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La Bourse iranienne du pétrole est-elle un casus belli ?

Publie le mercredi 8 mars 2006 par Open-Publishing
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Article repris de http://www.horizons-et-debats.ch/ac...

La Bourse iranienne du pétrole est-elle un casus belli ?
par William Engdahl

En particulier sur Internet, un large débat s’est engagé à propos du fait que la Bourse du pétrole de Téhéran, qui devrait s’ouvrir en mars prochain, est peut-être la vraie raison de la préparation par Washington d’une attaque militaire de l’Iran. L’argument est le suivant : en offrant aux acheteurs de pétrole l’occasion de payer l’or noir avec d’autres monnaies que le dollar, celui-ci, pilier de l’empire américain, s’effondrerait et avec lui l’hégémonie des USA dans le monde. Quelque convaincant qu’il soit, cet argument est fallacieux. La seule monnaie susceptible de défier le dollar dans le commerce mondial du pétrole est évidemment l’euro.

Admettons que, brusquement, la Chine, le Japon, l’Inde, l’Asie de l’Est et les pays de l’Union européenne payent le pétrole en euros, comme Saddam l’a fait dès novembre 2000 (pétrole contre nourriture), le commerce se heurterait rapidement à un obstacle, c’est-à-dire à la pénurie d’euros sur les marchés monétaires internationaux. C’est que le traité de Maastricht a mandaté la Banque centrale européenne pour qu’elle limite strictement la quantité d’euros en circulation et contribue à renforcer la discipline des gouvernements en matière de dette publique. Tant que la BCE suivra cette stratégie, le dollar ne pourra pas être concurrencé. Mais la réalité est même plus complexe. Le rôle du dollar en tant que monnaie de réserve pour le commerce mondial et les banques centrales est fondamentalement politique. La décision du Japon de soutenir le dollar en partie en compensation de la protection nucléaire des USA était politique. Il en va de même de l’Arabie saoudite. Les gouvernements et les grandes sociétés de l’UE dépendent si étroitement du monde du dollar qu’ils se garderont bien de faire quoi que ce soit contre Washington ou le dollar.

Celui qui a servi de consultant privé à Téhéran dans son projet de Bourse du pétrole est Chris Cook, ancien directeur du London International Petroleum Exchange. Dans un article récent de l’Asia Times, il précise que depuis 2001, son rôle a consisté à essayer de convaincre les responsables iraniens que vendre le brut du golfe Persique à un cours différent de celui du pétrole de la mer du Nord ou du Texas pourrait affranchir l’Iran et les autres pays de l’OPEP des manipulations de prix effectuées par les grandes banques d’investissement de New York et d’Europe qui ont recours à des produits financiers dérivés et à d’autres instruments pour faire d’énormes profits sur le papier. Comme Cook l’a fait remarquer, « la devise servant à la vente du pétrole est uniquement une question boursière ; ce qui compte, c’est quels actifs les bénéfices vont permettre d’acquérir (en ce qui concerne les Etats-Unis, quelles dettes ils vont servir à rembourser). » Les raisons principales pour lesquelles Washington attaquera ou non l’Iran sont plus fondamentales. La Bourse du pétrole ne fait que symboliser le désir de l’Iran d’être moins dépendant du monde du dollar dominé par les Etats-Unis.

(Horizons et débats, numéro 35, février 2006)

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