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Les 17 occupants du ministère de la justice à Strasbourg

Publie le lundi 3 mars 2003 par Open-Publishing

15 jours avec sursis pour les 17 occupant-es du ministère de la justice
à
Strasbourg :
AVEC LES PARQUETS PAS VERNIS, ON FAIT DU PETIT BOIS

Imaginez. Vous apprenez qu’une personne subit un traitement carcéral
d’exception, une véritable torture. Arrêtée au cours d’une manif en
juillet
2002, elle se fait tabasser, placer en garde à vue avec un poignet
cassé.
Elle passe en comparution immédiate, accusée d’avoir fracturé la main
d’un policier. Dans l’attente du report de son procès, elle est
incarcérée
et mise en isolement : seule en cellule, seule en promenade, n’ayant
droit à
aucune visite. Or, sachant que l’absence de tout contact humain, le
fait de
subir un enfermement en espace restreint provoque de graves séquelles
psychologiques (angoisse, troubles du langage, distorsion de la
perception
de l’espace et du temps, souffrance affective, ...), vous demandez un
parloir. Vous vous heurtez à l’inertie de l’administration, les
parloirs
sont refusés. Vous finissez par apprendre, officiellement, qu’elle
subit ce traitement inique en raison de ses opinions : elle serait
contre
les prisons. Vous décidez de réagir. Un vendredi d’été, pour obtenir ce
parloir refusé, vous décidez avec 16 autres personnes de faire une
occupation (pratique courante de lutte sociale) de l’annexe du
ministère de la justice sis à Strasbourg. Vous arrivez. Vous sonnez. On
vous
ouvre. Vous entrez. Vous conviez les employéEs présentEs à sortir, mais
ceux/celles-ci désirent rester, l’un d’entre eux/elles en ayant même
reçu
l’ordre de sa hiérarchie. Tout se passe bien jusqu’à l’arrivée de
forces de police disproportionnées : G.I.P.N, B.A.C., ...
A partir de là, les événements prennent une tournure surréaliste.
Armés
jusqu’aux dents, des policiers font une entrée fracassante dans les
locaux,
avec force-dégâts. Vous menottent. Vous insultent. Vous humilient. Vous
tabassent dans les toilettes. A l’extérieur trois personnes venues vous
soutenir se font eux/elles aussi tabasser et embarquer (jugement pour
« outrage et rébellion » le 20 mars 2003). On vous embarque pour 48
heures de
garde à vue, dans des conditions, qui, quoique habituelles, n’en sont
pas
moins insoutenables : deux sandwich en deux jours, rien à boire,
pleurer
pour aller aux toilettes, isolement, pressions psychologiques, ... Vous
apprenez que vous êtes accuséE d’avoir commis une prise d’otages. Un
fourgon cellulaire vous conduit au tribunal. Vous passez devant le
procureur. Puis une juge des libertés vous explique qu’elle a reçu
l’ordre de ne libérer personne. Le périple se poursuit alors jusqu’en
prison. L’accueil chaleureux des détenuEs n’est pas sans apporter un
réconfort certain (ils/elles avaient en mémoire les ballons envoyés
au-dessus des hauts-murs avec des slogans contre toutes les prisons,
ils/elles nous ont félicité d’"occuper" ainsi la justice). Puis
direction le
Tribunal de Grande Instance pour une comparution immédiate
spectaculaire :
devant une telle mascarade, et se rangeant à la plaidoirie des avocats
de la
défense, le tribunal se déclare incompétent. Ouf, vous êtes libéréE
après 96 heures de supplices !
Cette occupation et les péripéties qui l’ont suivie auront quand-même
servis
à quelque chose : peu après, le prisonnier que vous soutenez obtient sa
sortie d’isolement et des parloirs. Mais ça ne s’arrête pas là pour
vous :
hors de lui, le procureur s’acharne et fait appel.
Cinq mois après, le 6 février 2003, Cour d’Appel de Colmar. Les six
heures
d’audience révèlent une sinistre comédie : les témoins à charge et la
partie
civile apporteront les preuves que non seulement ils/elles n’ont pas
été
séquestréEs, mais que ce sont les forces de l’ordre qui ont bloqué de
l’extérieur toute sortie du bâtiment. La partie civile précise l’avoir
déclaré aux policiers, qui ont sans doute dû oublier « par mégarde » de
la
notifier dans le procès verbal. Impossible de conclure à la
séquestration.
Jusqu’au-boutiste, le parquet saucissonne le chef d’inculpation,
abandonne
la séquestration et se rabat lâchement sur l’accusation connexe de
violation
de domicile au prétexte que le nombre fait la contrainte. Pourtant vous
aviez sonnez. On vous a ouvert. Vous êtes entréE.
Verdict trois semaines après, le 27 février 2003 : 15 jours de prison
avec
sursis pour violation de domicile. Le juge vous lance un avertissement
 :
« vous avez intérêt à vous tenir à carreau pendant cinq ans ». Telle est
la
réponse au souhait émis par le parquet lors du procès : « Il faut
mettre un
coup d’arrêt à ces occupations sauvages qui sans cela se
multiplieraient ».
C’est la pratique même de l’occupation comme forme de lutte concrète
qui
est évidemment visée.
Par rapport aux réquisitions de première instance, ce jugement est un
aveu
d’échec de la machine judiciaire, obtenu, outre la faiblesse de
l’accusation
elle-même, grâce à l’organisation d’une défense collective de touTEs
les
inculpéEs et à la mobilisation de ceux /celles qui ont occupé,
occupent toujours et occuperont encore longtemps (en particulier les
collectifs autonomes de sans-papiers). Il reste cependant que malgré le
caractère dit « symbolique » de la peine, à travers ce jugement,
l’occupation peut devenir désormais un délit. Cela ne concerne pas
seulement
les 17, pas seulement No Border, pas seulement les militantEs. C’est
une
atteinte, une de plus, aux pratiques de lutte qui sortent des cadres
institutionnels de contestation. A quand la pénalisation des
manifestations ?

LA CHASSE AUX TERRORISTES : UN PRETEXTE TRES PRATIQUE POUR DISCREDITER
ET
REPRIMER TOUTE CONTESTATION

Nous n’acceptons pas cette intolérable mise en scène : sous couvert
d’une
prétendue indulgence, le verdict est une grave atteinte aux libertés
publiques. Nous examinons donc la possibilité de nous pourvoir en
Cassation.
Trois personnes passent en procès le 20 mars et risquent une lourde
condamnation pour justifier les violences policières qu’elles ont
subies
devant notre occupation. Le verdict dors et déjà obtenu dans ce montage
procé(or)durier ridicule discrédite explicitement toute velléité
punitive à
leur encontre.

NOUS NE NOUS LAISSERONS PAS TERRORISER

Nous exigeons la relaxe de touTEs les inculpéEs pendant et suite au
campement No Border.

le 27 février 2003
les 17 occupants et le collectif de soutien aux inculpés NoBorder