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Assassinat à Bagdad d’un humoriste irakien

Publie le mardi 5 décembre 2006 par Open-Publishing
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1° Du champ et de l’extension du rire dans le cas "spécifique" de l’Irak

Dans un article du 30 novembre, Le Monde nous rapporte l’assassinat advenu dix jours plus tôt de Walid Hassan Djahaz, comédien-vedette de sketches rigolos sur la chaîne Al-Sharquiya (On voudra bien, pour connaître plus-avant les circonstances de ce tragique événement, se reporter à l’article concerné : "Rire et mourir à Bagdad", -http://www.lemonde.fr/web/article/0... ) .

Le journal souligne toute la terrible dangerosité qu’il y a à se vouloir humoriste en Irak : En vérité, on s’en doutait déjà. Nous n’allons pas entreprendre illico comme on s’y attendrait une défense de nos "confrères" humoristes et de leur art dans ce pays engagé dans la folie meurtrière que l’on sait. Chaque mort est là-bas sans doute aussi injuste et consternante qu’une autre. Nous laisserons à chacun d’établir donc pour soi son propre jugement et son analyse sur la question précise, compte tenu des circonstances particulières et compte tenu de l’opposition peut-être irréconciliable entre un système "local" de vérité supposément close (ou avec du moins des zones religieuse ou politique interdites à la plaisanterie) et, en face, un système de vérité supposément ouverte, sur le modèle "démocratico-occidental" qui nous est à tous plus familier, et qui laisse a priori d’énormes latitudes.

L’occasion qui nous reviendra à nous ci-après sera plutôt d’engager la réflexion sur l’humour en général, at home, sur sa fonction et sur ses limites (Contrairement à ce qu’on présage d’ordinaire, il n’est pas prouvé que ce soit tellement aisé).

2. Du champ et de l’extension du rire dans notre "démocratie", ici, dans l’hexagone : le politique, le religieux, l’antiracisme, la cause féminine...

En France, on a en théorie le droit de tout dire, comme soutiennent la plupart, du moment que c’est à intention de faire rire (ou même seulement sourire, et même quand ca râte son coup et que ça ne fait pas marrer du tout). Cette affirmation fondamentale est à peu près juste, à condition de préciser que le champ d’application du truc porte pour l’essentiel sur l’espace politique ou public où nous avons chacun en matière de rigolade une sorte de droit tribunicien autorisé, coutumier. Ce droit couvre aussi chez nous la chose religieuse, mais avec moins d’aise notamment dans les modalités.

En dehors de cela, la loi protège bien sûr et fort heureusement la sphère privée, vous n’avez pas le droit de moquer exagérément le voisin à son préjudice, de proférer des ordures sur la voisine, vous n’avez pas légalement le droit de débiter des menteries sur sa progéniture et en particulier sur sa fille aînée. Bref, la malveillance, l’insulte, etc. sont punies par la loi. Les droits de l’homme se sont aussi impliqués fortement dans l’affaire pour vous faire comprendre que la blague ou l’esprit ne permet pas de fouler certains principes supérieurs : Vous avez certes le droit d’être très con dans vos éructations malines, mais pas d’être con "et" raciste dans la foulée.

Ces choses dûment précisées, on n’a peut-être pas encore dit l’essentiel. L’humour est libre, ok ! mais même en dehors de la prudente considération de la loi, nous affirmons que tout ne ne peut pas être dit.

Ocséna ne pense pas qu’il soit forcément utile, ni forcément légitime, serait-ce au nom d’un principe aussi important que celui de la liberté d’expression, qu’il soit porté atteinte pour le simple bonheur du bon mot au plus intime de l’autre, à ce qui constitue hic et nunc sa culture, sa foi, son intime conviction, sa chair.

A cet égard, nous nous étions sur ce point clairement situés à distance de l’opération des "Caricatures" et de ses apparentes finalités.

Non, on ne peut pas TOUT dire, même quand personne n’est là pour vous interdire. En France, dieu sait si on a de la marge ! : On peut se moquer de la mort (Il est vrai que l’humour transmute dirait-on un peu les choses.) On a des exemples de formules très réussies : Ainsi de Santini, aux obsèques de Mitterrand : "On n’en avait pas fait autant pour celles de Giscard d’Estaing."

Mais si l’on se moque de la mort, voire du mort, (Cf. aussi le fameux "Bal tragique à Colombey = 1 mort" de Hara Kiri pour le décès du général de Gaulle. Où était évoqué aussi, avec le tact d’Hara Kiri, une tragédie en même temps dans une discothèque), on ne connaît pas d’humoriste s’étant jamais moqué de la mort d’un enfant.

Où se vérifie qu’un principe poussé jusqu’à son extrêmité (l’absolue liberté de soi) conduirait bien souvent à une absurdité faite contre tous et contre soi.

Bref, il y a des interdits juridiques, il y a aussi des auto-interdits faits à soi-même qui sont d’un ordre différent. Il y a aussi relevant conjointement de ces cas de figures mixés, pas forcément très balisés mais actifs voire superactifs, des justes "causes" très actuelles et des notions, faites, à faire, ou se faisant, de politiquement, socialement, moralement correct.

Car il nous font en venir pour finir à la "cause féminine".

3. De l’humour et de la grande cause des femmes

Cette cause qui est du registre fort de l’Ocséna, c’est à dire de sa vocation, pose qu’on le veuille ou non, un peu ou beaucoup le problème des limites de l’humour -et, dans le même mouvement, du jusqu’où de ces limites. Nous posons ici les termes d’un débat récent, interne à l’Ocséna, où chacun-chacune peut de l’extérieur apporter son éclairage.

L’usage établi en France depuis deux ou trois cents ans est de faire de l’esprit sur les sexes et même bien sûr sur le sexe lui-même. Le cul, quoi ! Il y a du trivial, du lourd, du baveux, du globuleux, de l’assez mauvais en général mais pour tous les goûts. Il y a des fois des jolies choses, de l’humour pour l’humour pas si mauvais que ça. Parfois même de l’humour allant dans le sens possible voire très militant du progrès. Ces considérations à dominante esthétique ne sont toutefois pas au centre du problème. Le gros problème c’est que toute notre littérature surtout celle du début XXe véhicule une image datée, passée, et dépassée, le plus souvent préjudiciable à la femme.

Exemple des choses qui collent plus du tout : "Quand elles ne savent plus quoi faire, elles se déshabillent, et c’est sans doute ce qu’elles ont de mieux à faire." Eh bien, c’est du Samuel Beckett (pas rien pourtant ! ), ça pue son parisianisme, son germano-pratisme, sa société mondaine. Ca sent encore son théatre de boulevard bourgeois, sa société de classe. etc, etc. C’est assez odieux et ça peut s’appeler, oui, du sexisme, c’est à dire quelque chose qui discrimine et détermine en causant du tort. On a pris ici un exemple pas des pires.

Les modérateurs de nos e-journaux sont chargés d’écarter les cas évidents. Normalement ceux-là se voient de loin. Que fait toutefois le modérateur devant cette formule de Timsitt ? que nous citons de mémoire ; "Je vais offrir un aspirateur à ma femme, c’est connu les femmes adorent les aspirateurs ? La formule est au second degré, elle se moque en réalité des certitudes machistes.

On ferait bien de moins engueuler par méprisable vanité nos modérateurs d’Indy ou de Bellaciao qui arrivent à se tenir en état fonctionnel sans céder à la grosse complaisance d’un côté et sans céder au syndrôme non moins facile du Fouquier-Tinville de l’autre. Que c’est délicat et méritoire, une vigilance intelligente !

On se rappelle avoir vu a contrario un site dont on taîra par simple humanité le nom mettre à la poubelle sous anathème cette formule qui a fait pourtant le tour de France : "La grande différence entre le show bizz et la politique, c’est que les politiques eux se dispensent, à tort, de la lippo-succion." Un artiste du ciseau avait trouvé là du sexisme.

Il y a des intégristes chez nous aussi, je peux vous l’assurer, prêts à enrager face au fameux "Aquarelle les jeunes filles" d’Alexandre Breffort.

Plaisanterie à part, vous nous avez compris sur le problème, avez-vous quelque chose à en dire pour le profit commun ?

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Les pensées zaz de l’Ocséna

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