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Contrat nouvelle embauche Villepin : quel en est le ressort ?

Publie le vendredi 1er juillet 2005 par Open-Publishing
8 commentaires

de Gérard Filoche

Sur quel ressort Villepin cherche-t-il à jouer avec son “CNE” ?

« Contrat nouvelle embauche » : une régression pour flatter les instincts les plus bas !

Le contrat Villepin sera rendu accessible le 1er septembre 2005 aux entreprises de moins de vingt salariés... Cela représente environ 98 % des entreprises et cela concerne 1 salarié sur trois (prés de 5 millions) ! Ce n’est pas rien !
D’autant que Villepin a ouvert la porte pour les autres. Le contrat « devra être évalué au fur et à mesure de sa mise en oeuvre, en liaison avec les partenaires sociaux. Nous verrons alors s’il y a lieu de l’adapter dans ses modalités ou dans son champ d’application ». En clair, ce contrat pourra être étendu aux entreprises de plus de vingt salariés : à toutes !

En fait qu’est-ce qui change avec le « contrat nouvelle embauche de deux ans » ?

Selon Villepin : « Les personnes qui seraient embauchées sous ce nouveau régime juridique bénéficieraient d’un préavis de licenciement d’une durée de deux semaines au bout de deux mois de travail ». C’était déjà le cas avant. En fait dans les Cdi « normaux », il n’y avait pas d’indemnités de licenciement avant deux ans révolus.

« Au bout de six mois, la durée de ce préavis augmentera en fonction de l’ancienneté ». C’était déjà le cas avant. Il y avait une légère progressivité de préavis, même si le « préavis de deux mois » ne commençait qu’après deux ans révolus.

« En cas de rupture du contrat, l’employeur devra par ailleurs verser une indemnité au salarié. » Ce n’était pas le cas avant, seulement dans le cas d’un Cdd, c’est-à-dire d’une précarité, une « IPE » (« indemnité de précarité ») était versée, égale à 10 % du salaire brut. Dans le cas d’un Cdi, elle était déjà trop peu élevée : deux dixièmes de mois par année d’ancienneté après deux ans.
De combien sera l’indemnité de contrat de nouvelle embauche (CNE) ? Si elle est plus basse que 10 %, et plus basse que 4/10° de mois, le but visé dans ce nouveau contrat c’est aussi de baisser des salaires déjà trop bas...

« Son montant sera déterminé en fonction des salaires déjà versés et pourra être complété par une contribution de reclassement. » Qu’est-ce à dire ? Si elle est « proportionnelle » cela ressemblera à l’Ipe... De combien sera l’indemnité de reclassement ? Quels droits seront ouverts au chômage ?

Villepin a concédé un aménagement sémantique : la « période d’essai » s’appellera « période d’embauche » mais elle durera deux ans au lieu de deux mois. Elle est censée correspondre à « un temps de consolidation de l’emploi ». Au terme de cette période, le salarié est considéré comme en contrat à durée indéterminée.

Quel est le vrai but de ce “Contrat nouvelle embauche” ?

C’est le fond de la principale mesure du Premier ministre : « permettre à l’employeur de se séparer de ses salariés en contrat de nouvelle embauche sans donner de motif » comme l’y obligeaient les régimes des CDD et des CDI.
Donc in fine, ce qu’il y a de nouveau, ce n’est pas le contrat, ce n’est pas l’embauche, mais les modalités de la rupture ! Il s’agit essentiellement d’un « nouveau droit de rupture du contrat » : on peut mettre dehors n’importe qui, n’importe quand, sans motif, sans procédure, sans recours ! C’est à ce ressort qu’il est fait appel vis-à-vis des employeurs pour, prétendument, les inciter à embaucher !

Le « cadeau » Villepin pour davantage d’embauches c’est autoriser l’employeur à pouvoir « foutre dehors » son salarié embauché depuis moins de deux ans sans aucun risque juridique.

C’est faire appel au pire : aux plus bas instincts !

C’est permettre la fin de l’état de droit dans la petite entreprise, c’est la destruction de la dernière et fragile barrière qui défend les droits d’un salarié : on lui rend impossible de faire valoir que les conditions de son éventuel licenciement sont illégales, on lui fait plier l’échine d’avance.

Si un salarié refuse des heures supplémentaires impayées, cas le plus fréquent, il pourra être « viré ». Si un salarié se présente comme délégué du personnel, (dans les 102 000 entreprises de 11 à 20 salariés concernées) avant deux ans, il pourra être aussi « viré ». S’il « déplait » à son petit patron, il peut être renvoyé, du jour au lendemain, sans recours... Déplaire, cela peut vouloir dire n’importe quoi, mais la plupart du temps, cela signifie faire valoir ses droits, faire valoir sa convention, faire valoir ses conditions de travail, sa dignité, refuser d’être « aux ordres ». Le patron peut lui faire faire son café, des travaux chez lui, des boulots qui ne sont pas dans sa compétence, travailler le samedi et le dimanche, rester douze heures de suite, ne pas payer ses frais, ne pas faire de syndicalisme, ni de politique, ne pas aller voter aux prud’hommes, etc... Si le salarié se plaint, hop, il est viré...

Pas besoin de lettre, pas d’écrit, donc pas besoin de motiver, pas de recours aux prud’hommes, pas d’appel à l’inspection du travail, pas de recours syndical, ça ne servira à rien.

Dés que vous enlevez la nécessité de motiver le licenciement, la zone de non droit est totale.

(Soyons clairs au passage : même le fait d’être obligé de motiver un licenciement est une protection insuffisante, fragile, car il y a encore des centaines de milliers de licenciements abusifs chaque année ! Ce qu’il faudrait, c’est renforcer le droit du licenciement, pas l’affaiblir ! )

Le Contrat Villepin, comme la période d’essai, sera donc une « zone de non droits », le salarié, pendant deux ans, deux fois 365 jours, ne saura pas, chaque soir, en se couchant, s’il aura encore un travail le lendemain soir ! Il tremblera encore plus la veille du 730° jour, car, en dépit qu’il se soit « défoncé » pendant deux ans, le patron pourra le virer et en reprendre un autre...

Il pourra être « viré » même s’il a refusé de mettre sa vie en danger, (droit de retrait, conditions de travail périlleuses). Il n’aura pas de recours : parce que ce « vidage » (il faut, pour être clair, employer un autre mot que licenciement) n’ayant pas besoin d’être juridiquement motivé, ne donnera aucune prise à recours.

Ce « Cne », en dépit des protestations hypocrites de Villepin, c’est la pire des attaques contre le droit du travail.

Elle empêche tous les salariés concernés de faire valoir leurs droits tout en encourageant chez les employeurs concernés, le mépris du droit. Ils peuvent devenir librement des petits despotes assurés de l’impunité. Villepin flatte chez eux le pire des sentiments, celui de l’ignorance, celui du mépris du droit, celui de l’arbitraire !

Car cela revient à leur dire : « - Avant le contrat Villepin, vous n’étiez pas libres de virer les salariés comme vous le vouliez, et c’est CELA qui vous empêchait de les embaucher. On vous a compris, on vous encourage, on le fait même par « ordonnances » : on vous fait sauter cette contrainte, on vous livre des salariés pieds et poings liés.

Ils ne pourront plus aller aux prud’hommes contre vous, vous n’aurez plus à vous justifier auprès d’eux quand vous les virerez, même pas à les regarder dans les yeux, pas besoin de les recevoir en entretien préalable, pas besoin de délai, à la seconde, faites leur dire, même par un intermédiaire, que vous en avez assez de les voir, ils partent et pas de recours, pas de mauvaises surprises, vous en aurez fini avec eux, ils sont jetables ».

Le « contrat nouvelle embauche », c’est ça ! Villepin l’appelle cyniquement un « temps de consolidation de l’emploi » : si les mots ont un sens, consolider ce type d’emploi, c’est démontrer sa soumission pendant deux ans, c’est accepter de renoncer à l’état de droit dans l’entreprise, c’est renoncer au syndicalisme, à toute revendication, c’est se taire, ne pas déplaire, et une fois qu’on a passé le cap de deux ans, c’est consolidé, on a “pris le pli”, n’est-ce pas, on continue pareil ou on allonge la “période d’embauche” ?

Messages

  • Je partage cette analyse. De toute façon, quoi qu’il advienne, Villepin ne voudra pas apparaître en retrait par rapport à Sarkozy dans la mise en oeuvre de la politique sociale en trompe-l’oeil à la "danoise", qui est le modèle des ultra-libéraux ! Je suis également d’accord avec Gérard Filoche quand il écrit que Villepin (en est-il même vraiment conscient ?) ouvre une voie royale aux employeurs sans scrupules qui sont légion en France ! Les crapules se frottent les mains.

    Verdi

    • "en est-il même vraiment conscient ?" : oui, 5 fois OUI.
      C’est la même politique appliquée de toute part par les membres de ce gouvernement, clan très fermé d’obtus bouffons qui se refilent les chaises chaque année pour diriger le pays comme "ils" l’entendent.
      C’est Sarkozy qui sert d’annonceur, d’enfonceur de portes : par son discours choquant, il commence à habituer nos oreilles au message subliminal : SECURITE-TRAVAIL-MERITE (ca ne vous rappelle rien ce discours nauséabond ??).
      Des collègues renforcent ponctuellement l’attaque par des saillies du même acabit, sur un sujet précis, à la volée, lors d’une conférence, d’un rapport.
      Villepin joue apparemment le phénomène inverse : sobriété-poésie-apparence de structure... Et il fait passer en force des lois scélérates (voir l’article de Gérard Filoche) exactement dans la même lignée de ce qui a été annoncé.
      Chirac chapeaute le tout, utilise la comm, les équilibres des forces. Qui peut lui reprocher d’avoir embauché un ambassadeur comme Premier ministre ? Cheveux dans le vent, M. Galouzeau de Villepin a l’avantage de faire beau à l’étranger (il parle des langues, lui, pas comme nos commissaires européens...) et de représenter officiellement ce qu’est devenu l’Elysée dans sa décadence : le Versailles des nobles.
      Autres symboles : l’affaire Gaymard et toutes les symboliques qu’elle a mises en avant : un scandale, la grande famille, le dédain et la méconnaissance de la "France d’en-bas". Bernadette Chirac et sa dévotion catholique surannée et surtout, sa grande camaderie avec le papa de Madame Gaymard (oui, celle qui s’est fait virer avec l’eau du bain parce qu’ils avaient vu trop grand pour eux avec les deniers de la République) : ce cher Professeur Lejeune qui avait pour manie d’aller s’enchaîner aux établissements qui pratiquent l’avortement. Et, en bonne catholique bourgeoise, que donne la première dame de France aux pauvres enfants malades ? DES PIECES JAUNES ! Regarde la symbolique, c’est sans commentaire.
      Et les Devedjian qui militaient à l’extrême-droite avec les potes Longuet et Madelin à l’heure ou d’autres se laissaient plutôt pousser les cheveux ? Aujourd’hui - enfin hier parce qu’il n’est plus ministre aujourd’hui... - il avait un très bel appartement à Bercy, avec vue sur la Seine...
      Ne vous inquiétez pas, Sarkozy est venu avec deux amis, dont un qui a appris la politique avec Jacques Médecin (oui, ce maire qui a fini par se sauver loin à l’étranger parce qu’il avait trop magouillé à Nice...) et il leur a donné les collectivités locales et le développement du territoire à gérer...
      Ah, j’oubliais, Dominique Perben a été remplacé par Pascal Clément, un bonhomme qui porte très mal son nom puisque sitôt arrivé, il renforce la loi sur la récidive et foutra bientôt une puce dans le fion de tous les délinquants potentiels. Un autre grand admirateur de "Minority Report" ! Et Perben, après tout le mal qu’il a fait aux juges, aux avocats, aux délinquants, est récompensé dans le nouveau gouvernement par le portefeuille des Transports, je crois.
      Raffarin, il faisait pareil, du marketing, de la communication, pour annoncer au petit peuple qu’il fallait bien qu’il comprenne la réalité d’aujourd’hui : des riches qui occupent les Palais, dépensent l’argent public à autre chose qu’au bien-être collectif, dépècent ce qu’il reste d’Etat (services publics, paix et garantie sociales et collectives)... Souvenez-vous, Sarkosy voulait vendre les réserves d’or de la banque de France lorsqu’il fut brièvement ministre de l’Economie.

    • Quand j’écris "en est-il vraiment conscient ?" je veux dire que Villepin se contrefiche des conséquences de cette mesure, le fait qu’il ouvre une voie royale aux employeurs crapuleux n’est absolument pas son problème.
      Je suis d’accord sur les arguments développés et j’ajouterai que ce ne sont pas que "d’obtus bouffons" mais des crétins très dangereux pour le peuple !

      Verdi

  • Sans compter la précrité sociale : comment se loger, puisque le salaire n’est pas garanti ? Comment acheter la voiture nécessaire pour aller bosser, puisque le crédit devient inaccessible ? Comment faire des projets, puisqu’il n’y a peut-être pas de lendemain ?

    Le Monolecte

    • moi ossi chui dakor avec l’analyse de filoche ce contrat est une attaque visant à nou soumettre encore plus aux non lois des petits tyrans et otres mal baisés en chef, comme il dit villepin nou livre pieds et poingts liés aux patrons, on peut prévoir ke pour trouver 1 appart il fodra 1 contrat de 2 ans et 1 jour et pour atteindre ce pallier des 2 ans il fodra ke nou soyons prets à tout acepter, bref je suis d’akor avec son analyse, villepin nou attaque mais il na pa la moindre chance de réussite, les gens ont compris et ils cherchent le moyen d’exprimer leur haine à ce genre de personnage, ils vont trouver
      amilcar

  • le modèle anglais..le modèle danois... etc... et le modèle français, il est où.?
    Ras la casquettte des modèles... Pour QUAND un vrai programme français sur l’emploi ,sur notre démocratie
    pour QUAND.. ? la France est elle en panne de personnes intelligentes non corporatistes , optimistes,non
    négationistes ? enfin cela doit bien exister ? on rale ... on critique... on appelle à la révolution ...OK MAIS où est le concret.. où sont les idées réelles, vous savez un programme qui redonne un espoir un programme qui nous donne l’envie de nous battre .. HUM.. je dois etre trop utopiste
    N.B

  • Monsieur Sarkozy, cessez de nuire ! C’en est assez de ces déclarations à l’emporte-pièce qui n’ont d’autres buts que de vous affirmer sur un plan médiatique. Alors voici ma contribution, et si elle peut modestement contribuer à donner un éclairage différent sur le personnage et nous éviter une nouvelle nuisance, alors tant mieux !

    A Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur,

    Monsieur, je vous adresse cet e-mail pour vous faire part de mon indignation.
    Vous avez à plusieurs reprises évoqué la possibilité de "nettoyer au karcher" la cité des 4000.
    Voici exposé en quelques lignes mon sentiment et mes propositions :

    Nettoyez au karcher le grand patronat, vous enverriez un signal fort aux salariés de ce pays,
    contraints de vivre dans l’insécurité sociale et matérielle alors que dans le même temps ces patrons
    se négocient retraites et indemnités faramineuses !

    Nettoyez au karcher la politique et les politiques, vous enverriez un signal fort en direction du peuple, car où que se terre la compromission, l’abus de confiance, les malversations, l’exemplarité serait de mise et le forfait payé au prix du judiciaire !

    Nettoyez au karcher les confortables appartements de fonction de la République (les nôtres en fait)
    où se complaisent certains dans le luxe et l’opulence, vous enverriez un signal fort en direction des mal-logés, des sans abris, car aux discours de restriction de budget imposés pour les autres vous rajouteriez ces mesures pour vous-autres !

    Nettoyez au karcher le train de vie de l’état en général, vous enverriez un signal fort aux "assistés sociaux" que vous dénoncez, car bien qu’en gare depuis des lustres, ce train n’en finit plus de nous pomper nos impôts !

    Nettoyez au karcher les emplois de complaisance, les pantoufles dorés, vous enverriez un signal fort en direction des chômeurs, car quelle que soit la qualité du personnage, il lui faudrait s’arracher pour décrocher un boulot !

    Nettoyez au karcher les personnes avides qui gravitent au niveau de l’état, vous enverriez un signal fort en direction des "délinquants" des "sauvageons", car les petits arrangements entre amis ne seraient plus tolérés !

    Nettoyer au karcher les équarisseurs de notre société, de nos acquits, vous enverriez un signal fort aux profiteurs en col-blanc car les "casseurs" de la solidarité populaire, nationale, humaine ne seront plus admis !

    Et enfin, nettoyer vous vous-même au karcher, vous enverriez un signal fort, car l’ambition personnelle aussi démesurée soit-elle ne primera plus sur l’intérêt général dans ce pays !

    La tâche est titanesque et en ces temps de pénurie d’eau, le risque est grand de se voir tarir la source de propreté miraculeuse avant la fin de ce grand nettoyage.

    Veuillez agréer, Monsieur, l’expréssion de mes sentiments distingués,

    Pascal Delouche

    (voir www.e-citoyens.org)

  • Je viens d’être employé comme CNE, je commence le 19 septembre, est-on considéré comme en CDI ou en CDD, car pour faire un emprunt bancaire pour acheter un logement c’est totalement différent. Que se passera-t-il quand le patron changera d’employé tous les 2 ans pour éviter de créer des CDI, et pour les femmes qui désirent un enfant, est-ce qu’un congé maternité ne sera pas source de licenciement... Quel bel avenir devant nous !!!! Marie (42)