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Zo D’Axa

Publie le mercredi 1er novembre 2006 par Open-Publishing

de Bernard Langlois

En hommage à un homme oublié, qui fut en son temps une sorte de vedette du monde médiatique de l’époque, sous le nom qu’il s’était choisi, Zo d’Axa ("Je vis en mordant", paraît-il, en grec ...).

Et pour mordre, il mordait, le bougre ! Les bourgeois, l’armée, la police, les juges, les curés et tous les faux-culs de la bonne société de son temps (fin du XIX ème) que secouaient les bombes des anarchistes. Par refus de tout embrigadement, de tout "-isme", il ne se reconnut jamais tel (anar), mais les défendit tous par la plume, qu’il avait acérée, cinglante. Dans les colonnes de L’Endehors, d’abord, qu’il avait fondé, où collaborèrent quelques autres jeunes gens aussi talentueux et révoltés que lui (dont Octave Mirbeau, Paul Verlaine, Bernard Lazare, Jehan Rictus, Tristan Bernard, Louise Michel ... excusez du peu !), tous "déserteurs de la bourgeoisie" ; puis dans La Feuille, simple recto-verso comme son nom l’indique, qu’il rédigeait seul, avec l’appui d’un grand dessin en noir et blanc en rapport avec le thème traité (aujourd’hui, il ouvrirait un blog !).

Il connut, bien sûr, plusieurs fois la prison et l’exil, sans jamais se renier. Il commit aussi quelques livres. Puis à 40 ans fit le choix de se taire, définitivement, comme dégoûté du monde et des hommes, voyagea de par le monde (allant voir de près, notamment, la révolution russe, qui ne le convainquit guère ...) avant de le quitter volontairement, d’un coup de pistolet, à 65 ans. On doit ce très beau livre, numéro double de la revue Plein Chant (1) à la ferveur de quelques admirateurs, dont la petite fille de Zo, qui fut aussi une très belle artiste (chanteuse interprète des plus grands poètes, qu’elle servait admirablement), Béatrice Arnac - qui signe quelques pages de bel hommage (petit) filial ... Une biographie de Zo d’Axa, des commentaires de ses contemporains parus dans les journaux de l’époque (même Le Figaro lui tresse des lauriers !), et surtout des textes de lui-même dont la lecture, en ces temps électoraux (élections-piège à ...), vous est chaudement recommandée.

Tiens, au hasard (tout est bon, rien à jeter) : « L’inconscience règne. Les gouvernants tablent sur ce fait, non douteux, que le peuple, habitué au joug, ne veut pas la révolution. Politiciens agioteurs, alchimistes du papier-monnaie, ils supposent que l’inévitable faillite se terminera par un concordat, et que la secousse amortie laissera l’Edifice debout. Ils sont là, piétinant sur place, tisonnant la crise. Imbéciles ! La révolution, mais on ne la fera pas exprès ! Elle résultera fatale, implacable aussi, de vos défis, de vos maladresses, d’une situation sans issue, de la force même des choses, de leur faiblesse (...)
« Qu’en sortira-t-il ? Je ne ferais pas semblant de songer à l’affranchissement, à l’émancipation d’une classe plus spécialement que d’une autre, perverties qu’elles sont toutes par le manque de simplicité, le goût des verroteries, du clinquant et des cinémas tombés dans le roman-feuilleton. Rien de très beau à espérer. Etant donné ce que sont les hommes, tous les hommes que nous connaissons - nous compris, il ne sied pas d’anticiper au-delà du bouleversement, vengeur des mensonges d’un monde. Qui vivra verra. Vivons donc : action, parole ou silence. Question d’heure, cas individuel. Et le moins sottement possible ... »

C’était en 1921. A l’occasion d’une mise au point parue dans le Journal du Peuple, où l’on avait écrit sur lui, « l’indépendant sans épithète », quelques inexactitudes (laissant entendre que son silence depuis de longues années cachait quelque reniement) qu’il eut à cœur de corriger : « Ça n’a aucune importance. Mais, par ces jours de victoire, souffle un tel vent de servitude, se faufilent tant de nouvelles vertus, que me taire ne suffirait peut-être pas à me préserver de l’honneur de figurer comme repenti. Le silence, un instant rompu, me sera léger tout à l’heure d’être modestement nu. »

Tant de grâce, tant de bonheur dans l’expression de la révolte la plus radicale : un maître, vous dis-je.

(1) Béatrice Arnac d’Axa, Jan dau Melhau, Zo d’Axa l’Endehors, Plein Chant 81-82, 288 p., 20 euros. (Plein Chant, 05 45 81 93 26)

October 31st, 2006

http://lemondecitoyen.com/2006/10/31/zo-daxa/