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Coronavirus : la majorité des prud’hommes fermés, les salariés peinent à faire respecter leurs droits

par Ariane Griessel, Louis-Valentin Lopez

Publie le mardi 14 avril 2020 par Ariane Griessel, Louis-Valentin Lopez - Open-Publishing

Alors que la majorité des conseils de prud’hommes sont fermés en cette période de crise, certains salariés, qui ne sont plus payés, se retrouvent dans l’incapacité de se défendre au tribunal. Des avocats dénoncent une juridiction laissée à l’abandon.

Comment faire respecter les obligations des employeurs en cette période de crise du coronavirus ? Extrêmement difficile, alors qu’une majorité des conseils de prud’hommes sont fermés. Le ministère de la Justice avait pourtant promis que les procédures urgentes seraient toujours possibles, mais cela ne se vérifie pas en pratique.

Des salariés... sans salaire

Illustration en Normandie. Des salariés d’une entreprise s’aperçoivent que leur employeur ne les paye plus. Ils font alors appel à Sophie Challan-Belval, avocate au barreau de Rouen : "Normalement, nous pouvons faire des procédures d’urgence en référé pour obtenir une ordonnance de condamnation de paiement, ce qui nous permet après de récupérer les salaires pour les gens", explique-t-elle.

La difficulté se trouve dans les dossiers où il y a des urgences, à savoir le non-paiement des salaires, ce qui risque de se multiplier pour beaucoup de personnes au vu des difficultés des entreprises.

Mais aux conseils de prud’hommes concernés, aucun référé possible, lui dit-on, car tout est fermé. "Mes clients se retrouvent sans ressources", signale l’avocate : "Puisqu’ils sont toujours salariés de l’entreprise, ils ne peuvent pas percevoir d’allocation Pôle emploi. Ils sont censés être en télétravail ou en travail effectif avec paiement de leur salaire et… ils n’ont pas de salaire." Les conseils de prud’hommes dont dépendent les dossiers des salariés concernés sont fermés jusqu’au 15 avril, lui répond-on, dans l’attente de nouvelles directives.

"La juridiction prud’homale est quasiment à l’abandon dans certains cas"

La situation est la même un peu partout en France : Mulhouse, Caen, Nantes, Angers… Le Syndicat de avocats de France (SAF) a lancé un sondage auprès de ses adhérents. Rachel Saada, membre du syndicat et spécialiste en droit du travail, déplore la situation : "La majorité des conseils de prud’hommes sont complètement fermés. Les juridictions sociales sont des juridictions pauvres et mal considérées", juge-t-elle. "Et la juridiction prud’homale est de toute façon l’une des juridictions les plus mal loties, déshéritée, quasiment à l’état d’abandon dans certains cas, avec des délais extrêmement longs. Cette crise sanitaire accentue la situation déjà existante, c’est une sorte de coup de grâce."

C’est la juridiction du travail et les travailleurs paient le prix fort de cette pénurie très ancienne, de ce qu’on dénonce depuis des années, et qui évidemment éclate à la figure avec cette crise sanitaire.

À cela s’ajoute, selon Rachel Saada, membre du Syndicat des avocats de France, un manque criant de greffiers : "Un décret pris en catimini il y a quelques mois par la Chancellerie permet aux tribunaux judiciaires de prendre des greffiers aux conseils de prud’hommes", note l’avocate. "Il semblerait alors dans certaines localités que le tribunal judiciaire, pour faire face au fait qu’il n’y a plus de greffiers, soit parce qu’il s’agit de personnels qui gardent leurs enfants soit parce qu’ils sont en arrêt de travail, sont allés demander à des greffiers de juridictions prud’homales de venir les aider au tribunal judiciaire."
Pas d’explication du ministère de la Justice

Interrogé sur ces fermetures, le ministère de la Justice ne fournit pas d’explication. Les conseillers prud’homaux ne sont pas des magistrats professionnels, d’où peut-être aussi la difficulté de les solliciter en ce moment. Plusieurs avocats notent, dans le sens des propos de Rachel Saada, qu’une grande partie des moyens est accordée à la justice pénale des crimes et délits pendant le confinement, alors que dans le même temps la situation économique se dégrade dangereusement pour une partie des salariés.

https://www.franceinter.fr/coronavirus-la-majorite-des-prud-hommes-fermes-les-salaries-peinent-a-faire-respecter-leurs-droits

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