulement de matchs de foot. Homme d’affaires aguerri, le milliardaire grec est aussi armateur, et il ressort des écoutes téléphoniques le concernant (commanditées par le procureur Andreas Koreas en 2012 et dont la retranscription a été diffusée pour la première fois, avant d’être reprise, sur le site grec Skai) qu’il entretiendrait également des liens étroits avec la presse de son pays.

Le journal Avgi, affilié au parti d’opposition de gauche Syriza, prétend ainsi que le journal Parapolitika serait contrôlé par Marinakis, et qu’il s’en servirait pour publier des contenus favorables à l’aile droite du gouvernement Samaras. Le directeur éditorial de Parapolitika, Yannis Kourtakis, également aux commandes d’un journal économique, d’une feuille de chou sportive et de la station de radio Olympiacos FM, s’est toujours défendu de ces accusations. Pourtant, des écoutes réalisées par le procureur Koreas en mai 2012 l’accablent. On y entend Marinakis donner des instructions directes à Kourtakis quant à la ligne à donner à Parapolitika dans les jours à venir.

Quand il n’a pas étendu ses tentacules dans une rédaction, Marinakis semble recourir à une autre méthode. Adieu le soft power, place à l’intimidation. Le journalise George Tampakopoulos a ainsi témoigné que Marinakis l’avait frappé à deux reprises dans un restaurant, tandis que les journalistes Antonis Karpetopoulos et Nikos Vasilaras auraient quant à eux été attaqués par des gangs de supporters de l’Olympiacos.

Dernièrement, le blogueur grec Jodi, connu pour ses graphiques incisifs sur la situation en Grèce, a mystérieusement disparu de la toile après avoir publié une infographie reprenant un extrait des conversations téléphoniques entre Marinakis et un journaliste. Son blog a fermé, ses comptes Twitter et Facebook aussi.

L’affaire est grave, elle renseigne assez sur le manque de liberté de la presse en Grèce, mais elle pourrait s’arrêter là. Ce n’est pas le cas. Alors que le Parlement hellénique peine à élire un nouveau président de la République (en Grèce, ce dernier est élu aux 2/3 par les députés) le nom de Marinakis a été soufflé. Et pas par n’importe qui, puisque cette idée de génie émane… de l’actuel Premier ministre Antónis Samarás.

Farfelue, la proposition de Samarás ? Pas tant, quand on sait que Marinakis se mêle de politique, et qu’il a par ailleurs toute la logistique nécessaire pour accéder à de hautes fonctions : argent, organes de presse à sa solde, carnet d’adresses long comme le bras. D’autant que si l’homme est inquiété dans de multiples affaires, il n’a pour l’instant pas été condamné, les dossiers à sa charge ayant une fâcheuse tendance à s’éterniser.

Marinakis chef de l’Etat grec, ce serait d’abord une grenade dans la chaussure du peuple hellénique, ensuite une forme d’injure adressée à l’Union européenne, qui maintient le pays sous perfusion depuis des années.

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