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Armée, enseignement supérieur, collectivités… l’épreuve de vérité commence pour Macron

par Bastien Bonnefous

Publie le mardi 18 juillet 2017 par Bastien Bonnefous - Open-Publishing

Les foyers de crises intérieures se multiplient, provoqués par l’annonce gouvernementale d’un serrage de vis budgétaire global en 2017.

Après l’euphorie de la victoire et l’état de grâce des premières semaines, l’épreuve de vérité commence réellement pour Emmanuel Macron. A l’aise sur le plan international, le chef de l’Etat voit se multiplier les foyers de crises intérieures, provoqués par l’annonce gouvernementale, la semaine dernière, d’un serrage de vis budgétaire global en 2017, avec une baisse prévue de 4,5 milliards d’euros des dépenses de l’Etat. Défense, enseignement supérieur, collectivités territoriales… les critiques affluent.

La première fronde du quinquennat Macron n’est pas venue de là où on l’attendait. Alors que beaucoup prédisaient des contestations rapides à la politique présidentielle sur le front social, à l’occasion de la réforme du code du travail menée par ordonnances, c’est du champ militaire que la défiance s’est exprimée.

En annonçant une coupe de 850 millions d’euros dans le budget 2017 de la défense, Emmanuel Macron et son gouvernement ont provoqué un large mécontentement dans les rangs militaires, au point que la « grande muette » est sortie de son silence pour critiquer, par la voix du chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers, les choix de l’exécutif. Quelle que soit son issue – départ ou maintien du général de Villiers – le bras de fer entamé depuis quelques jours entre le haut gradé et la présidence, devrait laisser des traces dans les futures relations de confiance entre les armées et le Château.

Pour la défense, les économies réclamées dès cette année sont d’autant plus dures à digérer que le candidat, devenu le président Macron, avait multiplié les signaux favorables en direction des militaires avant et après l’élection présidentielle. Durant la campagne, il avait séduit les treillis en rappelant sans cesse qu’il consacrerait 2 % du PIB à l’effort de défense d’ici à 2025. L’objectif est certes maintenu, mais il ne laissait pas présager à l’époque aux militaires que des sacrifices budgétaires seraient nécessaires au préalable.

Terrains minés

Le même sentiment d’une douche froide financière existe dans l’enseignement supérieur et la recherche. Alors que le candidat Macron avait promis de sanctuariser les budgets de ces deux secteurs, l’annonce, la semaine dernière, de l’annulation de 331 millions d’euros de crédits pour 2017 a provoqué la colère des syndicats d’étudiants et de professeurs. Une perte qui tombe au plus mauvais moment, alors que le gouvernement a dû entamer lundi 17 juillet une concertation pour réformer au plus vite le système d’entrée à l’université.

La plate-forme informatique d’Admission post-bac ne permet plus en effet d’absorber la démographie étudiante en pleine croissance. Résultat, près de 87 000 candidats attendent toujours une place dans l’enseignement supérieur. « Un énorme gâchis », a reconnu lundi la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal, qui pourrait provoquer des tensions lors de la prochaine rentrée universitaire.

Troisième terrain miné pour le gouvernement : les économies réclamées aux collectivités territoriales. Si les associations d’élus se sont félicitées de la méthode d’un « pacte » entre l’Etat et les collectivités locales, annoncé lundi par l’exécutif à l’occasion de la Conférence nationale des territoires, les restrictions financières demandées par le gouvernement ne passent toujours pas.

Les collectivités vont devoir réaliser 13 milliards d’euros d’économies d’ici à 2022, soit trois milliards de plus que prévu dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron. Cette réduction des dépenses, dénoncée par la droite et la gauche confondues, est rendue encore plus compliquée par la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables dès 2018, réaffirmée lundi par le chef de l’Etat et par le premier ministre Edouard Philippe devant le Sénat. Un calendrier trop précipité et un manque à gagner trop important pour de nombreux élus locaux. Et ce n’est pas l’engagement d’Emmanuel Macron d’avancer de deux ans, de 2022 à 2020, la couverture de l’ensemble du territoire en Internet haut débit qui leur fera avaler la pilule.

Plus les jours passent, plus le duo exécutif est contraint de sortir de l’ambiguïté de son double discours devant le Congrès à Versailles, le 3 juillet, pour le président de la République, et le lendemain devant l’Assemblée nationale, pour le chef du gouvernement. Peu précis devant les parlementaires, MM. Macron et Philippe doivent désormais détailler leurs choix budgétaires pour atteindre un déficit public à 3 % du PIB à la fin de l’année et préparer le projet de loi de finances 2018. Une injonction réclamée à la fois par les milieux économiques et par l’opinion publique.

Le chef de l’Etat et ses proches préfèrent assumer pour ne pas donner l’impression de flou ou d’hésitation qui a tant desservi François Hollande lors du précédent quinquennat. « Macron a été élu parce qu’il a transgressé sur beaucoup de sujets pendant la campagne. Si une fois au pouvoir, il se met à tergiverser comme Hollande, il va le payer cher auprès des Français », estime un conseiller gouvernemental qui ajoute « si on ne fait pas les réformes tout de suite, on ne les fera jamais ». Une volonté d’agir et de trancher, qui présente néanmoins un risque, celui d’ouvrir plusieurs fronts explosifs en même temps.

http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/07/18/emmanuel-macron-face-aux-premieres-tensions_5161904_823448.html

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