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Amorce d’une mobilisation africaine à Bamako

Publie le lundi 23 janvier 2006 par Open-Publishing

de Philippe Bernard

Avec le premier Forum social mondial (FSM) tenu sur son sol, qui s’achève lundi 23 janvier à Bamako, l’Afrique est montée dans le train de l’altermondialisme, mais à la façon, modeste et pragmatique, d’un continent d’abord occupé à survivre.

Loin des foules latino-américaines de Porto Alegre, le forum malien n’entrera pas dans l’histoire pour son affluence - quelques milliers de personnes, surtout des Africains francophones et des Européens - ni pour son organisation, erratique. Il a toutefois été le théâtre de rencontres qui auraient été impossibles sans cela entre des paysannes en boubou exprimant leurs revendications en bambara, des "anti-impérialistes" au langage idéologique bien rodé, de vieilles militantes catholiques du développement et de jeunes candidats à l’émigration, rescapés de récentes tentatives d’infiltration par-dessus les barbelés de Ceuta et Melilla, les enclaves espagnoles au Maroc.

Il y a eu également une forte participation aux grands débats allant des privatisations à la question foncière en passant par la dette ou les OGM. Affaibli par l’éclatement du FSM en trois lieux (Caracas prend le relais à partir de mardi, puis ce sera Karachi) et par les difficultés de transport propres à l’Afrique, le forum a surtout été l’occasion d’entendre des interrogations de base.

"Une graine a été semée qui fera germer les mouvements sociaux : des femmes qui n’étaient jamais sorties de leur village sont venues partager avec le monde entier", s’enthousiasme Aminata Barry, présidente d’une plate-forme alternative malienne qui recense 300 organisations africaines. Des agriculteurs togolais, qui ont fait trois jours de route pour venir, se disent "fortifiés de ne plus se sentir isolés". La société civile africaine n’a pas, loin de là, atteint le degré de mobilisation sud-américain, mais elle manifeste, selon les experts, une émergence prometteuse. Sous des huttes, près de stands vendant de la tisane "anti-ulcère", des bijoux artisanaux ou des affiches qui clament "libéralisme = guerre contre les pauvres", de petites assemblées disciplinées dénoncent les ravages sociaux de la privatisation du chemin de fer Bamako-Dakar, les diktats de la Banque mondiale sur le coton ou les tragédies de l’émigration.

Une militante s’en prend aux "racailles d’en haut". Elle pense aux institutions financières qui "imposent à l’Afrique des politiques néolibérales que les pays riches sont eux-mêmes incapables de gérer", mais aussi à des chefs d’Etat du continent noir. Car, dans les commentaires à Bamako, si les "grands satans" sont d’abord occidentaux, les responsables africains de l’enlisement du continent ne sont pas épargnés. Pas plus que certains visiteurs étrangers comme José Bové, souvent perçu comme "un donneur de leçons", ou la France "néocoloniale", discrètement représentée par l’ambassadrice Nicole Ameline et par un conseiller à l’Elysée.

Le FSM malien, en avant-première du forum de 2007 prévu à Nairobi, a donné un écho à cette amorce de mobilisation populaire africaine destinée à peser sur les gouvernants, mais a aussi permis de constater l’absence de leaders politiques pour la relayer.

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