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Lettre à Clémentine

Publie le dimanche 17 décembre 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Clémentine,

Je viens de lire ici l’un de vos articles sur la dernière couverture du journal "Regards" A propos de votre article sur la dernère couverture du journal "Regards". Je ne pense pas que la couverture de "Regards" soit une préoccupation profonde des milieux populaires et je crois qu’il est nécessaire de se préoccuper du rassemblement des gens plutôt que des polémiques que pourraient susciter telle ou telle représentation de responsables politiques ? Le politico-centrisme de la plupart des dirigeants politiques n’est franchement pas ma tasse de thé . Je ne chercherai pas de polémique sur cette couverture, après tout, peu m’importe si le montage fut intentionnel ou pas...Tout cela me semble tellement insignifiant et éloigné des vrais problèmes que vit notre peuple.

Je me suis prononcé dans mon collectif anti-libéral pour la candidature de Marie-George Buffet en raison de la conception qu’elle défend de la politique, dans laquelle justement on ne passe pas son temps sur l’image des hommes ou des femmes politiques. Je suis personnellement très attaché à la réflexion sur la société du spectacle comme évolution contemporaine du capitalisme et à ce titre je pense qu’une réflexion comme celle de Guy Debord nous interpelle avec pertinence. Ce qui m’intéresse est le fait que la dirigeante communiste propose une révolution de la politique dans la pratique quotidienne à l’opposé du spectacle, de ses formes sentimentalistes et de séduction qui ne font guère appel à la réflexion et donc à l’egagement citoyen. Ainsi ce qui me motive, c’est que le mouvement anti-libéral puisse devenir un mouvement moins centré sur lui-même pour qu’il s’adresse aux milieux populaires et aux salariés afin de créer cette gauche populaire majoritaire et anti-capitaliste. Le PCF a eu ce courage de travailler au delà de ses propres rangs en respectant ses partenaires, en construisant avec eux et je ne peux accepter les procès qui lui sont faits ici et là. Je juge sur les faits et non sur ce que certains disent du PCF en ressassant des vieilles querelles, des rancoeurs du passé, qui ne feront en rien avancer le mouvement anti-libéral.

Si demain dans les collectifs un courant se confirmait pour votre candidature je serais parmi ceux qui favoriserait un consensus même si je n’ai pas voté pour vous. Mais pour qu’il y ait consensus il faut que toutes les parties fassent un effort et que chacune ne se sente pas laisée. Or ce qui s’est passé le week-end dernier a pu provoquer chez de très nombreux militants communistes comme chez d’autres acteurs non communistes de notre rassemblement, ce sentiment d’être laisé, de ne pas être vraiment pris en compte. Il faut que chacun mesure cela si nous voulons avancer. Je pense qu’aujourd’hui il faut aller jusqu’à trouver le meilleur accord possible dans le respect de chacun et sans dramatisation, dans l’écoute et le partage.

Cependant, il me semble, que les contradictions même si elles ne sont pas antagoniques (Ce qui est objectivement le cas entre les forces et les individus qui composent le mouvement anti-libéral puisqu’aucun n’appartient à la classe capitaliste que je sache) , que ces contradictions donc, ne trouvent pas toujours de solution dans l’immédiat, qu’elles doivent être confrontées à la pratique sociale pour se résoudre. Or l’expérience nouvelle du mouvement anti-libéral est encore bien jeune et encore trop centrée sur elle même pour me semble-t-il déboucher sur des compromis qui satisfassent tout le monde. En même temps prenons garde de ne pas décevoir la majorité même si la méthode préconisée est celle du consensus. Car des compromis qui ne seraient pas pris en compte par le plus grand nombre, risqueraient d’ être préjudiciable à la nature même du rassemblement.

Il faut donc garder la tête froide, apporter sa confiance aux gens qui se mobilisent dans les collectifs qui sont capables de faire vivre la diversité et aussi d’en mesurer les limites lorsque certaines pratiques risquent de mettre l’identité de chacun en péril. Car si un seul individu se sentait atteint dans sa propre identité, comment aurait-il la motivation pour s’engager dans la bataille anti-libérale ? Le rapport individu/collectif est essentiel et fondamental car il s’agit de dépasser le vieux rapport de classe qu’implique le suivisme ou le culte de la personnalité pour aller vers un rapport d’une qualité nouvelle où chaque individu se sent co-auteur du mouvement et co-responsable, ou chaque individu exerce pleinement sa citoyenneté. Le système de l’élection présidentielle de la Vème république est à ce titre une machine de guerre contre la démocratie, avec le phénomène de personnalisation de la candidature elle s’attaque frontalement à tous ceux qui tentent autre chose dans le domaine de la représentativité politique.

L’une des solutions est à mon avis ce que préconise le PCF à savoir l’indispensable pratique politique sur le terrain, dans les quartiers populaires, les entreprises avec ceux qui s’apprêtent à s’abstenir, avec ces gens du peuple exaspérés qui pourraient voter Le Pen, avec tous les démocrates qui ne se résignent pas à une société dominée par l’argent. Ces citoyens ont autant de légitimité que vous et moi à donner leur avis sur une politique de gauche populaire et anti-capitaliste. Et c’est en suscitant leurs avis, en les associant à notre travail que nous créerons une majorité. Cette majorité en devenir n’a besoin ni d’un parti d’avant-garde, ni d’un mouvement guide, mais d’une pratique de la citoyenneté qui se construit avec l’apport des différentes sensibilités à l’image de ce que nous avons commencé à entreprendre et qui a ouvert un espoir qu’il ne faut pas décevoir.

Pour leur part, les adhérents du PCF sont appelés à apprécier la situation et à voter mercredi. Chacun devra tenir compte de ce vote, à l’intérieur du PC et à l’extérieur, avec sa conscience et sa volonté d’avancer en pensant d’abord à ceux qui souffrent du capitalisme chaque jour.

Enfin, une suggestion pour une prochaine couverture de Regards qui semble vouloir faire dans l’imagerie religieuse : que l’on voit cette fois-ci le ou la candidate du mouvement antilibéral en Christ chassant les marchands du temple. La symbolique anti-capitaliste me semblerait bien plus pertinente en comparaison à la dernière couverture que vous avez publiée !

Bien fraternellement,

Jean-Paul Legrand

http://creil-avenir.com

Messages

  • Très bonne analyse...

    J’espère sincèrement que Clémentine respectera le choix des collectifs...et suara se montrer unitaire jusqu’au bout...

    Mathilde, Greboble.

  • Je ne pense pas que la couverture de "Regards" soit une préoccupation profonde des milieux populaires et je crois qu’il est nécessaire de se préoccuper du rassemblement des gens plutôt que des polémiques que pourraient susciter telle ou telle représentation de responsables politiques ? (…)Tout cela me semble tellement insignifiant et éloigné des vrais problèmes que vit notre peuple.

    Oui, mais pourquoi adresser ces remarques judicieuses à la réponse à une polémique, plutôt qu’à ceux qui ont lancé la polémique (sur ce site et ailleurs, depuis plusieurs jours) ? Si on ne répond pas, ça prouve que les critiques étaient justifiées, si on répond, ça prouve qu’on est éloigné des préoccupations profondes et des vrais problèmes des milieux populaires, donc les « polémiqueurs » sont gagnants à tous les coups. Passons…

    Le PCF a eu ce courage de travailler au delà de ses propres rangs en respectant ses partenaires,

    « Si la LCR (...) s’étaient totalement engagés dans ce processus, aurait-il été possible pour le parti que notre rassemblement soit incarné par Besancenot (...) ? Sommes-nous incapables de comprendre que ce problème est valable pour d’autres que nous ? » (question de Pierre Zarka, toujours sans réponse à ce jour)

    Cependant, il me semble, que les contradictions même si elles ne sont pas antagoniques (…) ne trouvent pas toujours de solution dans l’immédiat, qu’elles doivent être confrontées à la pratique sociale pour se résoudre. Or l’expérience nouvelle du mouvement anti-libéral est encore bien jeune et encore trop centrée sur elle même pour me semble-t-il déboucher sur des compromis qui satisfassent tout le monde. En même temps prenons garde de ne pas décevoir la majorité même si la méthode préconisée est celle du consensus. Car des compromis qui ne seraient pas pris en compte par le plus grand nombre, risqueraient d’ être préjudiciable à la nature même du rassemblement.

    Oui, l’expérience nouvelle du mouvement anti-libéral est encore trop jeune pour que la candidature de la secrétaire nationale d’un parti, même (ou justement parce que ?) le plus gros, puisse être un compromis acceptable et ne soit pas préjudiciable à la nature même du rassemblement.

    L’une des solutions est à mon avis ce que préconise le PCF à savoir l’indispensable pratique politique sur le terrain, dans les quartiers populaires, les entreprises avec ceux qui s’apprêtent à s’abstenir, avec ces gens du peuple exaspérés qui pourraient voter Le Pen, avec tous les démocrates qui ne se résignent pas à une société dominée par l’argent.

    « ce que préconise le PCF à savoir l’indispensable pratique politique sur le terrain », ce n’est pas ce que préconisent tous ceux qui s’engagent dans les collectifs ? Nos textes communs ? La démarche que les collectifs s’efforcent de mettre en oeuvre ? Dommage de terminer cette contribution sur une telle marque de suffisance.
    zepg