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Ce que nous lisions dans le Petit Livre Rouge

Publie le samedi 9 septembre 2006 par Open-Publishing
4 commentaires

de Rina Gagliardi traduit de l’italien par Karl&Rosa

Pour tant de jeunes des années ’70, la référence à la Chine représenta un "signe distinctif" (avec un petit côté clin d’œil). Et une idée : celle d’un socialisme qui ne renoncerait pas à la transformation radicale de la société.

Je me souviens très bien de la longue journée de la mort de Mao Tse Toung, le 9 septembre 1976. A la rédaction du Manifesto, où je travaillais à l’époque, la nouvelle produisit ce climat fervent et excité qui accompagne seulement les grands évènements. Et des discussions "de travail" qui se poursuivirent pendant des heures, jusqu’à la fermeture. Jusqu’au choix du titre de l’éditorial écrit par Rossana Rossanda qui était un message politique et idéologique sans équivoque : "Se rebeller est juste", classique mot d’ordre maoïste, chargé cependant d’une référence évidente au présent politique italien, cette unité nationale Dc/Pci dont nous étions des adversaires résolus.

Jusqu’à la décision de publier une photographie - rigoureusement en noir et blanc, selon le style du journal - de Mao jeune et non pas cette espèce d’icône embaumée qui circulait à l’époque. Le Manifesto pouvait, oui, être qualifié de journal "maoïste". Un "maoïsme" certes à des kilomètres du sectarisme dogmatique, doctrinaire et même ridicule qui caractérisait les groupes m-l, depuis le Pcdi jusqu’au "Servire il popolo" et qui se posait en continuité avec la meilleure partie des soixante-huitards. Du reste, être "sinophile" à cette époque, signifiait surtout être critique par rapport à l’Union soviétique, au stalinisme, à un modèle de socialisme qui s’était avéré catastrophique, et même "irréformable", et poursuivre, dans la pratique politique comme dans la réflexion théorique, l’idée possible d’un "autre" socialisme, d’une "autre" voie pour le développement.

Avec ces lunettes-là, nous avions donc salué avec enthousiasme la révolution culturelle - Rossana Rossanda et K.S. Karol (la première avec un essai que je me rappelle très beau "Le marxisme de Mao Tse Toung", publié sur la revue Manifesto à la fin de 1969, dans lequel elle avançait la thèse audacieuse selon laquelle la tentative de Mao des années 60 était logiquement plus destinée à l’Occident néocapitaliste mature qu’à la Chine qui constituait son théâtre naturel ; le second avec ses reportages en direct de ce grand pays et son livre "La Chine de Mao") étaient nos références majeures.

Trente années plus tard - tellement denses et importants qu’elles pèsent presque un siècle -, je repense à cette époque avec un esprit inchangé, mais avec aussi quelques doutes de fond : il est difficile de dire aujourd’hui si nous avions raison jusqu’au fond ou si nous n’avions pas plutôt beaucoup de bonnes raisons. Entre-temps, la Chine est devenue une des plus grandes puissances économiques mondiales à travers un processus accéléré de développement capitaliste qui fait envie (et peur) à la moitié du monde, avec au pouvoir les héritiers de Deng Hsiao Ping, celui-la même qui fut, au sein du Parti communiste chinois l’adversaire interne de Mao et des "gardes rouges". Et la liberté politique et d’organisation des masses - et des personnes - demeure niée. Une transformation colossale, mais qui nous empêche aujourd’hui de considérer l’expérience chinoise et son "socialisme de marché", comme on a dit, avec un esprit solidaire ou "complice".

La Chine est loin, en somme, presque autant que notre jeunesse. Mais surtout, durant les décennies qui sont derrière nous, nous avons cessé de penser à fond à la Chine et aussi de "repenser"cette époque qui nous fut aussi chère. A cause des grandes difficultés évidentes que comporte une telle élaboration, parce que nous sous sommes occupés de tant d’autres choses, parce que, peut-être, nous sommes aussi un peu paresseux et un peu peureux - le fait est qu’il en a été ainsi, pas seulement pour moi, je pense, mais pour une grande partie de la gauche, la gauche radicale, celle qui n’ a pas démissionné de son engagement de transformation du système. C’est pourquoi il convient aujourd’hui de parler non pas de Mao Tse Toung (ou Zedong) mais de ce que fut pour nous Mao dans le mouvement de soixante-huit et son sillage, les années 70. "Notre" Mao tel qu’une entière génération, dans l’Occident sens dessus dessous, l’a perçu, vécu, "utilisé", aimé, diffusé.

***

J’ai retrouvé dans mes papiers, juste ces jours-ci, un exemplaire bien conservé des Citations des œuvres du président Mao Tse Toung - le célèbre Petit Livre Rouge. De format cinq sur dix environ, il a une jaquette en plastique, rouge justement, la devise "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous" à la première page, puis un portrait du Président, une page avec des idéogrammes chinois. Et une préface de Lin Piao, datée du 16 décembre 1966, qui contient certaines phrases dont je ne sais pas si aujourd’hui elles font rire ou bien plutôt pleurer : "La pensée de Mao Tse Toung est le marxisme-léninisme de l’époque où l’impérialisme va à la rencontre de la défaite totale et où le socialisme avance vers la victoire dans le monde entier".

Viennent ensuite les citations à proprement parler, subdivisées en trente-deux petits chapitres, du Parti aux Femmes, de la "juste résolution des contradictions au sein du peuple" aux problèmes de la culture et de l’art. Il est difficile de ne pas percevoir un éloignement abyssal par rapport à un texte et à un symbole comme celui-là. Mais il faut tout de suite éclaircir un point : ceux qui pensent que les soixante-huitards se servirent de ce petit libre comme d’un catéchisme et l’agitèrent dans les cortèges ou dans les assemblées et, en somme, y crurent vraiment, font fausse route. Il y eut, certes, quelques jeunes qui prirent le petit livre pour une sorte de nouvel Evangile, où puiser selon les circonstances pour avoir des "lumières" et des indications politiques - mais ce fut une petite minorité.

La plupart, nous, l’utilisions un peu comme un jeu, comme un signe distinctif reconnaissable - comme quand nous improvisions des chœurs sur le refrain "Nous ne lisons que Remnin Rebao/ E vive Mao, vive Lin Piao". Dans nos "chinoiseries", il y avait presque toujours l’envie de provoquer ou un exhibitionnisme non dénué d’ironie : en réalité ce langage, même à l’époque, nous était étranger, exactement comme l’idée de "compulser" un texte sacré. Le fait est que nous fumes condamnés, si l’on peut dire, par la représentation médiatique et par l’opinion publique convenable, à être "chinois" - "Les Chinois occupent la Sapienza", "Les Chinois à l’assaut du consulat américain", telle était plus ou moins la teneur des quotidiens bourgeois de l’époque, où pour "chinois" il fallait lire "étudiants" ou "jeunes".

C’était un des si nombreux instruments de lutte idéologique : le terme de "chinois" contenait un message clair de dénigrement, renvoyant, consciemment aux agents, peut-être bien inconscients, d’une puissance étrangère, menaçante, mais par-dessus le marché considérée "arriérée", presque incivile et même peu fiable, comme tout ce qui vient de l’orient. Ce qu’il y avait de véritable et de fondé dans cette identité "chinoise" et maoïste qui était la nôtre, c’était en revanche un grand intérêt largement répandu pour le "modèle" de socialisme qu’il nous semblait entrevoir en Chine - en tout cas différent du modèle soviétique, en tout cas proche, très proche de ce que nous tentions de faire et d’être.

La découverte de Mao se situe là, dans une sorte de fièvre de masse qui avait pour théâtre quotidien non pas l’Italie mais le monde. Mao fut et demeura, avant toute chose, un des trois côtés du triangle presque "parfait" qui synthétisait la culture de 68 en Italie : le premier était Marx, c’est-à-dire la redécouverte du mouvement ouvrier dans sa source la plus importante et actuelle, celle qui nous avait été transmise par les Cahiers rouges, par la naissance d’un nouveau prolétariat d’usine (l’Ouvrier Masse), par une subjectivité de lutte et de révolte qui apparaissait "enfin" libre des conditionnements du Parti et du Syndicat ; les deux autres étaient Marcuse et, justement, Mao.

Si le premier - grâce à des livres comme Eros et civilisation et L’homme à une dimension - apparaissait comme un des grands penseurs de la crise de l’Occident et dénonçait implacablement l’illusion, ou mieux l’impossibilité de l’intégration, le second apparaissait comme la réponse la plus avancée - le vent de l’Est - aux contradictions insolubles du capitalisme mature. Si le premier était, en somme, la pars destruens, le second était la pars costruens, la preuve par neuf qu’il y avait une grande partie du monde où nous pouvions vaincre - non seulement en prenant le pouvoir, mais en faisant la révolution jusqu’au bout, à la différence de ce qui s’était passé dans l’Urss de Staline et de ses successeurs. Curieux.

Si l’on y repense aujourd’hui, on se rend compte avec un peu de stupeur du caractère "spontanément" et puissamment international du mouvement de 68. Vingt-cinq ans avant la globalisation, on vivait vraiment dans une dimension mondiale : Viêt-Nam, Cuba, Chine, Corée (oui, même la Corée) accompagnèrent notre imaginaire politique, de même que les évènements de mai à Paris, le massacre mexicain de la place des Trois Cultures, la contre-culture de l’"Université Libre" de Berlin, ou la bataille des Zengakuren japonais, comme en une séquence spatiotemporelle "absolue". L’information globale n’existait pas, il n’y avait qu’une seule chaîne télévisée (chrétienne-démocrate), On était loin d’Internet.

Et pourtant la référence à ce qui se passait aux quatre coins de la planète était "naturel" et normal, c’était monnaie courante. On s’informait comme on pouvait - les journaux comme Le Monde, les documents politiques disponibles ou introuvables, les intellectuels ou les dirigeants politiques eux-mêmes qui avaient voyagé et connu le monde -, les livres et, surtout, les revues. Nous découvrîmes la révolution culturelle chinoise dans un essai rouge Einaudi qui racontait l’histoire d’un village (Fanshen. Un village chinois durant la révolution culturelle), dans les résolutions publiées sur la Peking Review (ou sur sa version française, dans les articles des Quaderni piacentini et de Vent de l’Est et, sans avoir jamais visité la Chine, sans avoir presque jamais fréquenté de représentants du Parti Communiste Chinois, sans disposer de nouvelles en temps réel, nous nous sentîmes tous des gardes rouges.

Peut-être, pour nombre d’entre nous, cette identification aussi intense fut-elle comme réemprunter le chemin de Monseigneur Del Dongo, le héros stendhalien de la Chartreuse de Parme qui s’enfuit de chez lui pour suivre Napoléon, arrive à Waterloo épuisé par le voyage et s’endort pour ne se réveiller qu’une fois la bataille terminée et perdue. Nous ne savions pas qu’il n’y avait déjà plus de vrais gardes rouges en Chine au moment exact où nous les choisissions comme points de référence. Mais peut-être n’était-ce pas si important que cela. Ce qui nous plaisait, c’était l’idée que l’on pouvait essayer d’abattre la division sociale du travail entre dirigeants et exécutants, entre intellectuels et travailleurs. Ce qui nous attirait, c’était la devise maoïste "Bombardez le quartier général" - nous, ici, des quartiers généraux à mettre en discussion, des partis à débureaucratiser, des syndicats à secouer de leur routine organisée, de rentes de position à démolir, à commencer par celle des barons que nous connaissions bien dans nos Universités, nous en avions à la pelle. Si cela arrivait en Chine, pourquoi cela ne pouvait-il pas arriver ici aussi ?

Si un grand pays comme celui-là était parvenu à vaincre la faim et le sous-développement, sans réemprunter le chemin du stalinisme (l’acier et l’industrie lourde comme pivot du décollage économique, le pouvoir inexorable et incontrôlé d’une nomenklatura), pourquoi ne pas espérer à nouveau ? "Oser lutter, oser vaincre", disait une "maxime" du Grand Timonier. Dans le fond, cela voulait dire que les dégénérescences, bureaucratiques et pas seulement, de l’expérience soviétique, n’étaient pas inévitables. La "pensée de Mao-Tse-Toung", avant de devenir une formule caricaturale, représentait à nos yeux un socialisme, un pays à structure étatique socialiste qui ne renonçait pas aux transformations radicales de la société. Et l’affirmation d’un pouvoir, celui de la subjectivité dans l’histoire, qui ne devait jamais être sous-évalué.

***

De Mao, en réalité, nous savions peu de choses, et nous avions encore moins lu. Ce que nous savions de lui, cependant, était de nature à justifier l’enthousiasme, le même enthousiasme qui avait poussé le grand journaliste américain Edgar Snow à écrire Etoile rouge sur la Chine, un classique qui connut en 68 une authentique nouvelle floraison. Nous avons beaucoup aimé les courts essais, tels que l’enquête auprès des paysans du Hunan qui, pour nous, devint aussi et surtout un modèle de méthodologie - ici aussi, nous avions découvert et même expérimenté l’urgence de la véritable enquête politique et de masse, comme instrument irremplaçable de la transformation. Nous avons aimé une Anthologie qui contenait, me semble-t-il, 39 écrits et qui avait l’air beaucoup plus scientifique que le petit livre rouge ou que les opuscules de propagande.

Nous nous jetâmes sur quelques textes historiques alternatifs et dans de longs séminaires qui n’en finissaient pas où l’on discutait pour savoir si la révolution pouvait vraiment venir seulement de l’Orient et dans ce cas sans avoir clair en tête ce que nous y faisions ou s’il était vrai qu’à cette époque "la campagne attaquait les villes" et si, en somme, le prolétariat occidental était trop "riche", trop satisfait, trop intégré, pour être encore considéré comme le sujet porteur de la révolution, comme nous le disaient les marxistes américains.

Et Mao ? De lui, nous savions en tout cas qu’il avait été le leader d’une révolution qui avait, en 1949, changé la face du Monde. Qui avait été le condottiere de la "Longue Marche" - une modalité de la révolution qui semblait tout d’un coup dépasser l’alternative humiliante entre la violence concentrée du jour J et le gradualisme réformiste. Qui n’avait jamais cessé de prêcher une "ligne de masse". Qui avait misé sur un développement et sur une modernisation qui ne sacrifient pas la campagne et ne lèsent pas les paysans. Qui avait favorisé l’émancipation des femmes dans un pays où des milliards de femmes étaient la simple propriété de pères et de maris - ce slogan "L’autre moitié du ciel" n’était pas seulement très beau, mais aussi destiné à survivre - unique exemple peut-être - jusqu’à nos jours, dans notre langage politique commun et journalistique. Qui avait souhaité que "fleurissent cent fleurs".

Qui était l’adversaire le plus résolu de la domination impérialiste mondiale. Et qui, dans son parti, menait un combat sans trêve contre les "tentations bourgeoises", ces dirigeants qui, comme Deng, avaient comme priorité la modernisation plutôt que la révolution. Pour toutes ces raisons, nous vivions sa figure comme celle d’un leader "libertaire", au fond, capable de déchaîner l’initiative de masse contre les hiérarchies calcifiées, capable de mettre en discussion la sacralité du parti, capable de penser - de façon trotskiste, malgré lui - à la "révolution permanente". Je me souviens d’une chanson, exemplaire à ce propos, de Ivan Della Mea, premier titre d’un album au titre significatif "Le rouge est devenu jaune". Les premiers vers disaient : "Camarade/ Quand enfin le parti se trompe et qu’il est donné à tous d’écrire sur les murs la liberté d’interpréter le monde, de critiquer nos dirigeants, sans les tabous du passé glorieux... Camarade/ Quand ceux qui soutiennent l’idée au bout de la plume/ ceux que l’on nomme chez nous intellectuels/ éprouvent tous les jours la révolution...". Oui, il y avait un peu de tiers-mondisme qui était aussi à l’œuvre dans le coeur des "marxistes occidentaux". Et quelques tentations qui oscillaient entre populisme et idéologie people.

Etait-ce un Mao imaginaire ? Peut-être, ou en partie, ou en grande partie. Certes nous avons sérieusement sous-évalué les coûts humains - et sociaux - de la Révolution culturelle, comme nous l’avions fait pour l’échec et même la faillite dramatique du "grand bond en avant". Nous n’avons pas vu la brutalité autoritaire avec laquelle étaient réglés les comptes internes au parti. Nous ne fûmes pas capables à l’époque de prendre nos distances par rapport à des slogans tels que "le pouvoir est au bout du fusil" et nous résolûmes la question de la violence de manière un peu expéditive grâce à cet autre mot d’ordre simple et "captivant" que fut "la révolution n’est pas un dîner de gala". Mais peut-être ce Mao qui fut le nôtre fut-il surtout un extraordinaire ingrédient de nos besoins de changement, ici et maintenant, dans nos citadelles de l’Ouest : dans nos têtes, la leçon de la révolution culturelle, avec le portrait de Mao et la bataille de la "bande des quatre", se mêlaient au sacrifice du "Che" et à l’image de la petite Vietcong qui escortait le grand Marine américain fait prisonnier.

Entre l’une et l’autre il n’y avait pas de fracture, il n’y avait pas de solution de continuité - il y avait au contraire un "continuum" qui n’avait rien d’illusoire. En dépit de tout et de toutes les révisons critiques nécessaires, ne fut-ce pas la dernière occasion ? Le Grand Timonier ne fut-il pas finalement la dernière grande figure du mouvement ouvrier et communiste, capable, que ce soit ou non une illusion, de projection mondiale ? Après lui, on n’a parcouru que deux voies : le déclin mélancolique de l’Europe de l’Est et de la Russie, le développement effréné, base sur le gigantisme de la Chine actuelle avec ses millions de chômeurs. C’est pourquoi, en ce qui me concerne, l’attitude "juste" est encore celle de l’époque. De la suspension du jugement.

Liberazione, dimanche 20 août

http://www.liberazione.it

Messages

  • Bonjour,

    Je suis allé voir sur Wikipedia ce qu’est la "révolution culturelle", mes cours m’ayant laissé bien peu de souvenir. C’est une horreur.

    Il est tout à fait admirable d’être capable de regarder ses erreurs passés en face, mais de là à être nostalgique... cela me laisse sceptique.

    XavO

  • En 1965 / 1966 j’avais 17 ou 18 ans, j’étais encore lycéen et victime de fréquentes insomnies. Pour tuer le temps j’écoutais souvent les ondes courtes sur un vieux poste de radio, et le monde entrait dans ma chambre (à l’époque il y avait beaucoup moins de communications qu’aujourd’hui). C’était l’époque de la guerre froide et de l’émancipation de certains pays, comme Cuba, et aussi le tout début de la guerre du Vietnam. Chaque pays émettait en français pendant une heure chaque jour, pour faire de la propagande. J’écoutais notamment Radio Pékin en français, lorsque la révolution culturelle s’est déclenchée : je n’en croyais pas mes oreilles, je ne pouvais imaginer que c’était bien des êtres humains qui parlaient et que c’était la radio officielle d’un pays ... Tout n’était que cris, hurlements, imprécations, appels à la haine à l’égard d’un homme (Liu Shao Shi), rivalité de clans ... Je n’était pas un brillant intellectuel engagé, mais je savais que l’hystérie avait pris le pouvoir, et que les foules étaient fanatisées et manipulées ... Le seul sentiment que cela m’inspirait était la peur et le dégoût, et aussi ’heureusement que tout cela se passe si loin’ ... Tous nos brillants intellectuels qui se vantent de leur passé de maoiste en France, alors que tous n’étaient que des fils de bourgeois qui vivaient bien au chaud (il n’y avait que 10 % d’étudiants en France à l’époque), auraient pu faire comme moi pour se renseigner à la source, mais ils ne l’ont pas fait, car pour eux les mots (les jeux avec les mots) comptaient plus que la réalité. Bien entendu, lorsque je parlais de cela, on me répondait que je ne comprenais rien à la lutte des classes. Ce qui compte, ce n’est pas ce que les gens disent, c’est ce qu’ils font. De nombreux ex maoistes français se sont parfaitement intégrés dans le néo-capitalisme, comme Serge Juli, qui a fini par être le chantre de ce courant de pensée, mais il est fier de son passé de maoiste en France.

  • Je suis un maoiste français des années 60-70. Je ne suis pas un fils de bourgeois, je payais mes études universitaires. Ma mére faisait de la couture tard le soir pour compléter le salaire de mon père. Je ne suis pas resté bien au chaud. J’ai engagé ma vie à la suite de mes idées. Je suis allé voir en Chine (on n’y voyait que ce que l’on nous montrait, mais j’ai vu des choses permettant de mieux comprendre). Aujourd’hui je travaille, je suis cadre. Je ne suis pourtant pas intégré dans néo libéralisme. J’en connais pas mal comme moi. Voila quelque "je" pour tenter de relativiser l’image classique d’un des commentaires.

    Sur le fond, on a toujours en effet la nostalgie des idées de sa jeunesse. Mais il y a aussi autre chose, toutes celles et ceux (sauf une poignée d’incondiitonnels) qui ont pris l’engagement maoiste on espéré construire un autre socialisme, en prenant une référence à la Chine, mais en ne prenant pas tout. Il y avait un coté rouge et un coté noir. Aujourd’hui, comme le veut la pensée dominante, il ne circule que la face noire du socialsme : on compte les morts. J’espére toujours, j’esaie d’y contribuer un peu, que les idées justes (vocabulaire maoiste !) ne sont pas définitivement mortes et qu’un autre systéme est possible (cocabulaire alternatif) que celui dans lequel nous vivons.