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EDF : les banquiers ont dérapé

Publie le mercredi 11 janvier 2006 par Open-Publishing

La Voix du Nord - Mercredi 11 Janvier 2006

EDF : les banquiers ont dérapé

« INADMISSIBLE, inacceptable, honteux, lamentable »... Les qualificatifs hier pleuvaient au fil des témoignages reçus à notre journal suite aux articles dénonçant d’abord un, puis deux, puis sept, et aujour-d’hui plus d’une trentaine d’habitants de la région qui se sont retrouvés actionnaires d’EDF malgré eux (nos éditions des 5, 7 et 10 janvier).

Inadmissible en effet que les banques aient, à l’occasion de l’introduction en bourse d’EDF, outrepassé à tel point leurs droits.

Car ce qu’on pouvait au départ considérer comme de simples erreurs - « Un cas sur des millions », se défendait un banquier - tourne au dysfonctionnement généralisé. Et, n’ayons pas peur des mots, prend des parfums de scandale.

• Les retraités comme cible. - Premier constat : dans la région, tous les clients victimes de vente forcée d’actions EDF connus à ce jour sont des retraités. Des couples, des célibataires, des veuves, des veufs. De tous les milieux, et de toute la région. Des personnes souvent plus vulnérables (on a le cas d’une dame de 87 ans en résidence médicalisée à Maing), plus influençables, dont les comptes « dormants » ont attiré manifestement les convoitises. Aucun d’eux n’avait donné mandat à son banquier pour acheter ou vendre des actions. Tous ont découvert la situation en regardant leur relevé de compte. Dans leur immense majorité, ils n’avaient jamais eu l’occasion d’acheter des titres en bourse.

• Reventes à perte ! - En l’état actuel de nos connaissances, les sommes prélevées sur les comptes vont de 192 € (6 actions à 32€) jusqu’à 4 608€ (144 actions pour un couple). La plupart des personnes nous ayant alertés ont été remboursées... pour partie : une fois l’erreur constatée (le banquier parlera ici « d’erreur »), les actions sont revendues, parfois à perte, parfois avec une maigre plus-value, mais dans tous les cas, le banquier a compté des frais de courtage ! Résultat, les clients en sont pour leur poche ! « Le banquier m’a acheté sans me prévenir pour 288 € d’actions EDF, j’ai rouspété, il les a revendues pour 274,62 € ! », témoigne cette habitante d’Iwuy, cliente au Crédit Agricole de Cambrai. Une cliente qui de surcroît s’est fait rembourser sans son accord sur un compte bloqué, et pas sur son compte courant, à découvert à cause de l’opération !

• Des conseillers bancaires sous pression. - Si les premiers cas signalés de vente abusive ont été localisés dans le Valenciennois, et notamment chez BNP Paribas, on peut dire que le mal s’est étendu depuis hier à d’autres établissements : Crédit Agricole, Crédit du Nord, Banque Scalbert-Dupont. Et cette fois dans toute la région. « On pouvait s’attendre à tous ces dérapages. Il y a dans les agences bancaires, à l’occasion des introductions en bourse, une pression énorme. EDF comme GDF comme France Telecom sont souvent clients des grandes banques, et c’est à qui fera le meilleur chiffre », témoignait hier un ancien dirigeant de la BNP.

Un témoignage qui venait compléter ceux de conseillers bancaires BNP qui nous déclaraient lundi : « On nous force à violer le client » ; « Avant EDF, on n’avait jamais eu une pression pareille, il y avait un challenge interne à qui vendrait le plus d’actions. » « Dans telle ou telle agence, on a fait des ventes sans l’accord du client. J’en suis écoeuré », nous a confié hier un conseiller au Crédit du Nord. Et d’évoquer, au vu des dizaines de témoignages de clients abusés reçus, « l’arbre qui cache la forêt ».

• Gros gâteau. - Le jeu en valait sans doute la chandelle : les banques françaises ont touché 140 millions d’euros de commissions pour vendre les titres EDF.

• Et maintenant ? - Les banquiers jusque-là parlent « d’erreurs inadmissibles », « de cas marginaux » et assurent que le bénéfice du doute profite au client quand il n’y a pas d’ordre écrit. « Les clients abusés seront remboursés », nous a ainsi déclaré Jean-Luc Mouquet, responsable des relations clients chez BNP Paribas dans la région.

Les banquiers mettront-ils pour autant un terme à certaines façons d’exercer leur métier ? On aimerait l’espérer. Pour leur clientèle. Et pour eux-mêmes. Un sondage du cabinet Forrester publié hier révélait que deux tiers des clients des banques européennes n’avaient pas confiance dans leur banque (1) . À méditer. En attendant, tous les clients s’estimant abusés peuvent se rapprocher de l’Autorité des marchés financiers ou d’une structure comme l’Association française des usagers des banques (AFUB)

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