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L’Empire Romain trébuche... alors, il se tourne vers l’Iran et la Syrie

Publie le vendredi 8 décembre 2006 par Open-Publishing
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L’Empire Romain trébuche. C’est ce que dit en une phrase le rapport Baker. Les légions ne peuvent pas imposer leur loi sur la Mésopotamie.

de Robert FISK

De la même façon que Crassus a perdu les étendards de ses légions dans les déserts de Syrie-Irak, c’est ce qui est arrivé à George W. Bush. Il n’y a aucun Marc Antoine pour sauver l’honneur de l’empire.

La politique "ne marche pas". "Effondrement" et "catastrophe" - des mots entendus maintes fois dans le sénat romain - ont été enchâssés dans le texte du rapport Baker. Et tu, James ?

C’est aussi le langage du monde arabe, qui attend toujours l’effondrement de l’empire, la destruction du monde occidental sûr qui lui a fourni argent, armes et soutien politique. Au départ, les Arabes avaient confiance dans l’Empire Britannique et en Winston Churchill, puis ils firent confiance à l’Empire Américain et à Franklin Delano Roosevelt et ensuite aux administrations de Truman et d’Eisenhower et enfin à tous les autres hommes qui donneraient des canons aux Israéliens et des milliards aux Arabes - Nixon, Carter, Clinton, Bush...

Et, à présent, on leur dit que les Américains ne sont pas en train de gagner la guerre : qu’ils sont en train de la perdre. Si vous étiez arabe, que feriez-vous ?

Soyez-en sûr, il ne se pose pas cette question à Washington ! Le Moyen-Orient - d’une telle importance (soi-disant) dans la "guerre contre la terreur" - en soi, un mythe - ne compte pas vraiment pour la Maison-Blanche. C’est un district, une carte, une région, tout aussi amorphe que le croissant de la "crise" que l’administration Clinton a inventé lorsqu’il a voulu débarquer ses troupes en Somalie.

Comment en sortir ? Comment sauver la face ? Voilà la question. Que les gens qui vivent là-bas aillent au diable : les Arabes, les Irakiens, les hommes, les femmes et les enfants que nous tuons - et que les Irakiens tuent - chaque jour !

Remarquez comment nos "porte-parole" en Afghanistan reconnaissent désormais les femmes et les enfants morts dans les bombardements aériens de l’Otan comme si c’était plutôt en règle de massacrer ces innocents parce que nous sommes en guerre contre ces affreux Taliban.

Une partie de ce même état d’esprit est arrivé à Bagdad, où les porte-parole de la "coalition" - de temps en temps - bondissent aussi devant les preuves vidéos en acceptant qu’eux aussi tuent des femmes et des enfants dans leur guerre contre la "terreur". Mais ce sont les condamnations à l’impuissance qui vouent les empires à leur perte. "La capacité des Etats-Unis à influencer les événements en Irak diminue". Il y a un risque de "glissement vers le chaos [sic] [qui] pourrait déclencher l’effondrement du gouvernement irakien et une catastrophe humanitaire".

Mais cela n’est-il pas déjà arrivé ? "Effondrement" et "catastrophe" sont présents quotidiennement en Irak. La capacité de l’Amérique à "influencer les événements" a été absente depuis des années. Et contentons-nous de relire la condamnation suivante : "La violence s’accroît en envergure et en mortalité. Elle est nourrie par une insurrection arabe sunnite. Milices chiites, escadrons de la mort, al-Qaïda et criminalité généralisée. Le conflit sectaire est le principal défi à la stabilité".

On retourne en arrière ? Où étaient cette "criminalité généralisée", ce "conflit sectaire" lorsque Saddam, notre criminel de guerre préféré, était au pouvoir ? Que pensent les Irakiens à ce sujet ? Et comme il est caractéristique que les médias américains se soient immédiatement précipités pour entendre le point de vue de Bush sur le rapport Baker - plutôt que la réaction des Irakiens, ceux qui font les frais de la tragédie que nous avons nous-même infligée à la Mésopotamie.

Ils apprécieront l’idée selon laquelle les soldats américains devraient être "insérés" dans les forces irakiennes - il n’y a pas si longtemps, c’était la presse qui devait être "insérée" avec les Américains ! - comme si les Romains avaient été prêts à mettre leurs légions au milieu des Goths, des Ostrogoths et des Visigoths pour assurer leur loyauté.

Ce que les Romains ont fait, bien sûr - et que les Américains ne feront jamais - fut d’offrir à leurs sujets la citoyenneté romaine. Toutes les tribus - en Gaule, en Bithynie ou en Mésopotamie - qui tombèrent sous la loi romaine devinrent citoyens de Rome. Qu’aurait pu faire Washington avec l’Irak s’il avait offert la citoyenneté américaine à tous les Irakiens ? Il n’y aurait eu aucune insurrection, aucune violence, aucun effondrement ou catastrophe, aucun rapport Baker. Mais non. Nous avons voulu donner à ces gens les fruits de notre civilisation - pas la civilisation en elle-même. De cela, ils étaient privés.

Et le résultat ? On attend des nations que nous étions censés haïr - l’Iran et la Syrie - qu’elles nous sauvent de nous-mêmes. "Etant donnée la capacité [sic] de l’Iran et de la Syrie à influencer les événements et leurs intérêts en évitant le chaos en Irak, les Etats-Unis devraient essayer de discuter [sic] avec eux de manière constructive".

J’adore ces mots. En particulier "discuter". Oui, "l’influence de l’Amérique" diminue. L’influence de la Syrie et de l’Iran s’accroît. Cela résume assez bien la "guerre contre la terreur". Je me demande bien s’il y a déjà eu une réaction de la part de Lord Blair de Kout al-Amara ?


Les stratégies

La commission Baker a pris quatre options en considération, qui ont toutes été rejetées :

1 - Fuir

Baker pense que cela causerait un désastre humanitaire, tandis qu’al-Qaïda se développerait encore plus.

2 - Tenir bon

Baker reconnaît que la politique actuelle des Etats-Unis ne marche pas. Environ 100 Américains meurent chaque mois. Les Etats-Unis dépensent 2 milliards de dollars par semaine et ont perdu le soutien du public.

3 - Envoyer plus de soldats

Un accroissement du niveau de soldats étasuniens ne résoudrait pas la cause de la violence en Irak. La violence se rallumerait tout simplement dès que les forces étasuniennes partiraient.

4 - La dévolution régionale

Si le pays se séparait en régions chiite, sunnite et kurde, cela conduirait au nettoyage ethnique et à des déplacements massifs de population.

Baker laisse entrevoir une cinquième option - "Une transition responsable" - dans laquelle le nombre des forces étasuniennes augmenterait pour soutenir l’armée irakienne le temps qu’elle prenne la responsabilité principale des opérations de combat. Ensuite, les troupes étasuniennes diminueraient lentement.

© 2006 Independent News and Media Limited / Traduction JFG-QuestionsCritiques

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