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Les policiers dans un cercle infernal

Publie le vendredi 27 octobre 2006 par Open-Publishing
9 commentaires

de Laurent Mouloud

La politique répressive de Nicolas Sarkozy suscite de plus en plus d’interrogations chez les policiers. Beaucoup espèrent désormais le retour de la police de proximité afin de désamorcer les tensions.

Pourquoi Bouna, Zyed et leurs amis ont-ils couru ? Ces adolescents n’avaient rien à se reprocher. Et pourtant, à la seule vue des uniformes bleu marine, ils se sont enfuis à toutes jambes. La peur au ventre. Allant jusqu’à mettre leur vie en danger. Une course poursuite dramatique, symptôme de l’hostilité réciproque qui rythme désormais les relations entre policiers et jeunes des cités populaires. "Les contrôles incessants, les provoc’, les interpellations musclées... La police n’est pas synonyme, ici, de sécurité mais de problèmes", résume Khaled, un trentenaire, père de deux enfants. Depuis les événements de Clichy-sous-Bois, cette profonde fracture ne s’est pas résorbée. Au contraire. Les récents affrontements à Épinay ou aux Tarterêts sont venus rappeler que la situation continue de se dégrader.

Plusieurs chiffres attestent de cette tension permanente. Selon l’Observatoire national de la délinquance, les agressions contre les dépositaires de l’autorité ont augmenté de 9,2 % entre octobre 2005 et septembre 2006. Venant confirmer une tendance qui dure depuis plusieurs années. Le nombre de violences commises à l’encontre des policiers est passé de 11 422, en 1996, à près de 20 000, en 2004 ! Autre indicateur : les plaintes pour « outrages et rébellion ». En Seine-Saint-Denis, elles représentent désormais 20 % de l’ensemble des infractions reprochées aux mineurs. Un taux jamais atteint auparavant. Dans le même temps, les interventions des policiers se sont singulièrement durcies. Occasionnant des dérapages de plus en plus fréquents. En avril, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) se félicitait, pour l’année 2005, d’un recul de 5,6 % du nombre de plaintes déposées pour violences policières. Oubliant juste de préciser que ce résultat venait après des années de hausse : 517 plaintes en 2001, 560 en 2002, 611 en 2003, 724 en 2004.

« On est dans une impasse »

À l’approche des élections professionnelles du 20 novembre, les langues se délient un peu dans les commissariats. Longtemps charmés par le discours viril de Nicolas Sarkozy, de plus en plus de policiers dénoncent, aujourd’hui, les limites de sa politique exclusivement répressive. « On est dans une impasse », reconnaît sans mal Michel Jabian, du Syndicat national des officiers de police (SNOP). Constat amer. Un an après les violences urbaines, aucune leçon ne semble avoir été tirée par la Place Beauvau. Sur le terrain, le fossé d’incompréhension entre jeunes et policiers s’est encore agrandi. « Nous, on ne parle plus de risque de divorce avec les jeunes, le divorce, il est consommé depuis longtemps ! peste un gradé, vraiment inquiet. Désormais, la question est plutôt de savoir comment on va faire pour réparer les dégâts. »

Que faire, en effet ? Aux yeux de beaucoup, Nicolas Sarkozy est coupable d’avoir dissout du jour au lendemain la police de proximité. Et axé toute sa politique sur l’interpellation, avec, en toile de fond, l’exigence de « faire du chiffre ». Avec lui s’est tari le dialogue avec les habitants, les associations de prévention ou même les polices municipales. « Actuellement, on ne fonctionne plus qu’avec des brigades d’intervention, type BAC, qui font des actions ciblées, explique un gardien de la paix. Et dans les quartiers sensibles, on intervient avec l’appui des CRS qui sont juste formés pour le maintien de l’ordre. Tout ça n’est pas vraiment de nature à pacifier les relations. »

des interventions moins crispées

D’où le souhait, émis par plusieurs syndicats de policiers, dont l’UNSA-police, première organisation chez les CRS, de voir une police de proximité reprendre pied dans les cités les plus difficiles. « La police de proximité permet de mieux connaître le terrain, acquiesce Paula Bergs, responsable de la CFDT-interco. Les interventions sont moins crispées, le policier travaille avec moins d’appréhension. Cela lui permet aussi d’éviter de multiplier les contrôles d’identité, considérés trop souvent par les habitants comme un véritable harcèlement. »

Un discours qui ne fait pas encore l’unanimité. « La police de proximité ne reste qu’une technique parmi d’autres, tempère Olivier Damien, secrétaire général du Syndicat des commissaires. Notre gros souci, c’est surtout le manque de cohérence entre les différentes politiques en matière de justice, de police et de prévention. »

La question du recrutement des policiers et de leur formation joue aussi un rôle central. Actuellement, 80 % des gardiens de la paix frais émoulus de l’école de police se retrouvent parachutés en banlieue parisienne, au milieu d’autres jeunes. La plupart sont des provinciaux ne connaissant les cités que par le biais des journaux télévisés. « Beaucoup viennent chercher des galons de brigadier et savent qu’ils vont repartir deux ans après, explique un ancien commandant de la BAC des Yvelines. Il n’y a pas d’attachement ni au territoire ni aux habitants. Un jeune gardien, souvent violent en intervention, m’a un jour répondu : « Moi, je suis de Marseille, j’en ai rien à foutre de ces gens-là !.... Avec un état d’esprit comme ça, les risques de dérapage sont plus fréquents. »

Le turn over en banlieue parisienne reste impressionnant. Déracinement, coût de la vie élevé... Pour les syndicats de police, seuls un intéressement financier et des facilités de promotion permettraient de fidéliser les plus anciens dans les quartiers difficiles. Une proposition à laquelle Nicolas Sarkozy n’a jamais répondu. Comme il n’est jamais revenu sur la répartition des effectifs de police sur le territoire national. Celle-ci n’a pratiquement pas varié depuis cinquante ans. « Du coup, remarquent les sociologues Marc Loriol, Valérie Boussard et Sandrine Caroly, dans un récent article, les banlieues qui comptent le plus grand nombre d’actes de délinquance sont parfois moins bien pourvues que des départements ruraux. »

Pour notre ancien commandant de la BAC 78, Nicolas Sarkozy, avec son discours guerrier, a définitivement fait « fausse route ». « Le respect, le dialogue et la confiance sont les seules choses qui fonctionnent dans les quartiers difficiles, rappelle ce vieux de la vieille qui a effectué vingt-trois ans en brigade de nuit. La violence, elle, n’entraîne que la violence... »

http://www.humanite.presse.fr/journ...

Messages

  • La droite en place est gravement coupable d’avoir supprimé la police de proximité qui donnait satisfaction. La recherche d’une soidisant perfection est l’ennemi du bon.

    Elle est coupable de n’avoir pas prolongé les emplois-jeunes. Elle est coupable de diminuer les postes d’enseignants. Elle est coupable de traquer les quelques fraudeurs de CMU, mis sur un pied d’égalité avec des détourneurs industriels de médicaments. Elle est coupable de la poursuite de déremboursements de médicaments, en général prescrits aux personnes âgées. Elle est coupable de criminaliser la prévention médicale. Toute recherche d’examen coûteux sera désormais suspect. Elle est coupable non seulement de briser la solidarité nationale au sein de la sécu, mais aussi au sein des familles : tout ascendant ayant-droit, tout conjoint(e) est désormais un parasite en puissance. Elle est coupable d’exalter la précarité comme une vertu pour l’employeur et l’employé.

    Du jamais vu depuis 1936. Les droites avaient la décence de ne pas revenir sur les plus grandes mesures sociales.

    Face à cette droite à renvoyer dans ses foyers, il faut une gauche volontariste et qui innove sur la répartition des richesses et du travail ; et sur la prise en charge de la jeunesse, qu’elle soit blanche, noire, jaune ou rouge.

    • Proximité/éloignement de la police par rapport au peuple : c’est un très vieux débat.
      Trop proches, les policiers risquent de fraterniser avec le peuple : après tout, ils en sont proches par leurs origines et par leur niveau de vie.
      Trop loin, ils sont haïs du peuple, et d’autant plus volontiers agressés que précisément ils doivent creuser les écarts pour ne pas risquer la fraternisation.
      Assez loin pour pouvoir sévir, assez proches pour être sinon acceptés du moins tolérés, pas facile de trouver la bonne place en période de crise sociale.
      Actuellement, il semble que l’écart entre le "trop près" et le "trop loin" les oblige à marcher sur un fil !
      Pas sûr qu’il y ait une solution tant que la misère montera et que les inégalités s’accroîtront.
      MC

    • Ce ne sont pas les mêmes qui sont proches ou à distance. Ce n’est pas le même rôle. C’est pourquoi la police de proximité dans l’ensemble donnait satisfaction.

  • [Le turn over en banlieue parisienne reste impressionnant. Déracinement, coût de la vie élevé... Pour les syndicats de police, seuls un intéressement financier et des facilités de promotion permettraient de fidéliser les plus anciens dans les quartiers difficiles]

    Pour cette fonction de terrain, comme beaucoup d’autres, la poste par ex., il ne faut pas déraciner les gens. C’est une erreur. Une meilleure répartition sur le territoire national doit être envisagée.

  • la bande à Sarko croyait qu’il était possible de faire des économies sur le social, en diminuant, ou supprimant des subventions aux associations. Résultats : 160 millions d’euros de dégâts matériels. Entre nous cet argent aurait été mieux employé pour les associations sportives et culturelles, car il est impossible de faire du bénéfice sur le dos du social.

    Ensuite, il serait intéressant de décrire comment la France est perçue de l’étranger. D’après des témoignages de français à l’étranger, les chiffres de la délinquance auraient largement diminué grâce à l’action de Sarkozy, mais ces français-là voient aussi à la TV locale des bus qui ont brûlé. En tout cas la France n’est pas décrite dans sa réalité de la même façon à l’étranger. La désinformation a la vie dure.

  • En 2007 tout les citoyens français seront appelés a mettre un bulletin de vote dans l’urne, c’est a ce moment la qu’il faudra penser a tout ceci

  • Oui, bien entendu, les pôvres !

    Mais les policiers, dans leur commissariat, personne ne les oblige de passer a tabac le délinquant, non ?
    A Lyon, oui, le nombre de jeunes que l’on peut voir après une garde a vue et qui ont fait l’objet de mauvais traitement assez terrible est impressionnant.

    Personne ne les oblige a la provoc, a l’humiliation ?
    Qui oblige la police a ne controler qu’une certainr catégorie de personnes ?
    Certains ne veulent plus ? A voir tout ce que l’on sait, en tant que militant des Droits de l’Homme, je ne vois pas bien où sont les policiers qui reffusent la brutalité !
    Cet article est un peu farce, non ?
    Vous n’avez jamais vu la Bac intervenir ?
    Alliance, le syndicat majoritaire ne dit pas du tout cela.

    Soyons clair : Pourquoi les controles du métro ou de la rue ne s’adressent ils quasiment qu’aux personnes a la peau "non européenne" ? Moi, voyez vous qui suis "tout blanc" et qui a 55 ans je n’ai jamais été controlé, curieux, non ?

    Je connais un père de famille, a Lyon, dont le fils est mort tiré a bout portant, qui ne doit pas être tout a fait d’accord avec cet article.

    Bien entendu le ministre ne pousse pas au respect des Droits, chacun le sait.
    L’obeissance a des limites. On a tous le droit a désobeir.
    Que ces policiers "humanistes" se montrent. Nous serons là pour les soutenir.
    Marc

  • Je ne voudrai pas "mobiliser" la liste.
    Mais la police vient de donner une réponse semble-t-il :
    Sur le Nouvel Obs : je cite :

    Un jeune homme aurait perdu l’usage d’un oeil, après qu’un policier lui a tiré dessus. La police évoque la "légitime défense".

    Il a perdu son oeil.
    Mais tu sais bien, c’est sa faute, aussi, que faisait il dans cette rue. C’est un délinquant.
    Ah bon. Les délinquants .... bon alors, l’oeil, hein !!
    Mais justement, la "riposte" de la police était-elle justifiée a ce point ?

    La question est : dans les quartiers en difficulté, doit on avoir plus peur de la police que des délinquants ?
    Je dis OUI.
    Qui a "obligé" le policier a tirer une balle dans le visage de ce jeune ? Sa hierarchie ?
    Ou bien est une sorte de bonheur de pouvoir enfin riposter, sans mesure, sans controle dans le feu de l’action ?

    Je vous demande un peu ?
    Marc