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FSM Bamako : un forum vraiment populaire

Publie le lundi 23 janvier 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

de Nathalie et Philippe

La dispersion des 10 lieux dans lesquels se déroulent les débats ne facilitent pas les improvisations ni le passage d’une thématique à l’autre. En revanche, cela fait le bonheur des chauffeurs de taxi : les distances sont vraiment très longues pour être parcourues à pied le long des avenues pétaradantes, et les transports en commun (des minibus VW verts olive à la tôle découpée pour être plus accessibles en marche) strictement réservés aux initiés, les rabatteurs criant au passage, en bambara, leur quartier de destination.

Mais, plus sérieusement, cette dispersion a aussi un intérêt, d’ailleurs recherché par les organisateurs : il permet une véritable "infusion" du FSM dans la ville. Tant et si bien qu’il est fréquent qu’on nous interpelle dans la rue, à la vue de nos badges FSM, et pas seulement des militants a priori.

Un marchand de son échoppe, un chauffeur de taxi, une cuisinière des rues peut ainsi nous demander "comment se passe le forum", "qu’est-ce qui se décide pour le coton ?", "à quelle heure Aminata Traore doit-elle intervenir ?"... D’autres bien sûr doivent vraiment se demander ce qui se passe avec tous ces babas toubabs qui se baladent là. Mais ceux-là ont le tact de ne pas nous le demander ! Dommage sans doute. Bon, j’exagère, car la TV et les radios locales FM, couvrent largement le forum et doivent bien participer à le populariser.

Quant aux lieux, ils sont réellement ouverts : chacun entre là sans avoir eu à payer son inscription, celle si, même modique pour les ressortissants du Sud (1250 CFA ou 2 Euros), coûtant tout de même 2 kg de mil. Et les discussions s’engagent facilement.

Mais le plus impressionnant reste le concert de Tiken Jah Fakoly de vendredi soir, qui a comblé le stade Modibo Keita, avec ses paroles tout à fait dans le ton du FSM, une vraie synthèse à lui tout seul, sur un reggae diablement entraînant. Enfin, comme on avait très faim, et qu’on avait un peu épuisé notre énergie dans la journée, on n’y a même pas assisté : ouououh pour nous !

Quelques flashes d’ateliers qu’on a pu suivre les uns ou les autres.

L’accès aux médicaments.

Animé par 2 ex-salariées d’Avantis (du Centre de recherche de Romainville, en cours de fermeture), qui proposent une campagne pour un contrôle international des médicaments. Peu d’assistance dans ce lieu assez perdu au fin fond du Campus universitaire, mais un débat très animé autour des génériques, des « dons de médicaments » aux ONG (venant en particulier du système CYCLAMED en France) et ensuite de leur usage sans contrôle, voire de la destruction du système de santé local que cela provoque. Nathalie y reviendra !

2 débats beaucoup plus suivis à la Bibliothèque nationale, avec environ 300 personnes chaque fois, sur « néolibéralisme en Afrique et « OGM ».

Mais il faut dire que José Bové y intervenait, ceci expliquant peut-être cela. Et puis, il y avait aussi Roland ! Pour le premier, beaucoup de témoignages d’associations de pêcheurs, de producteurs de cotons ou vivriers, de syndicalistes des mines d’Afrique du Sud... Pour le 2ème, 2 exposés très pédagogiques de généticiennes, 1 béninoise, et 1 malienne. La première a écrit un ouvrage avec l’Association Grain, sur lequel on reviendra. On y a appris en particulier que le Burkina sert aujourd’hui de cheval de Troie pour le coton BT (OGM « résistant » naturellement aux pucerons). Et que le Gouvernement Compraoré, avec le soutien de Monsanto, a fait venir des agriculteurs Sud-Africain qui avaient commencé à le cultiver pour convaincre la Confédération Paysanne Burkinabe (qui n’a pas grand chose à voir avec son homologue française, se méfier des contrefaçons). Des intervenants ont suggéré de trouver des fonds pour faire revenir les mêmes témoins sud-africains pour les faire témoigner 2 ans après, avec la résistance des pucerons qui est apparue, et des endettements monstrueux de beaucoup d’entre eux pour se payer les semences et les produits phytosanitaires supplémentaires alors que les cours du coton baissent.

Blandine a participé à un séminaire très dur selon elle sur les violences faites aux femmes.

Où, paradoxalement, les femmes ont aussi été mises en accusation, en tous cas celles qui excisent, qui marient de force leurs filles... Mais d’autres ont insisté sur la domination des femmes, par les maris, ou par les autorités traditionnelles, masculines celles-ci, qui ne leur donnent pas vraiment le choix. Ce qui reste très impressionnant ici à Bamako, c’est la considérable mobilisation des associations féminines pour nous français. Nathalie fera un compte-rendu et a fait des interviews qui figureront dans le journal.

Toujours à propos d’initiatives féminines, l’atelier organisé par le Forum Social Local d’Ivry et Consom’Solidaire a permis d’en faire ressortir énormément. Un atelier foisonnant, où on a parlé aussi bien des initiatives au Nord et au Sud, de leurs rapports éventuels, des problèmes de monnaies... avec en particulier les interventions de William (AMAP Paris Sud) et de Martine (SEL Vannes, coopérative d’achat, Jardins solidaires). Et à la mise en procès des « micro-crédits ». Là encore, on y reviendra plus à fond.

Les Alternatifs ont organisé en tant que tel 2 ateliers. L’endroit assigné ne facilitait a priori pas les choses : sous les cocotiers de la maison des jeunes, entre le bar et les étals des cuisinières, dans un lieu nommé « point G ! ». Donc pas facile de se concentrer dans ce lieu de passage. Mais finalement, on a réussi à retenir des gens qui passaient pour d’autres raisons.

Côté intervenants sur la souveraineté alimentaire, à part Michel, Malik Sow, représentant sénégalais des agriculteurs agro-pastoraux, Jean Cabaret, représentant les éleveurs à la Confédération Paysanne Française... et puis aussi bien d’autres témoignages de représentants de paysans mauritaniens, maliens, burkinabe, éthiopiens, de syndicalistes kenyans ou maliens « ajustés », de militants d’ONG... On est largement revenus sur l’articulation entre les luttes à l’échelle nationale (partiellement victorieuse pour les producteurs d’arachide au Sénégal contre la baisse de prix après la privatisation de la filière ; inscription de l’objectif de souveraineté alimentaire dans la constitution malienne... mais pour l’instant sans trop de traduction concrète), les luttes internationales (bilan très mitigé de Hong-Kong malgré une très forte mobilisation, en particulier de Via Campesina), les revendications d’un autre équilibre des marchés internationaux.

Une problématique proche a été abordée sous un autre angle aujourd’hui avec un 2ème séminaire sur la régulation des marchés internationaux de produits agricoles. Avec encore d’autres intervenants, plus les mêmes, et notamment une intervention extrêmement pédagogique d’un économiste togolais, liant les politiques d’ajustement structurel, monétaires (avec l’emprise des banques françaises sur l’UEMOA, institut d’émission du F CFA dans la région, qui impose « O déficit budgétaire », pire que les critères de Maastricht chez nous), insécurité sur les marchés, appauvrissement et exode rural...

Difficile de relater en quelques lignes la richesse de tous ces débats là, et encore d’autres même pas évoqués ici.

Maintenant, en cette presque fin de forum, se pose encore la sempiternelle question : et demain ?

Avec une forte envie de coordonner au moins un calendrier de luttes et de mobilisation pour les prochains mois : contre la fin du cycle de Doha à l’OMC, contre la signature des accords de partenariat économique entre UE et pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique), au moment de la Conférence des Nations Unies sur le Climat et ses demis mesures proposées etc.

Demain, suite et fin pour Bamako... A vous Caracas !.

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