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VERS UNE "AUTRE DEMOCRATIE"

Publie le vendredi 26 janvier 2007 par Open-Publishing

VERS UNE "AUTRE DEMOCRATIE"

Une brève introduction pour baliser le trajet.

Christian DELARUE

Il n’est pas possible d’expliciter l’intégralité du volet "démocratie" du Manifeste d’ATTAC dans le temps imparti . Même en supprimant le temps de débat, ce que je ne souhaite certainement pas faire , ce ne serait pas possible tant la question démocratique est vaste. La commission " démocratie " d’ATTAC a fournie un immense travail et certain nombre d’analyses sur la démocratie réellement existante, ses méfaits et ses limites. Certains membres ont de plus dégagé des éléments de rupture en vue d’une "autre démocratie". Je vais inscrire mon propos dans cette vision . Le corpus initial a été présenté à l’Université d’ ATTAC à Poitiers l’été dernier. La plupart des textes sont sur le site d’ATTAC France ou sur d’autres sites. Ma tâche introductive lors de cette séance sur ce thème va alors consister à introduire la problématique générale à l’aide d’un diaporama qui se veut plus pédagogique, plus "collé" aux terminologies. Je laisserai le soin à Jean TEZENAS de présenter ensuite le thème de la démocratie dans l’entreprise. Le thème de la démocratie en Europe - ce que je nomme "gouvernance européenne" - est abordé dans un autre atelier.

1 - Préliminaire spécifique : Altermondialisme et altermondialisation.

Tout d’abord il convient d’avoir à l’esprit que l’altermondialisme signifie deux choses qui vont ensemble mais qu’il faut distinguer : le but qui est un autre monde, une autre Europe, une autre France et les processus sociaux concrets convergents vers cette perspective. L’ensemble ne forme pas un programme élaboré " par en haut " et mis en application par un parti discipliné à cette fin mais un projet non exhaustif, " non bouclé ", construit collectivement " en avançant " par l’action et le débat.

S’agissant de notre thème, j’ai appelé alterdémocratie constitue le but recherché et démocratisation le processus qui conduit à cette autre démocratie citoyenne et populaire. Dés lors, la " généralisation de l’intervention citoyenne " évoquée par le Manifeste relève alors plus du moyen à proposer que du but. Cette généralisation mérite d’être précisée en notant qu’elle implique des changements structurels profonds, une révolution multiforme.

Sur ce point, pour construire un autre monde, le Manifeste d’ATTAC propose de " scier les principaux piliers du néolibéralisme " ; ce qui signifie d’abord rompre avec trois logiques profondes du capitalisme que sont la financiarisation du monde, l’appropriation privée des moyens de production (sans la supprimer partout), la distribution des biens et services par le marché nécessairement sélective et inégalitaire car fonction de la demande solvable. Il ne s’agit pas de supprimer totalement le marché mais de réduire sa place et son influence qui place, via la concurrence généralisée et la " main invisible " du marché, les forces du profit avant tout et notamment des firmes multinationales au lieu et place d’un espace de décision démocratique pour le peuple et les citoyens ordinaires. L’alterdémocratie suppose aussi cette appropriation sociale.

Mais cela signifie aussi rupture avec les institutions politiques et administratives qui reproduisent le mode dominant de gestion-distribution du pouvoir et des pouvoirs. De nombreux changements à engager concernent les institutions du pouvoir d’Etat, du pouvoir décentralisé, du pouvoir répressif pénal et policier, du pouvoir d’influence idéologique médiatique.

2 - La démocratie, c’est le pouvoir populaire !

Le terme de démocratie a connu plusieurs définitions et s’est vu accompagné d’adjectifs divers venant préciser le type de démocratie évoqué. A s’en tenir à la racine, démocratie signifie pouvoir du peuple. Une définition forte qui oblige à engager une réflexion à la fois sur le pouvoir et sur le peuple. Le pouvoir dans les sociétés modernes se décline en deux sphères problématiques : le pouvoir d’Etat et les pouvoirs dans la société civile. A ce stade je dirais qu’on ne saurait l’envisager que d’un bout, soit du seul côté de la société civile, soit du côté de l’Etat. Par ailleurs on se trouve devant deux gros monstres problématiques - la nature de l’Etat et la division Etat/société civile - qui ne vont pas être abordé ce jour et qui pourrait donner lieu à une formation plus pointue. Quant au peuple, il est le sujet collectif de la démocratie comme le sujet de l’émancipation altermondialiste. Il est possible ici de déblayer le terrain . D’autant que le terme ne figure pas dans le dictionnaire Alter. Patrick TORT inscrivait le peuple dans un rapport social dirigeant/dirigé, qui est plus large (car non réduit à la sphère étatique) que le rapport plus classique entre l’élite gouvernants et la masse populaire gouvernée. Pour les altermondialistes, le peuple est sur un territoire donné l’ensemble de la population résidente y compris celle d’origine étrangère. Un premier niveau de complexité est à souligner si l’on introduit la notion de citoyenneté puisque l’oligarchie peut être citoyenne tout en n’étant pas ou plus "du" peuple selon l’acception sociologique. Un deuxième niveau de complexité survient par compaison avec des notions proches : multitudes, masses, société civile, mais aussi "couches populaires" (qui ne comprend dans une société de classes que les catégories sociales les plus basses : ouvriers et employés par exemple). Le diaporama ne contient pas ces dernières précisions comparatives.

3 - La démocratie libérale

Si l’idéal démocratique recoupe la formule de A Lincoln du " gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple "alors il est aisé de remarquer que notre démocratie actuelle en est loin, très loin. Le peuple n’y est "souverain’ qu’en dernier ressort . Nous vivons dans une démocratie " peau de chagrin ", très restreinte voire rabougrie tant dans le temps que dans son domaine d’exercice et ses modalités. Le domaine d’exercice de la démocratie représentative consiste seulement à élire des représentants dans le champ politique. Les modalités de ce choix sont très encadrées par les grands appareils d’influence idéologiques qui réduisent de milles façons la portée du geste démocratique. Quant au temps démocratique, il est ridicule au regard du temps travaillé et du temps de récupération de la force de travail comme du temps consacré à la consommation marchande. Le temps aliéné et exploité est largement supérieur au temps ou l’on peut entrevoir en filigrane de l’acte démocratique " la maîtrise de son destin ". La démocratie est de fait confisquée par une minorité qui gère le processus démocratique en le mettant sous tutelle ainsi que le dit le Manifeste. On pourrait alors dire qu’il s’agit d’une démocratie bourgeoise, c’est à dire bénéficiant à une classe, à une oligarchie à condition de dire aussi qu’elle est une longue conquête ouvrière (du mouvement ouvrier français en tout cas) . Une contradiction qui pèse plus dans un sens que dans un autre mais qui permet aussi d’affirmer que la démocratie est à la fois manipulation et point d’appui . Elle est donc par nature conflictuelle (cf contribution "Démocratie et pouvoir"). Il ne s’agit donc pas seulement de critiquer une " démocratie formelle " pour la faiblesse de ce qu’elle affiche dans ses textes fondamentaux, bien que ce soit nécessaire. Il s’agit aussi de critiquer les processus d’appropriation du fait démocratique par des couches sociales précises, élites politiques, élites médiatiques, dirigeants économiques le tout sur fond de crise sociale qui accentue la dépossession populaire.

Pour sortir de ce type de démocratie confisquée par une minorité - qui est plus une classe possédante qu’une aristocratie (des meilleurs) - il nous faut maintenant dessiner à grand traits cette autre démocratie et faire des propositions qui organisent une transition vers elle.

Auparavant un détour critique s’impose par l’explicitation 1 de la démocratie représentative et 2 de la démocratie participative.

* La démocratie représentative : conceptions et critiques

La démocratie représentative organise dans un même mouvement une médiation - le système de représentation - et une séparation, celle de la société civile et de l’Etat . La représentation se conçoit sous deux formes - le représentation-incarnation et la représentation-commission (cf contribution et diaporama) dont l’une et meilleure que l’autre mais même dans ce cas nous sommes encore dans un cadre restreint .

* Les avatars modernes de la démocratie représentative : Face aux critiques scientifiques de la représentation et au discours sur la "crise de la représentation" deux axes de réforme sont apparus : l’un par le bas plaide pour la gouvernance, l’autre par le haut fait oeuvre d’inventivité via la démocratie participative.

* La gouvernance néolibérale tend à substituer la démocratie représentative par l’institutionnalisation de lieux de décisions ou interviennent des experts, des élus (qui ne sont pas le cadre de leur mandat direct), des réprésentants de la société civile qui sont des patrons, des syndicalistes, des représentants religieux, des associatifs. L’intégration des délégués syndicaux dans ces instances notamment au niveau européen est un danger pour les syndicats, d’autant que sévit parallèlement partout dans le monde une forte répression contre les syndicalistes de terrain.
* La démocratie participative se conçoit à côté de la démocratie représentative pour l’améliorer . Elle vise à soumettre aux débats des citoyens des dossiers qui ne le sont guère.

Béquille ou point d’appui pour une transition ? La démocratie participative est l’objet d’un enjeux : soit elle ne reste qu’un complément - de surcroît aisément instrumentalisé par les élus – de la démocratie représentative, soit elle subvertie son cadre et permet non seulement une participation à la co-décision mais aussi un dépassement vers autre chose. La démocratie participative s’inscrit alors dans un cadre global plus vaste de démocratisation générale de la société. J’ai tendance à penser ce processus comme l’aboutissement d’un mouvement de contestation sociale qui débute " en contre " d’abord puis peu à peu s’émancipe et tend à vouloir prendre en main son destin dans tous les champs sociaux.

4 - Nous voulons une "autre démocratie" !

Les choix démocratiques peuvent porter non seulement sur des individus titulaires de mandats mais sur des stratégies d’investissement productif au niveau national ou régional. Modifier la nature des mandats et élargir le champ de l’intervention aux procédés de planification d’un alerdéveloppement (principalement producteur de valeur d’usage et moins de valeur d’échange) constitue deux ruptures franches avec la démocratie bourgeoise. On remarquera par rapport aux passages du Manifeste qu’il ne s’agit pas simplement de reconquérir les pouvoirs conquis jadis puis perdu avec la gouvernance néolibérale, un peu comme si un âge d’or démocratique avait précédemment existé. Il ne s’agit pas plus de se réapproprier un passé que le peuple n’a jamais conservé hors des rares périodes révolutionnaires.

5 - Les différents thèmes sur la démocratie .

Ils figurent sur le 4 pages avec plusieurs "mesures" qui sont autant de points à approfondir . Jean TEZENAS va introduire le thème de la démocratie en entreprise.

Christian DELARUE
Membre de la commission nationale " Démocratie " d’ATTAC