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Multiples tentatives de recycler le traité

Publie le samedi 20 janvier 2007 par Open-Publishing

de Rosa Moussaoui

Europe . La candidate socialiste plaide pour un nouveau référendum en 2009. Tout en entretenant l’ambiguïté sur la teneur du texte qui serait soumis aux électeurs.

D’un côté, un électorat de gauche qui s’est massivement porté sur le « non » à la constitution européenne. De l’autre, une candidate socialiste qui avait défendu avec ferveur le « oui » en 2005. Après avoir paru un temps dépasser ce clivage en ralliant à elle des partisans du « non » à la faveur d’un flou savamment entretenu, Ségolène Royal a reposé mercredi la difficile équation européenne qu’elle prétend résoudre. « Je souhaite que le peuple français soit à nouveau saisi d’un référendum en 2009 », a-t-elle déclaré à la sortie d’un entretien avec le premier ministre luxembourgeois de centre-droit, Jean-Claude Juncker. La date idéale, aux yeux de la candidate socialiste, pour ce nouveau référendum : juin 2009, en même temps que les élections européennes. En avançant l’idée d’une consultation populaire, Ségolène Royal cherche à se distinguer du candidat de l’UMP, qui plaide pour un « mini-traité » centré sur les questions institutionnelles et soumis à la ratification du Parlement. Problème : l’ambiguïté reste entière, dans les déclarations de celle qui jugeait encore il y a quelques semaines la constitution européenne « caduque », sur le contenu du texte qui serait ainsi remis sur la table. « Il faut un traité qui permette aux institutions de fonctionner », a-t-elle simplement avancé, jugeant indispensable que « des solutions soient trouvées » au premier semestre 2008, alors que la France assurera la présidence tournante de l’UE.

Une renégociation pourtant prévue dans le projet du Ps

Sur la même longueur d’onde que le Parti socialiste européen, qui souhaite que la « substance » du traité constitutionnel soit sauvegardée et que le « oui » des pays qui l’ont ratifié soit respecté, la candidate socialiste a ajouté qu’elle ne souhaitait pas voir les Français « pénaliser les pays européens qui se sont prononcés ». Une précision qui ne devrait pas manquer de nourrir l’inquiétude de ceux qui refusent l’opération de résurrection initiée par Bruxelles au lendemain des « non » français et néerlandais. Consciente de s’engager sur un terrain miné, Ségolène Royal a d’ailleurs pris soin d’avancer la vaporeuse perspective d’un « volet social » pour que « les droits des travailleurs soient pris en considération ». Elle a également réitéré ses critiques à l’endroit de la Banque centrale européenne, suggérant d’intégrer la croissance et l’emploi, et non plus seulement la stabilité des prix, dans ses objectifs. Mais sans remettre en question l’indépendance de l’institution, qui fait aujourd’hui seule la pluie et le beau temps en matière de politique monétaire. En définitive, la candidate socialiste s’est gardée de proposer une refonte ou une renégociation de la constitution européenne à laquelle les électeurs Français ont opposé un « non » sans appel, à 54 %. La perspective d’une telle renégociation est pourtant inscrite dans le projet du Parti socialiste, qui exclut « une ratification du traité constitutionnel européen tel qu’il a été rejeté le 29 mai, même s’il est accompagné d’un nouveau préambule ».

Merkel chargée de sortir l’UE "de l’impasse"

Cette inflexion européenne de la candidate socialiste n’intervient pas par hasard. La veille, s’exprimant devant les eurodéputés, la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays assure depuis le 1er janvier la présidence tournante de l’Union, a mis en garde contre « l’échec historique » que constituerait selon elle l’incapacité des vingt-sept à se doter d’une constitution d’ici 2009. « Avec les règles actuelles, nous savons que l’UE (...) n’a pas la possibilité de prendre les décisions nécessaires », a prévenu la dirigeante conservatrice, chargée, d’ici juin, d’établir une « feuille de route » pour « sortir de l’impasse ». Le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, a lui aussi appelé à « dissiper les doutes des citoyens », jugeant que « Nice », le traité qui régit actuellement le fonctionnement de l’Union, « n’est pas suffisant ». Parallèlement, les ministres espagnol et luxembourgeois des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos et Jean Asselborn, dont les pays sont les deux seuls à avoir ratifié la constitution par référendum, ont clairement plaidé pour une relance de celle-ci dans une tribune publiée mardi par le quotidien britannique The Independant. « Le traité constitutionnel est sans l’ombre d’un doute le meilleur outil dans notre musette. S’il n’existait pas déjà, il faudrait l’inventer », ont-ils fait valoir à dix jours d’une réunion à Madrid des représentants des 18 pays qui ont ratifié le texte.

Ce tir de barrage, parfaitement orchestré, laisse augurer de la teneur du processus de « relance » que l’Allemagne est chargée de définir, et que la France est censée conduire à son terme à la mi-2008. Un calendrier qui fait dire aux partisans d’une exhumation de la constitution européenne que rien n’est possible avant les élections présidentielle et législatives françaises. Leur voeu le plus cher : que ces scrutins ne réaniment pas le débat de fond sur les conséquences des orientations libérales de l’Europe, qui avait secoué l’Hexagone de fond en comble au printemps 2005.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2007-01-19/2007-01-19-844264