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Non, le projet économique de Le Pen n’est pas celui de Mélenchon (video #JLMChiffrage)

par Charlotte Belaich

Publie le vendredi 28 avril 2017 par Charlotte Belaich - Open-Publishing

Depuis que son match contre Macron a commencé, la candidate d’extrême droite drague les électeurs de Mélenchon, s’autoproclamant la représentante des démunis quand son concurrent serait celui de l’oligarchie.

L’entreprise de récupération est lancée. Par ici les Insoumis, au second tour, l’alternative au vote Mélenchon, c’est le vote Le Pen, rabâchent l’ex-présidente du FN et ses lieutenants. Faisant office d’argumentaire : l’opposition supposée entre la candidate du peuple, qui parle aux plus faibles d’un côté, et le candidat de la finance mondialisée, qui parle à l’oligarchie, de l’autre. Macron, assure Marine Le Pen, c’est le grand ordonnateur d’un « projet fratricide », « ultralibéral ». C’est « la France soumise ». Comprendre : le Front national, en revanche, est du côté des insoumis.

Sur l’Union européenne, il y a bien entre Le Pen et Mélenchon des points communs. Les deux veulent par exemple en finir avec les accords de libre-échange du type Tafta (avec les Etats-Unis) ou Ceta (avec le Canada) et abroger la directive sur les travailleurs détachés – l’une en faisant valoir sa préférence nationale, l’autre en vantant une harmonisation par le haut, en se calquant sur les lois françaises. Encore faut-il rappeler que Jean-Luc Mélenchon critique l’UE telle qu’elle est aujourd’hui, quand Marine Le Pen est hostile à son principe même.

Mais au niveau national, au rayon économique et social, les lignes des deux candidats divergent plus souvent qu’elles ne convergent. Aussi protectionniste soit-il, le programme de Marine Le Pen n’a pas totalement coupé les ponts avec le libéralisme qui caractérisait le FN des années 80. Marion Maréchal-Le Pen demandait d’ailleurs dès 2015 « moins de libéralisme à l’extérieur et plus à l’intérieur ». Une formule qui, semble-t-il, a été entendue. Passage en revue de quelques mesures.

Des points communs…

Comme son ex-concurrent, Marine Le Pen propose d’abroger la loi El Khomri qu’elle avait critiquée lors du passage en force du gouvernement, y voyant une dérégulation et une précarisation du marché du travail. Elle avait d’ailleurs également sommé sa nièce de retirer des amendements plus libéraux que la loi elle-même.

Leurs programmes se rejoignent également sur le retour de l’âge légal à la retraite à 60 ans après quarante années de cotisation et sur la revalorisation du salaire des fonctionnaires.

Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, et ils ne sont pas les seuls, s’accordent aussi sur la nécessaire intervention de l’Etat dans l’économie. Par exemple, l’un proposait, l’autre propose encore, de nationaliser les autoroutes.

…et beaucoup de différences

Au rayon des divergences, la liste est plus longue. Si le tract censé montrer les points communs entre le programme frontiste et l’Avenir en commun assure que Marine Le Pen comme Jean-Luc Mélenchon veulent « conserver les 35 heures », la réalité est tout autre. Rappelons d’abord que ce dernier ne voulait pas seulement s’en tenir au temps de travail actuellement en vigueur, mais favorisait les 32 heures. Côté FN, on écrit bien en gras « maintenir la durée légale hebdomadaire du travail à 35 heures ». Mais il faut lire la suite : « Autoriser la négociation sur l’allongement du temps de travail exclusivement au niveau des branches professionnelles. » Toujours sur le temps de travail, rien, dans le programme de Marine Le Pen, sur le travail du dimanche, sur lequel Jean-Luc Mélenchon voulait revenir.

La présidente du Front national veut en revanche supprimer le compte pénibilité, mis en place par le gouvernement sortant, et qui permet aux salariés d’engranger des points en fonction de la pénibilité de leur travail. Ces points peuvent ensuite être convertis en trimestres de cotisations, permettant de prendre sa retraite un peu plus de deux ans avant l’âge légal de départ, au maximum. Marine Le Pen, qui y voyait « une loi de fou », en raison de sa complexité, comme de nombreux patrons, veut la remplacer par un mécanisme encore flou, qui s’appuie sur la médecine du travail.

De ce quinquennat, elle conserve cependant le CICE, un crédit d’impôt sur les sociétés accordé à toutes les entreprises sur les salaires inférieurs à 2,5 fois le smic, en le transformant en allégement de charges pérenne pour les TPE et PME. Jean-Luc Mélenchon lui, promettait de supprimer ce dispositif de 27 milliards et allouer cette somme au financement de la transition énergétique et aux « activités socialement utiles ».

Au rayon impôt sur les sociétés toujours, Jean-Luc Mélenchon proposait de le moduler selon l’usage des bénéfices : un taux réduit pour les bénéfices réinvestis en France et un taux plein pour les bénéfices distribués aux actionnaires. Avec Marine Le Pen, pas de conditionnement. La présidente du Front national promet de créer un taux intermédiaire à 24% pour les PME.

Pas vraiment dans la veine mélenchoniste, la candidate promet également de défiscaliser les heures supplémentaires, mesure marquée du sceau du sarkozysme, et d’exonérer les plus-values de cession d’actions pour les PME.

Concernant les ménages, Jean-Luc Mélenchon visait une augmentation de l’impôt à partir de 4 040 euros tout pile de revenu net mensuel, comme le montrait son simulateur. Au-dessus, une phrase signalait « votre salaire appartient aux 8% les plus élevés. Vous contribuerez à hauteur de 7 euros en plus pour la solidarité nationale ». En dessous de ce seuil, l’impôt baissait. Marine Le Pen, elle, promet de baisser de 10% les trois premières tranches, soit jusqu’à 6 000 euros par mois. Une somme à laquelle, selon le simulateur de Jean-Luc Mélenchon, l’imposition grimpait de 836 euros.

Autre mesure pas vraiment classée à gauche de l’échiquier politique et pas vraiment à destination des plus précaires : Marine Le Pen prévoit de « permettre à chaque parent de transmettre sans taxation 100 000 euros à chaque enfant tous les cinq ans », contre 15 000 actuellement. Les grands-parents, eux aussi, pourraient donner 50 000 euros tous les cinq ans, sans être taxés. Jean-Luc Mélenchon proposait de son côté d’augmenter les droits de succession sur les gros patrimoines.

Toujours à contre-courant du projet mélenchoniste, Marine Le Pen promet de revenir à l’universalité des allocations familiales, que François Hollande avait supprimée. Les allocations de base (129 euros pour deux enfants, 295 euros pour trois, etc.) sont maintenant divisées par deux à partir de 6 000 euros de revenu par foyer, et par quatre au-delà de 8 000 euros de revenu, dans l’optique de rétablir une certaine justice sociale. Idem pour le quotient familial. Instauré après-guerre pour favoriser la natalité, il s’agit d’une modulation de l’impôt en fonction du nombre d’enfants. Cette déduction d’impôt est réduite à partir d’un certain seuil de revenu, que François Hollande a abaissé. Marine Le Pen, elle, veut rehausser le niveau de revenu à partir duquel cette déduction s’applique.

Pour Marine Le Pen enfin, pas question d’augmenter le Smic, que Jean-Luc Mélenchon promettait à 1 326 euros net, soit une hausse de 16%. Elle veut cependant mettre en place une prime de pouvoir d’achat d’au moins 80 euros pour les petits revenus, financée par une taxe sur les produits et services importés.

http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/04/28/non-le-projet-economique-de-le-pen-n-est-pas-celui-de-melenchon_1565792

Diffusé en direct le 19 févr. 2017

Le dimanche 19 février 2017, la France insoumise organisait une édition spéciale chiffrage de l’émission Esprit de Campagne. Nous avons réalisé un direct de 5 heures pour répondre à cette question : « L’Avenir en commun, combien ça coûte ? ».

En toute transparence, les experts et les membres de la commission en charge de la rédaction du programme ont détaillé les coûts et les recettes des propositions de la France insoumise pour répondre aux urgences sociales, économiques et humaines.

Tout au long de l’émission, un groupe d’experts répondait aux questions posées par les internautes sur les réseaux sociaux avec le hashtag #JLMChiffrage. Et des journalistes professionnels ont également accepté de suivre l’émission en direct. Ils ont interrogé Jean-Luc Mélenchon et son équipe sur le plateau d’ « Esprit de campagne » en fin d’émission.

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