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Pénurie de masques : un rapport de Santé Publique France accablant

par Jean-Marc ADOLPHE

Publie le vendredi 27 mars 2020 par Jean-Marc ADOLPHE - Open-Publishing

Saisi par la Direction générale de la santé (DGS), Santé Publique France a remis en mai 2019 un rapport « dans le cadre de la préparation à une pandémie grippale », qui porte notamment sur le besoin en masques. Des recommandations visiblement mises sous le boisseau.

Le site internet bellaciao.org révèle, ce 27 mars, un fait pour le moins troublant, qui rajoute un pavé dans la mare de l’impréparation gouvernementale face à la pandémie du Covid-19. Aux dires des responsables gouvernementaux, l’insuffisance de masques serait due à des décisions prises dans les années 2011-2013, qui résulte en effet d’une inflexion de la politique de constitution et de renouvellement des stocks mise en œuvre par le ministre chargé de la Santé, sur le fondement de la doctrine développée par le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) et les avis du Haut Conseil de Santé Publique. « En 2011, le SGDSN a changé de doctrine sur la façon de gérer les stocks, confie l’un des responsables politiques de l’époque », selon un article récent de L’Opinion : « Il a considéré qu’il était préférable de s’appuyer sur la capacité de production chinoise ». Un document du SGDSN, daté du 16 mai 2013, définit bel et bien une nouvelle « doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire ». Elle se base sur les recommandations d’un rapport du Haut Comité de la santé publique du 1er juillet 2011. L’idée générale était que « la protection des travailleurs relève de la responsabilité des seuls employeurs », à charge pour eux d’évaluer les mesures les plus adaptées pour chaque poste. »

Toutefois, en novembre 2016, Santé Publique France est saisi par la Direction générale de la santé (DGS) « afin de disposer d’un avis relatif à la stratégie d’utilisation des antiviraux pour faire face à une pandémie et au dimensionnement des stocks stratégiques nationaux d’antiviraux en s’appuyant sur des éléments probants. » Santé Publique France publie son rapport en mai 2019 : « dans le cadre de la préparation à une pandémie grippale, les autorités sanitaires françaises ont notamment décidé la constitution de stocks de contre-mesures médicales, en particulier de stocks physiques de mesures barrière et d’antiviraux, afin de pouvoir protéger et/ou prendre en charge la population cible de manière accélérée. Il faut régulièrement réévaluer cette stratégie au regard de l’évolution des connaissances et des innovations disponibles. »

Le groupe d’experts, présidé par Jean-Paul Stahl, Professeur des universités - Praticien hospitalier, maladies infectieuses et tropicales, au CHU Grenoble Alpes, écrit en préalable à ce rapport : « Le risque et la gravité d’une pandémie ne peuvent être prévus, ni la date de sa survenue. (…) Le risque doit être considéré comme important, mais sa survenue ne peut être datée. En conséquence un stock peut arriver à péremption sans qu’il y ait eu besoin de l’utiliser. Cela ne remet pas en cause la nécessité d’une préparation au risque. La constitution d’un stock devrait être considérée comme le paiement d’une assurance, que l’on souhaite, malgré la dépense, ne jamais avoir besoin d’utiliser. Sa constitution ne saurait ainsi être assimilée à une dépense indue ».

Les recommandations des experts en termes de stock de masques sont sans appel :

Pour lire l’intégralité du rapport de Santé Publique France : ici.

 Entre temps (entre novembre 2016 et mai 2019), très précisément le 12 février 2018 à Dubaï, lors du World Government Summit, Tedros Adhanom, le directeur général de l’OMS avait alerté : « Une épidémie dévastatrice pourrait commencer dans n’importe quel pays à tout moment et tuer des millions de personnes parce que nous ne sommes pas encore prêts. »

Capture d’écran du site en ligne UP-magazine

Ainsi donc, le gouvernement français n’était pas prévenu ?

Et le rapport de Santé Publique France, en mai 2019, passé inaperçu ? Il est vrai que ce rapport est tombé au plus mauvais moment. En mai 2019…, nos gouvernants avaient des chats autrement plus importantes à fouetter : nous étions en pleines élections européennes. Autrement plus important que de misérables questions sanitaires !

En mai 2019... Le président de la République est sur une affiche de La République En Marche. Il y apparaît seul, sans mention de la tête de liste Nathalie Loiseau.

https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-adolphe/blog/270320/penurie-de-masques-un-rapport-de-sante-publique-france-accablant