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Licenciés - C’est l’heure de l’mettre !

par Hdm

Publie le mercredi 30 septembre 2020 par Hdm - Open-Publishing

Licencié. Ça te tombe dessus comme un couperet, parfois sur des vingt ou trente berges de turbin. Tu as pris tes habitudes, tu y as tes potes et tes repères, c’est ton gagne-pain. Et un peu plus que le pain. Ce petit plus souvent un chouïa à crédit, qui te permet de prendre du bon temps à côté, quand ta machine te met en congé.

Cargill d’Haubourdin

C’est aussi ce petit confort qui fait que certains n’ont pas bougé avant, quand ça a commencé à sentir le cramé. Qui fait que tu laisses le syndicat faire sans te mouiller. Tu te sentais à l’abri des grandes tempêtes de la vie, celles qui emportent femme, enfants, petit bonheur et chance, et qui poussent à l’étage du dessous, là où tout est intérimaire. Toi aussi peut-être, tu espérais y aller, jusqu’à la retraite. Dans ton usine.

Pour écouter l’émission sur le site de Radio Campus Lille, le lien => https://www.campuslille.com/index.php/entry/licencies-c-est-l-heure-de-l-mettre

Li-cen-cié. Et là, la somme des drames individuels contenue dans ces trois consonnes singulières, ça fait un combat collectif. On serre les coudes. On se tient à sa machine, on se tient aux 3/8, on se tient à ce boulot qui déjà se barre, emporté par une Finance invisible, juste incarnée par des encravatés tueurs d’emplois, qui ne parlent pas ta langue, qui n’ont rien à dire. Tu voudrais frapper dans le bazar, mais y a rien à taper, que le vide des discours creux, et des actionnaires anonymes, tout-puissants, intouchables.

Licenciés. Alors tous ensemble cette fois, à part les indécrottables peureux et à part les jaunes. Tous ensemble. Et là, ton taf, ta croûte, elle est mise en lumière, y a des projos à la sortie, des journalistes, des avocats, des politiciens. Un autre monde. Des procédures et des discours, et tout au bout, l’impuissance. Parce que tant qu’il y aura d’un côté le Travail, et de l’autre le Capital qui le tient en esclavage, il n’y aura pas de victoire.

Tu sortiras de là en tout cas en t’étant battu. Les syndicalistes révolutionnaires seront grillés par leur CV comme au temps du livret ouvrier. Les autres traîneront leur licenciement comme un boulet dans les « cellules de reclassement », à Pôle Emploi ou dans les agences d’intérim. Tu te seras battu mais même la prime extra-légale arrachée aux rapaces te laissera un goût amer. C’était ton usine. Et tu le savais pas…

Licenciés. Un épilogue interminable, fait de piquets, de manifs, de nuits blanches, de fraternité… Des coups d’éclat et des moments de spleen, quand les caméras partent y voir ailleurs. Et ce moment bizarre de solitude, quand les portes se ferment.

Les Goodyear d’Amiens ont fini par faire plier la multinationale après un marathon de lutte, tout comme les Fralib ont réussi à reprendre leur usine. Mais ils savent, eux, que tant qu’il y aura le Travail d’un côté, et le Capital de l’autre…

Nos micros étaient du côté du Tribunal, à Lille, ce mardi 29 septembre, avec les Cargill d’Haubourdin.


L’heure de l’mettre !

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