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République théorique et ségrégation sociale

Publie le mercredi 9 novembre 2005 par Open-Publishing
15 commentaires

de Philippe Marlière Politologue, University College London (université de Londres)

Depuis Londres, il est devenu compliqué de défendre notre "modèle républicain". "Comment se fait-il, me demandent mes interlocuteurs britanniques, que vos présentateurs à la télévision soient si uniformément blancs ? Pourquoi y a-t-il si peu de ministres ou de députés issus des minorités ethniques ?" Je sais, le fait d’employer la notion de "minorité ethnique" me fait commettre le pire des crimes de lèse-républicanisme. Notre République, une et indivisible, n’est-elle pas universelle, ne s’adresse-t-elle pas sans distinction à des citoyens égaux en droits ? La République laïque est sur le papier égalitaire, mais elle est aussi peu sociologue : le fait religieux existe bien dans la société. Les stigmates et les discriminations associés à la couleur de la peau, le racisme au quotidien sont réels également.

La République refuse obstinément de reconnaître cet état de fait. Pour elle, les individus sont colour blind, le rappel théorique de l’appartenance à la communauté des citoyens doit suffire à garantir une place à chacun.

Les émeutiers des quartiers dits « sensibles » et les propriétaires des véhicules calcinés appartiennent souvent à la même classe économiquement marginalisée par plus de deux décennies de politiques néolibérales. Les discriminations sociales doivent cependant être subdivisées en distinguant une hiérarchisation ethnico-raciale au sein de la classe ouvrière qui ne peut être simplement défaite en s’attaquant au chômage et à l’échec scolaire.
La République théoriquement égalitaire n’empêche pas l’ethnicisation des rapports sociaux. Dans le cas présent, il est même probable qu’elle les amplifie. Quand le populisme sarkozien affirme qu’il faut rétablir « l’ordre républicain », car sinon « l’ordre des mafias et des fondamentalistes islamiques » régnera, ne joue-t-il pas sur le velours de la lepénisation des esprits ? Personne, à droite et à gauche, ne se risque à contredire le ministre de l’Intérieur sur ce point. L’ordre républicain ? Lequel, M. le ministre ? Celui de la République théoriquement égalitaire, déclinée sur le mode incantatoire ? Où celle de la ségrégation économique et ethnique ? Ce sont bien les populations maghrébines des deuxième et troisième générations qui forment aujourd’hui le contingent de ce nouveau prolétariat français. Chômage galopant (21% de jeunes sont au chômage et le taux atteint 43% chez les jeunes issus de l’iimigration), précarité sociale, racisme, humiliations policières, échec scolaire, environnement insalubre. Pourquoi cette causalité lourde est-elle quasi-systématiquement évacuée par les principaux partis de droite et de gauche ?

Que les propos de Chirac sur la « fracture sociale » n’aient pas été suivis d’actions concrètes n’étonnera personne. Le bilan de la droite est connu : suppression des emplois-jeunes, diminution des financements aux
associations, suppression de la police de proximité, renforcement de la politique sécuritaire, etc. Mais que fait la gauche et, en premier lieu, le Parti socialiste ? Rien ou presque. Certains de ses dirigeants affirment ne rien trouver à redire au tout-répressif sarkozien (le blairiste Jean-Marie Bockel). Hollande a refusé de se joindre à ceux qui exigent la démission de Sarkozy. Pourtant, Zyad B. et Bouna T. sont bien morts dans des circonstances douteuses à la suite du déploiement inconsidéré de forces de l’ordre. Hollande a préféré « mettre en cause l’ensemble du gouvernement », c’est-à-dire privilégier le jeu d’opposition pépère et permettre à Sarkozy de faire oublier ses erreurs. D’anciens dirigeants de la Gauche socialiste et de SOS-Racisme, passés en moins de deux décennies du « droit à la différence » à la répression à visage humain de type social-libéral estiment que la droite s’exonère de ses responsabilités en évoquant le bilan du PS depuis vingt ans. Mais sur ce point, la droite a raison. Qu’a fait le PS depuis les années 80, si ce n’est négliger ces populations immigrées ? Les gouvernements socialistes successifs promirent aux parents des émeutiers le droit de vote, puis laissèrent se constituer une ségrégation ethnique en marge des centre-villes bourgeois. Qui se souvient encore d’un ministère de la ville dirigé par Bernard Tapie ? C’était les années-fric, celles de la lune de miel entre le PS et le marché, mais aussi de l’accroissement des inégalités sociales, économiques et culturelles entre les classes moyennes des beaux quartiers et les minorités ethniques prolétarisées de la périphérie.

Le « modèle communautariste » qui accompagne le néoliberalisme cher aux élites Britanniques n’est évidemment pas supérieur à la République. Mais dans la pratique, il ne lui est pas fondamentalement inférieur non plus. Le communautarisme britannique produit au moins nombre de journalistes, de députés et de ministres issus de l’immigration.

Messages

  • Très bien, mais la République n’a rien à voir dans tout ça. Ce n’est pas le "modèle républicain" qui génère des phénomènes de discrimination, c’est la pratique du pouvoir de nos "élites".

    Mettez en cause des individus, des décideurs, des gouvernants, des hommes politiques, mais pas un système dont les fondements et les principes sont au contraire la seule garantie sérieuse dont nous disposons aujourd’hui pour éviter un délitement complet de la société française. Si vous voulez des noms de responsables irresponsables, je pourrai vous en donner, j’en ai plein ma musette. Le vrai problème est bien que le projet républicain est mis à mal depuis plusieurs années par une cohorte de sagouins qui cassent sans trêve tout mécanisme de régulation collective au service de leurs propres comptes en banque et d’une idéologie hystérique qui a déjà ravagé l’Asie et l’Amérique Latine.

    Quant à l’approche communautaire ou communautariste à l’anglaise, elle n’est certainement pas une solution. Et oui, elle est beaucoup plus dangereuse que la logique républicaine. Alors certes elle est plus facile à mettre en oeuvre : chacun chez soi, des caméras partout, du football et des pubs pour calmer les plus excités. Le tout après un quart de siècle de politiques anti-sociales et anti-syndicales d’une férocité extrême. Si je me rappelle bien, ça n’a pas empêché des jeunes britanniques de poser des bombes dans le métro à Londres, ni des communautés de mettre à sac des quartiers entiers à Manchester ou à Leeds. Et aujourd’hui, c’est presque la moitié des enfants de Londres qui vivent dans des foyers qui vivotent en dessous du seuil de pauvreté. Belle réussite en effet.

    Donc ne mélangeons pas tout. Cela reviendrait à vouloir jeter aux orties le système démocratique dans son ensemble, sous prétexte qu’il permet à certains politiciens pourris de détourner le système à leur avantage.

    Comme le disait très justement Ignacio Ramonet (je crois bien que c’était lui) sur France Inter cette semaine, ce dont nous avons besoin aujourd’hui c’est d’une "hyper république". Au risque de me répéter, c’est le dernier rempart avant l’anarchie libérale sécuritaire.

    Theoven

    • Régulierement des émeutes ont secoué une série d’états de l’UE.

      Que ce soit dans des quartiers londoniens, aux Pays Bas, en Irlande (avec une grande régularité), en Espagne, en Grèce, etc...comme chez nos amis américains...

      Il est toujours drole, ou malheureux, que les gens aient tant d’amnesie que ce qui c’est passé hier soit déjà poussé par l’evenement suivant...

      Oui ce n’est pas la première fois que des émeutes secouent un état européen, la France comme tout autre état plongé dans la crise interminable connue depuis 20 ans, ici et là bas, en Grande Bretagne comme en France...

      Là, en France, l’ampleur est tout à fait particulière par l’attitude injurieuse et provocatrice du ministre de l’interieur qui a cherché méthodiquement depuis un moment cet affrontement.

      Sarkozy a été le général en chef des émeutes, le généralisateur, le détonateur médiatique.

      Le résultat a été amplifié par ce particularisme français : Iznogoud...

      Toutefois, je suis d’accord, parler de modèle français est tout à fait louche et confusioniste, un essai de camper des débats nationalistes....pour les gens qui aiment bien camper les choses ainsi...

      C’est comme le débat sur le modèle social français qui serait opposé au modèle libéral britannique.
      Les choses ne se présentent pas du tout ainsi...
      Ca fait longtemps que l’offensive liberale frappe aussi bien les Français que les britanniques, que le travail, pan par pan, est précarisé méthodiquement, ....partout... Que les CDD sont pour les jeunes et les chômeurs le seul chemin permanent de salariat en France.

      Et comme diraient nos amis, ce n’est pas la notion de démocratie qui est en cause, ce n’est pas la notion de laïcité, c’est l’ébranlement d’une partie des fondations sociales par une exclusion bien peu laïque, bien peu républicaine, bien peu démocratique....

      C’est la rapacité de l’ultra-liberalisme qui fait que le social a été fracassé dans les quartiers, qui fait que le prix du logement a atteint des niveaux allucinants pour les salariés normaux dans les grandes villes, ne parlons pas des chômeurs et des Rmistes...
      Il y a un vase communicant saisissant entre l’enrichissement rapide, la prise de valeur des biens, des couches sociales les plus riches en France et le délabrement social...la condition de plus en plus inadmissible faite aux plus faibles.
      Et ce phenomène n’a rien de particulierement français, elle se teinte tout autant de la bannière britannique , des couleurs d’outre-Rhin, etc...

      Le malaise social palpable, evident, que l’on connait dans la plupart des états en prise avec la folie ultra-liberale, est suceptible à tout moment de dégénérer sur chaque problème paraissant secondaire ou pas...

      ....Pour l’instant sur la France....Et dans les banlieues, là où des proportions considérables de jeunes se retrouvent le dos au mur avec la double peine : Chômeurs ou futurs chômeurs sans espoir ET en butte à un racisme massif et excluant.

      Là où la violence n’a pas gagné, ou seulement en extreme bordure, pour l’instant, c’est à Marseille, là où les cités populaires sont restées tout autant dans les centres que dans les périphéries, là où de puissants mouvements de chômeurs se sont battus, là où le mouvement social est puissant, là où la destructuration individualiste du liberalisme n’a pas encore triomphé completement des solidarités humaines.

      Rappelons que les salariés de la RTM se battent et ont besoin de notre soutien. Ne pas les soutenir, ne voir qu’un combat corporatiste ou égoïste dans cette lutte c’est ne rien comprendre. La resistance de la RTM, comme les nombreux combats des fois gagnés, des fois perdus à Marseille sont ceux qui maintiennent le lien social, qui évitent la desespérance et in fine évitent les émeutes apolitiques et fraticides qu’un homme fou d’ambition essaye de provoquer puis d’utiliser pour devenir le meilleur executeur de la volonté ultra-liberale en France.
      Soutenons les travailleurs de la RTM !
      La métropole "rivale", celle de la Côte d’Azur, a connu des secousses non négligeables, et ce n’est pas nouveau d’ailleurs et avec des indices de comprehension non négligeable...(Le salaire médian de la Côte d’Azur est passé sous le salaire médian des Bouches du Rhone, le mouvement social y est atone, explosé, le tissu social agonisant, les transports un chaos du quotidien ).

      Attendons nous à ce que ça secoue ensuite ailleurs, chez nos amis européens, ceux qui peuvent penser qu’on a affaire à un problème national particulier risquent de se tromper lourdement. La seule particularité française dans cette affaire n’est ni le modèle social, ni les méfaits du liberalisme , ni la laïcité , ni la démocratie , mais le fait que nous ayons possédé le détonateur.

      Depuis des années on savait que la bombe était là, Sarko l’a dégoupillé.

      Certains de nos amis américains auraient une autre expression : C’est dans le ventilateur...
      Tout autant que les retombées tchernobilistites, les frontières là dessus contiendront-elles la contamination ?

      Copas

    • Ah ! Pour enfoncer le clou :

      LE MONDE | 24.10.05 | 14h10
      LONDRES de notre correspondant

      Le calme est revenu dimanche 23 octobre à Birmingham, la deuxième ville d’Angleterre, au lendemain d’émeutes qui ont opposé des membres des communautés noire et sud-asiatique et fait un mort et une vingtaine de blessés, dont un policier. Ces violences avaient éclaté après plusieurs jours d’une vive tension provoquée par le viol présumé d’une adolescente noire.

      Tout a commencé à Lozells, un quartier multiethnique de quelque 30 000 habitants, après qu’une radio pirate de la communauté afro-caribéenne eut fait état du viol d’une jeune Jamaïcaine de 14 ans par une vingtaine d’hommes originaires d’Asie du Sud. La police dit pourtant ne posséder "pas l’ombre d’une preuve" à propos de ce crime sexuel, aucune plainte n’ayant été déposée.

      Nourrie par la même radio pirate, la rumeur s’est répandue pendant plusieurs jours dans le quartier. La victime n’aurait pas porté plainte car, immigrante illégale, elle craindrait d’être expulsée.

      Désireuse de calmer les esprits, la police avait organisé une réunion publique dans une église à laquelle participaient quelque 300 personnes, en présence du député local, Khalid Mahmood, un travailliste originaire de la communauté pakistanaise. Des banderoles faisaient état du soutien de l’auditoire aux "victimes silencieuses" des agressions sexuelles. Plus d’un millier de personnes avaient au cours des derniers jours signé une pétition réclamant "justice" pour la jeune fille.

      BOUTIQUES ATTAQUÉES

      Les incidents ont éclaté juste après cette réunion. Selon certains témoins, une centaine d’Asiatiques se sont rassemblés et ont enfilé des masques et des cagoules. Selon d’autres, un groupe a lancé des pierres vers l’église. La bagarre a dégénéré en émeute. Des policiers en tenue antiémeute ont essuyé des jets de pierres et de bouteilles. Des voitures ont été renversées ou incendiées. Des boutiques ont été attaquées. Des jeunes armés de battes de base-ball s’en sont pris à des automobilistes, dont une reporter de l’agence britannique Press Association, Alex Thompson. Un Noir d’une vingtaine d’années est mort à l’hôpital après avoir été poignardé à l’arme blanche. Selon la police, les violences ont été déclenchées par des "fauteurs de troubles" venus de Londres et d’autres régions du pays.

      Le commissaire divisionnaire adjoint, David Shaw, a appelé les gens du quartier "à ne pas appliquer la loi eux-mêmes" , à "cesser de répandre des rumeurs" et "à faire un effort collectif pour que les événements en restent là". Il a rappelé que la police avait traité l’affaire sérieusement, que l’enquête se poursuivait et qu’elle "voulait absolument parler à la victime". Ces émeutes, a-t-il ajouté, "ne reflètent pas l’état des relations entre les communautés de Birmingham".

      Le quartier de Lozells abrite deux importantes communautés d’origine jamaïcaine et sud-asiatique (venue du Pakistan, du Bangladesh et d’Inde) qui, à elles seules, représentent plus des trois quarts des habitants. C’est une communauté défavorisée, avec 22 % de chômeurs, plus de 30 % de parents célibataires, et 20 % de bénéficiaires d’indemnités pour maladie de longue durée.

      Une rivalité oppose certains gangs, qui en sont issus, notamment pour le contrôle du trafic de drogue. Il y a vingt ans, en septembre 1985, de violentes émeutes, restées dans les mémoires, avaient dévasté pendant deux jours Lozells et Handsworth, un quartier tout proche, à la suite de l’arrestation d’un Noir par la police.
      Jean-Pierre Langellier
      Article paru dans l’édition du 25.10.05


      http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-702689@51-627461,0.html

    • Tiens je rebondis sur un petit passage de l’article cité :

      Le quartier de Lozells abrite deux importantes communautés d’origine jamaïcaine et sud-asiatique (venue du Pakistan, du Bangladesh et d’Inde) qui, à elles seules, représentent plus des trois quarts des habitants. C’est une communauté défavorisée, avec 22 % de chômeurs, plus de 30 % de parents célibataires, et 20 % de bénéficiaires d’indemnités pour maladie de longue durée.

      Par "bénéficiaires d’indemnités pour maladie de longue durée", il faut comprendre des chômeurs à qui le gouvernement britannique a attribué ce statut afin de les faire disparaître des statistiques du chômage, pour que le taux officiel se situe aux alentours de 4%. Ceci n’est qu’une des ficelles utilisées par Blair et ses prédécesseurs pour tricher avec les chiffres et se faire ainsi passer pour des décideurs efficaces, repris en cela par des hordes de journaleux incultes qui ont pour la plupart autant d’esprit critique qu’une carafe d’eau tiède.

      Donc il ne faut pas lire 22% de chomeurs pour Lozells, mais bien 42%.

      Ce qu’il faut comprendre de toute cette affaire, c’est que si nous laissons la situation dans nos quartiers se dégrader encore, nous vivrons alors une situation à l’anglaise, qui est bien pire que celle à laquelle nous sommes confrontés ces jours-ci. Croyez-moi, dans certains quartiers anglais, on peut facilement croiser le Tiers monde...

      Avec la politique menée par le gouvernement français actuel, nous nous dirigeons tout droit vers ce genre de situation : radiations massives, durcissement des conditions d’indemnisations (alors que moins d’un chômeur sur deux est actuellement indemnisé), bricolage de statuts bidons pour "sortir" les plus faibles du marché du travail (ce qui n’est au fond qu’un exclusion feutrée). Les récents frémissements que nous avons vu sont uniquement le résultat de ces bidouillages.

      D’ailleurs, pour que l’on puisse parler de réduction du chômage, c’est à dire de création nette d’emplois, il faudrait que la baisse mensuelle soit plutôt de l’ordre de 5%, et ce plusieurs mois de suite. On en est rès loin...

      Et là encore, la République n’y est pour rien !

      Theoven

    • Complètement d’accord avec vous. Ne laissons pas les libéraux prétendre avec la presse anglo-saxonne que le modèle républicain français a échoué, alors que tout le problème vient au contraire de ce qu’il est de moins en moins appliqué.

  • Depuis Londres..... nous ne sommes pas le 18 JUIN 1940..
    Vous avez raison dans certaine critique mais je réfute votre conclusion ; tout simplement car votre
    avenir ne me convient pas, je suis contre le communautarisme qui n’améne que violence et des lois par la force. Je ne veux pas en France d’un Président fédérateur de corporations, associations, communautés, j’espère pour mon pays à de réels programmes qui redonneront le choix de vie mais pas pour une ou des castes les plus fortes. Nous n’avons pas à accepter une globalisation ( qui vous est si cher en Angleterre) qui nous ne convient pas qui ne rentre pas dans nos objectifs ou notre particularité qui fait qu’une société existe. Nicole

    • Vous êtes contre le communautarisme...comme une bonne partie des Français heureusement. Et peut être les choses iraient mieux si on ne nous bassinait pas avec le "multiculturalisme" anglo-saxon - la seule solution pour faire cohabiter à peu près pacifiquement des gens profondément racistes - depuis des lustres.

      Les Français sont bien plus égalitaires : la couleur importe peu si l’étranger s’adapte au mode de vie local. Il n’y a qu’à voir : ce sont sur les Maghrébins bien plus que sur des Antillais ou des Asiatiques que se focalise le débat. Or "racistement" parlant, un Maghrébin est tout à fait blanc - ou du moins pas plus bronzé qu’un sud-italien qui s’est intégré sans trop de difficultés (enfin, y’en a eu au début aussi quand même !) chez nous. Pourquoi ça tombe sur eux alors ?

      La peur du "sale Arabe" est bien plus un rejet des valeurs de l’Islam - endogamie, statut bas de la femme etc.- qu’une peur de se mélanger avec une "race" prétendument différente. Contre ce rejet - qui peut certes être très violent et que je conçois qu’on puisse déplorer (mais alors il vaut mieux émigrer aux USA que vouloir changer les aspirations universalistes de la France) - il vaudrait mieux des politiques qui imposent clairement un alignement des étrangers sur les valeurs locales plutôt qu’un galimatia multiethnique pseudo-tolérant qui permet une ségrégation pratique ethnique avec bonne conscience en prime "on les laisse vivre comme ils veulent" (sous entendu "ces barbares" !). Ca éviterait des fausses solutions FN (fermeture des frontières, expulsions). Je n’ai pas si souvent l’occasion de dialoguer avec des sympathisants FN (pas les cadres, les votants de base), mais je suis en général frappé par la contradiction entre un dialogue affiché très raciste et une conduite en pratique qui l’est bien moins (cousin marié à une immigrée algérienne "très sympa", les Arabes qui brûlent les voitures berk - mais "y’en a des biens" etc.). Bref, un espèce de racisme rabaché, sans queue ni tête et prêt à s’effondrer quand nos chères élites arêterons d’en faire le jeu. Ah, l’hypocrisie suprême du gentil socialiste tolérant des beaux quartiers qui s’indigne du modeste habitant d’une cité qui vote FN parce qu’il en a marre de "ces voisins qui font la foire tout la nuit".

      S’il y a un peuple miracle qui arrive tout à concilier, je le cherche encore. Pour l’instant, le choix me parait inévitable : des immigrés qui refusent les valeurs de leur société d’accueil et vivent dans leurs quartiers, avec leurs églises/mosqués/etc, leurs magasins, leur boulot etc. ou alors des immigrés qui adaptent les valeurs et vivent à la française, avec la nationalité française, dans une société où la notion de "tolérance noirs-blancs" perd tout son sens qu vu du continuum de métissage entre les deux :) Notez que je ne prétend pas que les immigrés doivent abandonner leur culture - ils peuvent continuer à aimer le manioc comme les Français "de souche" peuvent s’y mettre (on ne refuse pas les pâtes sous prétexte que les Italiens immigrés devraient vivre "Français"). Juste une adaptation sur les valeurs de base. Le premier choix correspond bien aux USA, le deuxième idéalement à la France...mais le décalage entre cet idéal et la réalité - encouragé par des comunautaristes comme Sarkozy - créé toute cette souffrance des immigrés, pris entre une exigeance profonde d’adaptation de la part de la société et - à un niveau plus superficielle, plus conscient - une plus grande liberté prétendument offerte.

      Courage, rien ne fait plus plaisir - après un long séjour à l’étranger - de revenir en France et de voir à quel point notre société est - malgré tout - métissée. Pas du multiculturalisme de pacotille avec "little italy", "chinatown", "harlem" etc., mais des gens blancs, noirs, marrons, café, crème...et Français. Faites que ça continue et que dire "il est Arabe" au sujet d’un descendant d’immigré devienne non pas "politiquement incorrect" mais tout simplement "incompréhensible", "absurde".

      thomas

    • “la couleur importe peu si l’étranger s’adapte au mode de vie local. Il n’y a qu’à voir : ce sont sur les Maghrébins bien plus que sur des Antillais ou des Asiatiques que se focalise le débat.”
      ...Donc, si je vous suis bien, les antillais sont des étrangers (??) - sans compter qu’il doit y avoir en France beaucoup de maghrébins et d’asiatiques de nationalité française...

  • Franchement, qu’est-ce que ça peut me faire qu’un journaliste ou un député soit noir ou d’origine asiatique, ou même soit une femme ou un gay ?

    quand il a atteint ce statut il fait partie des classes privilégiées et ne cotoie plus le même monde.

    Ce qui me tracasse plus, c’est que en Angleterre comme en France, combien d’élus d’origine ouvrière ?

    Pour conclure, puisque selon l’auteur lui-même le système Anglais n’est ni pire ni meilleur, pourquoi devrions-nous le singer ?

    Cela ne me dérange pas qu’lis préfèrent leur système, ça "m’emmerde" qu’on cherche à m’imposer le leur !

    J’abhorre les discriminations (même positives).

  • dommage, on aimerait discuter un peu plus avec vous M. Marlière. Je ne suis pas d’accord avec vos conclusions. "On ne jette pas le bébé avec l’eau du bain". On ne va pas refaire l’historique de ces émeutes, depuis les provocations de Sarkozy. Le modèle français est moins un ensemble d’acquis sociaux, qui n’existent plus tellement, qu’un concept issu de l’héritage des Lumières.

    Le communautarisme est moderne, dans le sens où il est adapté à l’ultralibéralisme ; mais comme cet ultralibéralisme commence à être remis en question jusque dans les rangs de la droite...

    Aujourd’hui, ce n’est pas un ascenseur social qu’il faut, c’est trop petit, c’est un monte-charge, une plate-forme sociale, qui fait que nous devons recevoir et travailler avec ceux qui viennent des cités et qui veulent s’en sortir. Ceux qui ne veulent pas, je n’ai pas grand chose à en dire. Et nous serons gagnants, il y a tellement d’énergie.

    Dans la police, dans l’armée, dans les médias, dans l’administration, dans l’art, dans...

    Maintenant.

    Et en ce sens, ces émeutes auront servi à quelque chose, à pointer les gueux modernes, les laissé pour compte. C’est aussi un système de répartition de plus en plus inégalitaire, et là, faites gaffe, même en Angleterre des émeutes peuvent se produire. On atteind aujourd’hui les limites d’un système de plus en plus inégalitaire. Du 29 mai aux émeutes, il y a un désir d’un État fort, pas de privatiser tout. Quand tout sera privatisé, quels seront les possibilités influer sur le système ? aucune, ne restera que la repression.

  • Je ne pense pas que ce soit le système politique, la République, qui est en cause, mais les personnes qui le dirigent. En effet, Chirac fête bientôt "ses noces d’or avec la politique" ; est-il possible qu’il ait une idée réelle du malvivre d’une grande partie des français ? Vivant dans leur tour d’ivoire, nos hommes politiques ne pensent qu’à l’échéance a venir pour retrouver leur siège, ainsi le ministre de l’intérieur à bien pris la mesure de 2002 et donc va draguer sur les fonds du FN pour aboutir à sa seule ambition. En campagne électorale ils parlent de la France et peu des Français. ils gouvernent à courte vue et accumulent des textes de loi pour règler ponctuellement un problème, et l’on arrive à l’abhération de constater que des lois sont antagonistes et donc que le droit n’est plus applicable. Quand bien même est-il applicable, un " jeune issu de l’immigration" (les enfants Sarkosy sont des jeunes issus de l’immigration) a participé aux échauffourées, HUIT MOIS DE PRISON ; 5 policiers tabassent un jeune UN est incarcéré, QUATRE restent libres ; un dealer occasionnel est interpellé = un an de prison après comparution immédiate et pillage de son appartement, un dirigeant de banque est convaincu de gabegie a hauteur de pluseurs centaines de millions d’euros publics= peine de principe et aucune confiscation de ses biens propres... ou est l’égalité en droit ?
    "L’injustice est une mère qui n’est jamais stérile et qui produit des enfants dignes d’elle"

  • l’article de M. Marlière laisse entendre qu’il y aurait dans le gouvernement de M. Blair des ministres issus de l’immigration, ce qui n’est absolument pas le cas. Même au Parlement britannique, les "minorités ethniques" (pakistanaises, indiennes, turques)sont archi-sous-représentées quand bien même la présidente de la Chambre des Lords, la baronne V. Amos, est effectivement d’origine guyanaise... anglaise.

  • (Passer d’une description statique à une approche dynamique de ce qui traverse depuis des années la France ... autant que les autres nations développées de la planète.)

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    Il y a dix ans un candidat président à la recherche de formules percutantes pouvant servir son ambition personnelle, a trouvé, où s’est fait souffler par un de ses démalogues, la formule choc de Marcel Gauchet : « Fracture sociale ».

    Immédiatement, cette bulle (apparemment dense) de sens a comblé le vide d’explications concernant de nombreux « malaise » du corps France et s’est imposée à tous.
    Au-delà du succès électoral de son « croqueur », cette formule a marqué de son empreinte toute une époque.
    Elle semblait être le réservoir de significations, le lieu contenant les explications relatives à la dégradation des rapports entre différentes « couches sociales » constatés en France. (On mentionnait rarement le fait que la plupart des pays occidentaux vivent des phénomènes similaires).

    Ainsi, le concept, bien que statique et supposant une rupture dont personne n’a réellement interrogé la genèse, a permis aux maîtres de la parole politique de détourner l’attention pendant plus d’un septennat de ce qui menaçait jusqu’à le faire exploser les fondements même de notre Etat, et en premier lieu ses valeurs (Liberté – Egalité – Fraternité, et non pas Liberté – Solidarité données par Jacques Chirac dans ses « confidences télévisées au peuple » du 14 – 11 – 2005. Le président remplaçant lui aussi le concept dynamique de « fraternité » par le statique « Solidarité » qui réduit la cohésion a une obligation de structure, à une nécessité organique.)

    Les évènements récents montrent à quel point la description statique, connotée d’une douleur lancinante qu’impliquait la notion de « fracture sociale » était inadapté voir mensonger.

    Parler de fracture permettait de supposer implicitement que « l’accident », la violence faite aux populations concernées étaient derrière elles, qu’il s’agissait d’un « événement » achevé, révolu, à traiter (immobiliser, réduire, plâtrer) au moyen de la palette d’outils connus dont dispose la médecine sociale.

    La réalité, bien différente n’est en rien figée.
    Ainsi, pendant que l’on attirait les yeux du taureau (les Nombreux) vers la muleta rouge du toréador, les faits s’aggravaient, les différences de conditions de vie, de salaire, d’accès à l’emploi, …, se creusaient au point d’atteindre un niveau record dont un certain nombre de caractéristiques (comme par exemple l’émergence un peu partout des « fils de ») évoquent fortement l’époque féodale.

    La description dynamique correspondant à « la dérive des continents » est bien plus proche de la réalité sociale française – mais aussi de celle que l’on rencontre un peu partout sur la planète.

    Car il s’agit bien d’une tendance permanente à l’écartèlement, d’une déchirure dont l’amplitude s’accroît chaque jour, entre une nouvelle aristocratie, et une nouvelle pauvreté (au relief très varié) dont rien ne protège plus désormais ceux qui appartiennent ou non au monde du travail.

    Il serait rassurant pour beaucoup de donner à croire que ce que nous avons vécu sépare radicalement ces mêmes personnes (du continent des pauvres ou en voie de pauvreté) qui ont pourtant beaucoup en commun (les petites gens). Tout est d’ailleurs fait pour qu’un tel fossé sépare ceux qui vivent à proximité des « quartiers sensibles » (ou les « bons français » qui y logent) de ceux auxquels on impose désormais sélectivement le couvre-feu (discrimination positive ?).
    Emmanuel Todd dans le monde du 13 novembre donnerait à penser qu’il n’en est rien, au moins au niveau des enfants.

    « Mais je ne vois rien dans les évènements eux-même qui sépare radicalement les enfants d’immigrés du reste de la société française. J’y vois exactement le contraire. … »

    La conclusion de l’écrivain essayiste est d’ailleurs bien différente de ce qui nous est donné comme bilan de ces deux dernières semaines et certainement bien plus proche de ce qui sera canonisé … lorsque les médias auront pris un peu de recul.

    « Je suis optimiste sur le plan des valeurs politiques. En termes de résultat, après ces deux semaines d’émeutes, que voit-on ? Ces gens marginalisés, présentés comme extérieurs à la société, ont réussi à travers un mouvement qui a pris une ampleur nationale à intervenir dans le débat politique central, à obtenir des modifications de la politique d’un gouvernement de droite (en l’obligeant à rétablir des subventions aux associations des quartiers). Et tout ça en réaction à une provocation verbale du ministre de l’intérieur dont on va sans doute s’apercevoir qu’ils auront brisé la carrière.
    On peut être plus marginal ! »

    Ainsi, grâce à un signe fort, à la hauteur de la détermination de ceux qui refusaient obstinément de constater la dérive, le continent des pauvres s’est vu enfin jeter quelques grappins, enfin les hommes politiques en charge du destin de la France ont pris, au moins en partie, la mesure de la faille qui se creuse depuis des années et qui n’est en rien une donnée, mais une tendance de fond qu’il faut impérativement stopper et inverser.
    En effet, suivant le principe d’action et de réaction – cette solidarité forcée que reconnaissent ceux qui donnent l’aumône pour se protéger – si la pauvreté s’accroît, si une grande partie de la population dérive vers le large, c’est l’ensemble de toutes ces terres qui sera secoué de tremblements.

    Comme en matière d’environnement, aider ce continent en perdition, n’est pas un acte vertueux, mais une nécessité vitale pour assurer la sécurité de ceux pour lesquels les moindres variations de la température ambiante sont devenues insupportables voir même génératrices d’insécurité.

    De la fracture sociale à la dérive des continents

    Luc Comeau-Montasse
    du fagot des nombreux

  • La République avance vers la sociale ou la "libérale" rentière répressive selon les majorités politiques et l’orientation politique des directions de gauche depuis 125 ans. La vraie discrimination positive est pro-sociale. USA et Grande Bretagne sont les pays les plus anti-sociaux où les taux de pauvreté, particulièrement des minorités originaires du Sud, dites visibles, sont proches de 20 %, les plus élevés et de loin de tous les pays de l’OCDE.
    Et si le modèle républicain social était le pire ennemi du libéralisme financier ? D’où leur haine pour la République sociale confondue avec la pseudo-république libérale ?