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ON VA DANS LE MUR... SAUF SI...

par Raymond H

Publie le mercredi 15 avril 2020 par Raymond H - Open-Publishing

ON VA DANS LE MUR… SAUF SI… (le 15/04/2020).

La gestion erratique et à retardement de l’épidémie du Covid-19 par le gouvernement, nous mène droit dans le mur. La fin du confinement est annoncée pour le 11 mai … si tout va bien. Seulement il va nous falloir plus de temps pour nous en relever, sans compter les nécessaires changements qu’il faudra mettre en place et qui vont demander quelques années pour être absorbés.
L’idéal (1) aurait été d’être préparé à cette épidémie pour y faire face en quelques jours :
  un nombre suffisant de masques et de gels hydro-alcooliques pour être distribué à tout le monde via des réseaux déjà en place et réquisitionnés d’office (pharmacies, laboratoires, hôpitaux, cliniques, médecins, entreprises, …) ;
  des tests en nombre suffisants pour un dépistage massif via les mêmes réseaux ;
  un isolement des personnes contaminées avant et après passage en réanimation ;
  des capacités de stockages et de productions de ces outils rapidement mobilisables pour éviter la pénurie ;
  une recherche médicale réactive et outillée pour sortir un vaccin rapidement ; du moins plus rapidement que ce qui est annoncé (courant 2021).
Cela aurait permis de limiter le confinement aux personnes réellement touchées et, si besoin, leur traitement rapide et leur hospitalisation sans surcharge pour les hôpitaux.
Mais la misère matérielle et humaine de notre système de santé (résultat de décennies de casse systématique par les gouvernements successifs, au nom de la rentabilité budgétaire) fait que cet idéal est impossible en l’état actuel. Le gouvernement Macron ne fait qu’hériter de cette situation et nous devons faire/subir avec.
Toutefois, le gouvernement aurait pu se fixer cet objectif et, en attendant d’en réunir les conditions, user temporairement du confinement total. Or, il n’a pas fait franchement ce choix. Il ne se donne pas les moyens de l’atteindre, (auto)contraint par la politique budgétaire subordonnée aux règles capitalistes de l’Union Européenne.
Déjà la mesure de confinement total est tardive (16/03/2020), au regard du début de l’épidémie, au regard du moment où on avait la certitude que s’en serait une (fin décembre 2019, début janvier 2020). Nous avons donc perdu du temps et du terrain dans le combat contre ce virus.
Plutôt que de nous dire la réalité sur la pénurie de masques, de gels et de tests, le gouvernement l’a caché usant, dans un premier temps, d’arguments scientifiques qui ne tenaient pas la route pour justifier un usage restreint de ces outils (« le masque c’est quand on est malade » ; « le dépistage c’est quand on a les symptômes graves » ; …). Puis, dans un second temps, il a tergiversé, y compris sur le traitement mis en place par le Dr Raoult - qui semble, malgré tout, prometteur – au prétexte qu’il ne suit pas le protocole expérimentale ; protocole qui, soit dit en passant, est valable en temps normale mais qui, me semble-t-il, n’a pas lieu d’être en situation d’épidémie où il y a urgence.
En écoutant M Macron lundi soir (13/04), on devine que ce retard d’information sur la réalité de la situation est volontaire pour ne pas semer la panique. Oui mais, tout ce qui aurait pu être fait depuis fin décembre 2019, n’a pas été totalement ou correctement fait pour créer de bonnes conditions d’affrontement ; d’ailleurs, le président lui-même le reconnaît aussi dans son allocution.
On arrive donc à ce jour (trois mois après le début donc), où le gouvernement entrevoit la possibilité d’un dépistage massif et de commandes très importantes de masques. Seulement, les conditions de mise en place sont trop sélectives et floues, retardant ainsi l’éradication du virus. Un exemple avec le dépistage : le gouvernement compte monter jusqu’à 500000 par semaine, ce qui revient à dire qu’il faudra au moins deux ans avant que toute la population soit passée. Certes, dans la pratique ce ne se fera pas ainsi ; tout le monde n’aura pas besoin d’être testé, du moins dans la même campagne. Mais, si on s’en tient qu’à un tiers de la population, cela demandera quand même au moins dix mois. Ce qui nous amènerait au mois de février 2021.
Le gouvernement ne prend pas la mesure de la chose. Mais pas pour tout le monde.
Les entreprises elles, sont dorlotées : paiement du chômage partiel par l’état ; report (sinon annulation peut être) des « charges », …
Pas de nationalisation (même temporaire) des secteurs stratégiques, pas de réquisitions d’office pour soutenir l’effort de guerre, …
Maintien des plans de restructuration du système de santé publique qui se traduira par des fermetures de services.
On sait que l’économie va être en récession. Mais cette récession, ce sont encore une fois les prolétaires, les pauvres qui vont la payer le plus durement : de leurs impôts ; de leurs restrictions salariales à venir (effort de redressement que ne manqueront pas de faire valoir les patrons) ; d’une augmentation des prix à la consommation (il faut se refaire du chiffre d’affaires) ; du report des financements des infrastructures publiques et collectives ; du chômage du fait des licenciements ; …

Ce qui est paradoxale dans cette affaire c’est que l’économie libérale joue contre elle.
Ce ne sont pas les mouvements sociaux qui vont la mette à plat, non c’est sa propension a vouloir juguler les dépenses publiques (les fameux « 3% ») pour libérer du capital pour le secteur privé. Total, le service de santé a du mal à faire face. Conséquence de quoi, seul le confinement peut limiter l’expansion de l’épidémie et donc, le système économique est au ralenti, car il manque de main d’œuvre pour fonctionner. Je ne parle pas ici, du secteur des services dont la majorité tourne pour assurer la logistique nécessaire (hôpitaux, nettoyage, commerce, transport, …). Non, je parle de ce qui constitue le PIB, le secteur de production de biens (automobile, aéronautique, BTP, …) qui ne fonctionne qu’avec de l’humain. L’Allemagne s’en tire mieux car elle est plus riche. Elle a un système de santé plus performant et mieux achalandé et un secteur productif plus important. Mais, elle impose des règles restrictives aux autres pays européens, les empêchant de se donner les moyens de s’en sortir au prix d’un endettement nécessaire.
Force est de constater que les patrons, leurs soutiens gouvernementaux et leurs chroniqueurs idéologues, ont sous-estimés (sinon effacés) cette dimension humaine. Leurs choix leurs reviennent dans la tête ; ils se sont tirés une balle dans le pied sans le vouloir.
Mais pas de panique, comme ils sont aux commandes, ils vont d’abord se sauver et nous laisser des miettes puis, iront de nouveau chanter les louanges du capitalisme libéral ; avec, au début, plus de doigtés et moins de morgues pour ne pas choquer.
D’ores et déjà le MEDEF demande des assouplissements pour aborder la reprise et le relèvement économique. Les gros patrons français vont faire comme leurs collègues allemands : continuer à toucher les dividendes de leurs actions comme si de rien n’était, pendant que le gouvernement leur garantit, à coup de milliards d’euros, un fond de caisse de fonctionnement sous couverts de différentes aides. C’est donc bien toujours les mêmes qui, dans leur esprit, doivent payer.

Sauf si …
Sauf si nous nous rassemblons pour exiger de réels changements. Cette épidémie a laissé en plan la lutte sociale contre la réforme des retraites, en même temps que les gilets jaunes étaient encore vivants. Certes, l’intensité des combats n’était pas celle des débuts mais, la mobilisation restait.
La gestion de cette épidémie est l’occasion de reprendre nos luttes après que le danger se soit éloigné. Mais c’est maintenant qu’il faut y penser, y réfléchir, ordonner nos revendications quitte à changer les priorités, préparer nos mobilisations.
Et tout cela ensemble.
Mais d’ores et déjà, nous pouvons constater des sources d’affaiblissement de ce nécessaire front populaire à construire.
Une des sources, la racialisation rampante des rapports sociaux qui surgissent (comme dans toute crise d’ailleurs) au travers de cette épidémie.
A l’instar de ce qui se passe aux Etats-Unis d’Amérique (EUA), certains en France commencent à faire le constat que cette épidémie touche plus les populations immigrées ou noires ou … Bref, les indigénistes, les communautaristes, les racialistes sont de retour pour balayer le caractère social du traitement capitaliste de cette épidémie, pour s’en tenir à un traitement supposé raciste.
Ceux qui sont touchés plus que d’autres, ce ne sont pas les immigrés ou les générations suivantes ou les noirs ou les gitans ou … que sais-je encore ? Ceux qui sont les plus touchés en proportion, ce sont les pauvres ; quelque soit leur origine ethnique, leur couleur de peau. Ceux qui vivent le confinement contraint dans des conditions sanitaires et de promiscuité anormales. Ceux qui sont obligés de travailler car ils sont dans des secteurs stratégiques importants, courant ainsi des risques de contagion. Ceux qui présentent des facteurs aggravants du fait de maladies chroniques (diabète, obésité, cancer, …).
Certes, la majorité n’est pas pauvre mais, il y a beaucoup plus de pauvres dans ces situations.
Mais même si nous retrouvons beaucoup d’immigrés, ou d’enfants d’immigrés parmi ces pauvres, les pauvres touchés sont majoritairement blancs ; le virus ne fait pas de distinguo. C’est le caractère de classe qui détermine la nature du traitement de cette épidémie. Le système capitaliste fait payer à l’ensemble des pauvres son incurie à gérer la pénurie qu’il a, par ailleurs, générée. Que ces pauvres se trouvent dans les quartiers ou les banlieues populaires, ou dans les villes et villages de province.
C’est donc bien une unité de classes que nous devons construire au-delà de nos différences, pour contrer les identitaires racistes et racialistes qui ne vont pas manquer de nous diviser. Soyons vigilants à cela, dès maintenant.
Autre source d’affaiblissement, les blacks-blocs qui fourbissent leurs armes pour intervenir tout de suite, dès le confinement levé. Ils font référence à cette nécessaire unité pour la lutte mais, ils assignent les acteurs de cette lutte au choix de la violence, la leur, sans se soucier du fondement politique et social de cette unité. Bref, ils s’auto-avangardisent en désignant d’ores et déjà implicitement les ennemis de l’intérieur en la personne de celles et ceux qui ne les suivraient pas : « c’est derrière nous comme on vous le montre, sinon c’est obligatoirement contre nous ». Désolé camarades BB, nous ne voulons pas rater le coche d’une lutte sociale unie et il vaudrait mieux que vous restiez en retrait sur ce coup là plutôt que de venir pourrir la construction pas à pas mais surement de notre camp ; dans les combats et dans les réflexions.
Cette unité repose avant tout sur les syndicats. Seuls aptes en ce moment à représenter le large panel populaire qui doit se mettre en marche. Les partis doivent être subordonnés, les indigénistes et les BB en retrait.
Enfin, comme source d’affaiblissement, il y a également les complotistes. Ceux qui croient que l’épidémie n’existe pas ou qu’elle a été créée de toute pièce ; qu’il n’y a pas autant de morts que ce qu’on dit ou que c’est une arme pour éliminer le peuple ; … Les tenants de cette théorie nous affaiblissent intellectuellement, empêchant toute réflexion saine donc, toute prise de position et d’actions correcte face au capitalisme.

(1) Cet idéal on devra le mettre en place rapidement pour les épidémies à venir. Il faudra créer au plus près du terrain et disséminer sur le territoire, des centres et détections, de confinements et de premiers soins. Les cas les plus graves seront alors envoyés en hôpital qu’il faudra restructurer et outiller pour mieux faire face.
En cas de crise, tous les secteurs de santé publique et privée devront être associés sous la direction des préfets et de représentants de la santé ; une sorte de cellule de crise ad ‘hoc, mobilisable en 24 ou 48h00.
Il faut aussi re-créer une industrie médicale et pharmaceutique locale et performante, pour ne pas dépendre du bon vouloir ou de la production d’autres pays. Ce qui n’empêche pas les coopérations et les échanges techniques ; au contraire.
(2) Deux écoles prévalent pour affronter cette pandémie.
La première ne préconise pas de confinements stricts, seulement un respect des gestes barrières. Les pays qui ont opté pour cela, partent du principe que lorsque 60% de la population au moins seront touchés, l’auto-immunité sera suffisante pour que le virus disparaisse de lui-même ; une auto-vaccination naturelle en quelque sorte. Auto-vaccination pérenne qui permettra alors d’affronter l’épidémie suivante et d’attendre sereinement la sortie d’un vaccin.
Pour que cela réussisse, on compte sur l’autodiscipline des gens mais surtout, sur un système de santé efficace pour prendre en charge les malades dès les premiers symptômes (isolement, traitement, structure hospitalière en capacité suffisante, matériel, …) et éviter un trop grand nombre de morts. Même si le taux de mortalité de ce virus est plus important que celui de la grippe, il peut être contenu à condition de s’en donner les moyens. Seul hic, mais de taille, c’est qu’il s’établit alors une sorte de sélection sociale (anaturelle) puisque ce sont les personnes fragiles (par leur état de santé et/ou par leur âge et/ou par leur condition sociale et/ou par leur accès aux soins) qui seront frappées le plus fort. Est-ce que ce coût social est acceptable, même si les moyens sont là pour diminuer les effets de cette sélection ?
En France, faute de moyens à la hauteur, le gouvernement ne pouvait qu’opter pour la seconde école : confinement draconien ; pas de traitement efficace officiel dès les premiers symptômes ; traitement d’urgence au final quand les symptômes s’aggravent. De ce fait, l’auto-immunité mettra plus de temps à venir et il faudra un vaccin pour l’avoir de façon artificielle. En espérant qu’une deuxième vague ou une nouvelle épidémie ne viendra pas entre-temps. Si la France, avec ses moyens, avait opté pour la première école (ce que la Grande-Bretagne et les Etats-Unis d’Amérique ont tenté dans un premier temps), l’auto-immunité nous aurait coûté chère en vie humaine, une sorte de sélection se serait opérée sur la base de critères qui sont loin d’être naturels (accès aux soins ; prédisposition ; …). Ce qui aurait été loin d’être acceptable pour la population et ce que le gouvernement de E Macron a compris en optant pour une autre solution.
Cette pandémie prouve que la recherche médicale et le système de santé publique dans son ensemble, sont des secteurs stratégiques essentiels qu’il faut déconnecter des contraintes budgétaires européennes, pour les sanctuariser et ainsi, garder leur efficacité et leur réactivité. Car nous n’en avons pas fini avec les épidémies et les pandémies au vu du rapport des sociétés humaines capitalistes avec le monde sauvage.
Cette pandémie prouve également qu’une politique vaccinale volontaire et bien comprise est plus efficace, (même avec ces accidents) qu’un refus de vaccination défendu par certains sur des bases pas toujours claires (darwinisme social, complotistes, …). Elle rétablit une égalité en priorisant le traitement des plus fragiles. Evitant accessoirement, une expansion catastrophique et incontrôlable de l’épidémie (c’est le cas de la grippe, mais pas que …).