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FORUM SOCIAL MONDIAL DE BAMAKO : DE L’ESPOIR A LA CONFIANCE

Publie le dimanche 29 janvier 2006 par Open-Publishing
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Le Forum Social Mondial de Bamako s’est tenu du 19 au 23 janvier 2006,
autour de quelques 600 séminaires et ateliers répartis sur 11 sites de la
ville.

Pour Droits devant !!, qui participait à ce FSM dans le cadre des No Vox,
le thème de l’immigration a été fortement central, tenant compte des liens
étroits noués durant ces quinze années de lutte avec des mal logés, sans
logis ou sans papiers d’Afrique de l’Ouest, notamment maliens.
Dés le premier jour, après un travail en amont où, par l’intermédiaire de
sans papiers en France et de la radio Kayira à Bamako, des contacts
avaient été pris avec des sans papiers expulsés de France, une première
rencontre s’est faite avec une demi douzaine d’entre eux.

Après plusieurs réunions, auxquelles ont participé un nombre à chaque fois
croissant de sans papiers expulsés, la dernière s’est faite en présence de
33 personnes, dont 18 sans papiers expulsés.

Ce samedi 28 janvier, à Bamako, doit se créer officiellement
"l’association malienne des sans papiers expulsés" ayant pour objectif
d’aider et soutenir les sans papiers expulsés de France ou d’autres pays,
de permettre à ceux ci de se rassembler et de se mobiliser alors que ces
dernières années, les expulsés se retrouvaient seuls et éparpillés, de
revendiquer leur retour et d’intervenir auprès des ambassades, notamment
celle de France, pour lutter contre les politiques de blocage ou de
sélection des visas.

L’association oeuvrera donc sur deux registres, le soutien humanitaire
d’urgence et l’action politique envers les gouvernements et ambassades, en
coordination avec Droits devant !! et, plus largement, avec le réseau No
Vox pour permettre la transversalité d’actions communes entre mouvements
du Sud et du Nord.

Autour de cette association, est envisagée la création d’un comité de
soutien réunissant des associations maliennes telles que la Coalition
Alternative Dette et Développement (C.A.D.), la Ligue Malienne pour la
Justice, le Développement et les Droits de l’Homme (LMJDH), la radio
KAYIRA, des paysans, des ouvriers des mines d’or, des cheminots en
lutte... et des associations françaises et européennes inscrites dans le
réseau No Vox.

Concernant les paysans, plusieurs centaines d’entre eux, femmes et hommes,
sont en lutte contre "l’Office du Niger", institution post coloniale qui
pratique une politique de corruption et de spoliation de terres et d’eau
de paysans, privant de leurs ressources vitales des dizaines d’entre eux
Les ouvriers des mines d’or sont quant à eux victimes d’une répression
farouche de la SOMADEX, filiale française de BOUYGUES, qui exploite les
mines avec la multinationale sud africaine RANDGOLD, a falsifié des
contrats de travail, licencié 311 mineurs et porté plainte contre des
"meneurs" de grève, provoquant l’incarcération de 33 d’entre eux, dont 9
toujours en prison, sans jugement, depuis août 2005.
Des centaines de cheminots subissent de leur côté les conséquences de la
privatisation du rail malien qui a, là aussi, entraîné des vagues de
licenciement, dont celui de Tiécoura Traoré, président du COCIDIRAIL,
collectif créé en 2003 pour lutter contre ces exactions.
Durant cette semaine à Bamako, nous avons pu assister et intervenir au
coeur de plusieurs forums organisés par cette coalition de femmes et
hommes ouvriers-paysans, agrégés sous le vocable fortement symbolique des
"damnés de la terre".

.../...

L’osmose entre ces femmes et hommes, ouvriers et paysans spoliés,
dépouillés de leurs biens, qui contraindra certains d’entre eux à une
émigration forcée et des sans papiers qui ont vécu l’humiliante barbarie
de l’expulsion peut se résumer à une exigence première : NOUS NE
DEVIENDRONS PAS DES SANS PAPIERS, c’est pourquoi nous luttons et
continuerons à lutter sur notre sol pour l’égalité des droits à la terre,
l’eau, le travail, la santé, la liberté de circuler...

Par ce que nous avons pu voir et entendre, cette cohésion de lutte entre
des femmes et hommes qui émigrèrent par contrainte, subissant
l’exploitation, la répression et l’infamie de l’expulsion et celles et
ceux qui combattent pour vivre et travailler en paix, justice et liberté
sur leur terre, porte les prémisses d’un mouvement révolutionnaire de par
sa volonté d’essaimer, s’élargir et s’inscrire dans la durée.

La conjugaison de ces forces du peuple prolonge le combat contre le joug
des colonisations d’hier, qui assurent aujourd’hui leur continuité
perverse par le diktat des transnationales des anciens états
colonisateurs, par les spoliations orchestrées par le F.M.I., l’O.M.C. et
la Banque Mondiale et l’allégeance à ces politiques du pire de la plupart
des gouvernements de pays du Sud. La marche sur l’Ambassade de France qui
rassembla les Sans des No Vox et les paysans, ouvriers et sans papiers
maliens fut en ce sens exemplaire par sa force et sa dignité,
l’ambassadeur étant interpellé par les uns et les autres sur sa gestion
post coloniale concernant le blocage et le tri sélectif des visas, sur son
mépris concernant la situation des sans papiers expulsés ou sa complicité
avec les exactions commises par la SOMADEX envers les mineurs maliens.

Plusieurs d’entre nous ont fait comprendre à l’ambassadeur que ces faits
et méfaits contribuaient à défigurer l’image de la France, déjà
passablement fissurée au regard d’une large frange du peuple malien. Le
lien tangible tissé lors de ce FSM entre ces résistances au Mali et celles
des No Vox permettra peut être d’exprimer sa consistance et sa cohérence
lors de la marche mondiale des pauvres et des Sans, proposée à Bamako par
l’assemblée générale des No Vox, à l’occasion du prochain FSM de Nairobi
en 2007.

Nous sommes repartis de Bamako confiants et remplis d’espoir tant
la détermination de nos compagnes et compagnons maliens nous parait
porteuse d’un devenir et d’un combat communs, s’affirmant déjà par la
construction de l’association malienne des sans papiers expulsés, par la
coordination d’un réseau anti-expulsions rassemblant des sans papiers du
Mali, du Sénégal, des militants des réseaux No Vox et Migreurope du
Portugal, d’Italie, de France et d’Espagne. Nous allons également oeuvrer
à la mise en place d’un comité de soutien aux mineurs licenciés et
emprisonnés sans jugement et sans motif tangible d’inculpation, sur
plainte de la SOMATEX.

Le FSM de Bamako laissera probablement dans la
durée des traces profondes quant à l’indispensable construction de
passerelles solides entre les luttes d’ici et là-bas, partageant entre
elles le même objectif : combattre la pauvreté, la précarité et les
exclusions par delà les frontières, les forteresses, les barbelés et les
miradors de la barbarie colonialiste. Quand le NOUS sera planétaire Quand
tous les pauvres s’y mettront Quand tous les Sans battront colère Demain
sera révolution.

Paris, 27 janvier 2006 Pour No Vox et Droits devant !!

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