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PENSER "ROYAL", VIVRE BOURDIEU !

Publie le dimanche 11 février 2007 par Open-Publishing
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Dans le panégyrique du soutient de personnalités culturelles, scientifiques ou « philosophiques » qui sont apportées aux candidats aux présidentielles françaises, la pré attente du programme socialiste s’est vue adjuger la participation de l’intellectuel - en est-ce un encore ? - Edgar Morin. On s’étonne d’un tel choix mais ce n’est pas anodin lorsqu’on connaît la teneur de sa pensée toute acquise à la social-démocratie et de rejeter du même coup la profondeur du sens que donnent les bourdieusiens dans leur appel à voter Bové !

Ce parti pris qu’Edgar Morin inflige à la campagne politique n’est-il pas la conséquence d’une subdivision issue de l’enseignement universitaire parachevé récemment par le parti pris socialo centriste de l’Unef sociale dans le procès de Naïma à Nanterre (1) dans lequel, sous l’effet de la réforme et de l’embourgeoisement effectué par la classe dominante, nous retrouvons également les laissés pour compte du capitalisme qu’incarne une volonté farouche (de plus en plus administrative) à tenir de côté le marxisme devenu trop influent dans la limitation des inégalités qu’il serait - a toujours été devrait-on même dire - susceptible d’apporter dans la régulation de la fuite des capitaux qui nourrissent les paradis fiscaux ?

Se voulant prophète à la place du prophète, Edgar Morin montre à nouveau la meilleure manière qu’il y aurait à se tromper de camp et ne risque pas de s’attirer les éloges et les louanges des intellectuels marxistes toujours aussi réticents à favoriser la substitution de professionnels politiques nés d’une classe sans fondements si ce n’est celui de s’être attelé au pouvoir par d’insignifiants anathèmes du genre « nous sommes la moins mauvaise des solutions » tout en limitant par ailleurs le véritable achèvement du communisme marxiste léniniste tel qu’il se défini dans les caractéristiques particulières qu’il émet sur les thèses capitalistes.

Dans ce choix, Morin me rappelle l’encore plus sordide Raymond Aron capable d’écrire un pavé sur Marx sans à aucun moment citer une seule fois le mot « outil » ce qui présuppose une préalable dépossession certainement volontaire ou tout au moins inconsciente dans l’édification de la pensée dominante du moyen de production de la force de travail déjà toute acquise aux capitalistes tout puissants, l’ouvrier n’existant depuis longtemps plus, devenu objet marchandise du système capitaliste !

Certes, Edgar Morin n’est pas de cet athéisme philosophique qui reste la meilleure solution intellectuelle pour ne pas sombrer dans des préceptes intégristes et favoriser une forme de domination quelconque, fut-elle du ciel !

Le savoir bourdieusien conduisant à d’autres devoirs nous voyons dans la différenciation d’Edgar Morin une illusion de plus à mettre dans les valises socialistes qui restent étatiquement distants de la Charte d’Athènes et de la possibilité concrète qu’il y aurait à changer le monde tout simplement en faisant le choix politique qui lui corresponde le mieux !

Au lieu de s’en prendre au « mythe du progrès » Morin aurait dû entamer un progrès intellectuel capable d’opérer une formidable révolution dans la pensée mondiale que ne peut traduire l’adhésion à une Politique des civilisations qui reste la marque inconditionnelle d’une main mise gouvernementale sur l’ensemble de la planète et passer ainsi à la régression tant redoutée d’un totalitarisme. Qu’il soit de droite ou de gauche dans les formes dominantes des représentativités politiques actuelles importe peu puisque les moyens et les buts que ces politiques mettent en avant et développent restent limitées à l’ordre mondial (moral) soutenu de toutes parts, nuancé de ci de là par de souhaitables modifications, histoire de faire plus social mais sans jamais rendre au cours des évènements la socialisation de l’histoire qui serait nécessaire à toute évolution réelle. Ainsi nous pouvons reprendre en considération tous ces mouvements marxistes qui furent les moteurs d’une histoire qui ne s’est jamais traduite politiquement puisque, qu’ils furent paysans ou ouvriers, ces mouvements se firent toujours déposséder de leurs luttes par des représentants de la classe sociale qu’ils défendaient mais qui finalement finirent par devenir plus désireux de prendre la place du pouvoir à leurs ennemis qu’à réaliser in situ le matérialisme historique à tel point que l’intelligentsia de gauche s’appuie même sur la polémique autour de la restauration du capitalisme pour mieux le justifier, inévitable cela va sans dire dans la bouche des sociaux - démocrates !

C’est un peu facile de parler comme le prétend Morin d’un échec du marxisme alors que celui-ci reste le prisonnier d’une traduction erronée du terme communisme qui n’y est encore jamais arrivé pour cause de frauduleuses traductions qui le firent tourner de sens dans ce qu’il fut au départ à savoir un socialisme démocratique avec en supplément la volonté contemporaine de ne pas le dépasser et de continuer de s’y fier ! Rejoindre l’hystérie « Royal » - et c’est peu dire aux vues des cris de fureur qui accompagnent ses meetings - constitue une tragédie supplémentaire dans la pensée marxiste et cherche à maintenir dans son erreur, coûte que coûte, le marxisme bien mal utilisé dans ses maigres tentatives d’application économique.

Par l’ « homogénéisation des identités » socialistes en Europe nous constatons bien l’établissement d’un capitalisme à deux vitesses, l’une supérieure de dangers à droite, l’autre inférieure dans les profits à gauche qui ont toutes deux pour conséquence de nous éloigner plus encore un communisme balayé de l’orthodoxie étatique qui l’empêche d’éclore autrement que par des mouvements minoritaires qualifiés par défaut d’alter mondialistes alors qu’ils constituent le dernier pallier pour arriver à instaurer une société sans classes et supposent une révolution contre la pensée socialiste autobloquante comme elle le peut.

Certes, l’homo sapiens ne connaîtra toujours que « la préhistoire de l’histoire » si politiquement ne lui sont pas donnés les moyens communistes pour s’élever vers son humanité. C’est-ce que semblent dire les Partis communistes européens signataires de la Charte d’Athènes fortement soutenus par une Gauche Européenne Verte Nordique bien qu’elle ne soit que minoritaire n’en traduit pas moins pour autant une aptitude à penser différemment les choses tant au niveau des organisations économiques qu’à celui de la répartition des richesses, sur le nucléaire les positions sont pourtant moins tranchées…

Il n’est pas question de condamner les choix idéologiques d’Edgar Morin ni de remettre en cause ses affinités spirituelles avec certaines formes de pouvoir. Il vit en homme libre mais il revient quand même d’en soulever les motivations politiques qui traduisent ma foi une pensée socialiste vieillissante et c’est bon signe en vue du changement politique attendu non content de perdurer encore longtemps dans une fonction systémique du capitalisme qui bien qu’elle soit appelée à devenir socialiste n’en affecte pas moins l’ensemble !

Edgar, la notion de pardon à laquelle tu fais référence dans ton Éthique pour nous attirer vers la « sauce démocratique » ne passera pas ! Ce socialisme, éclairé ou non, n’est qu’une barrière supplémentaire destinée à maintenir une classe représentative en peine de majorité au pouvoir et ne constitue en rien un épanouissement. Ce choix les bourdieusiens ne l’ont pas fait, pour des raisons de lucidité politique, qualité qui diffère plus que sensiblement de la recherche d’une appartenance à une forme d’engagement politique majoritaire dans lequel finalement on n’en saurait le moins possible et où l’on ferait dire plus volontiers que le communisme c’est le socialisme démocratique au lieu de chercher à faire comprendre que ce socialisme démocratique en fait voile le communisme censé le dépasser…

(1) « L’Unef-PS remplit son rôle de mouchard et de gendarme du monde étudiant, rôle qu’elle endosse après celui de fossoyeur des luttes » peut-on lire dans l’Unef au service de la répression !

Messages

  • Ecrire sur le ton de l’évidence : "la profondeur du sens que donnent les bourdieusiens dans leur appel à voter Bové !" est faire vite en besogne. Sur quoi se base ichlo pour écrire cela ?
    On pourrait tout d’abord se demander avec Patrick Champagne ce que signifie être "bourdieusien", parce qu’il y a "ceux qui le sont sans le savoir -sans doute plus nombreux qu’on ne le pense- , ceux qui le proclament mais ne le sont pas, ceux qui le sont mais ne voudraient pas l’être, ceux qui ne peuvent pas le dire bien qu’ils le soient, etc." (p.100, revue Sciences humaines, n° spécial, 2002).
    Plutôt que "bourdieusien", ne ferait-on pas mieux de parler d’une école de sociologie bourdieusienne. Et si l’on prend en compte les membres des comités de rédaction, conseil scientifique et rédacteurs associés de la revue Actes de la recherche en sciences sociales fondée par Pierre Bourdieu, on ne compte même pas sur les doitgs d’une seule main ceux qui parmi eux ont signé un appel à voter Bové.
    Par ailleurs, si on lit les deux textes publiés sur le site de Raisons d’agir (association fondée par Bourdieu) consacrés à l’analyse de la situation politique actuelle, on cherchera en vain un quelconque appel à voter Bové.
    Que Bourdieu ait été présent à Millau au cours de l’été 2000 en soutien à l’action de Bové sur le démontage d’un MacDo ne signifie pas qu’il aurait aujourd’hui voté Bové. De même, que Raoul Marc Jennar fasse aujourd’hui référence à Bourdieu dans l’un de ses derniers textes ne s’apparente qu’à une simple instrumentalisation.
    Cela dit, pour ma part, je suis assez d’accord avec ce qu’écrit Alain Accardo dans sa préface de janvier 2006 à "Introduction à une sociologie critique/lire Pierre Bourdieu", éditions Agone :

    "Compte tenu des classements imposés par le champ politique, Boudieu était bien sûr "de gauche". Mais il appelait de ses voeux et travaillait à la formation d’une "gauche vraiment de gauche". Tout le monde a bien compris qu’il récusait par là la fausse gauche, la gauche de gourvernement dite "plurielle", la seconde gauche, la gauche-caviar, la gauche bobo, la gauche sociale-libérale, bref ce conglomérat de couches moyennes et d’organisations mollement réformistes et vigoureusement opportunistes qui obstrue aujourd’hui les voies d’un changement véritablement démocratique. Tout le monde a bien compris qu’il prônait une démarche de rupture avec la logique du système capitaliste. Mais l’objectivisme économique, qui plombe la pensée du social à gauche presqu’autant qu’à droite, a empêché la plupart d’entrer davantage dans les vues du sociologue et de comprendre que les structures du monde social à combattre sont à la fois externes et internes, d’où l’appel insistant de Bourdieu à la réflexivité et à l’auto- socioanalyse. En d’autres termes , la sociologie bourdieusienne nous conduit à considérer que toutes les Bastilles existent toujours doublement, dans le monde où nous habitons et dans celui qui nous habite, et qu’il faut s’attaquer aux murailles qui sont en nous tout autant qu’à celles qui se dressent devant nous, parce qu’elles ne forment toutes ensemble qu’une seule et même forteresse, celle de l’ordre établi".