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La candidature de Bové est-elle utile ?

Publie le samedi 24 février 2007 par Open-Publishing
6 commentaires

Miguel Benasayag : « La puissance du contre-pouvoir »

Cher José, il est devenu difficile, ces derniers temps, de te parler directement. Je t’adresse donc ces quelques réflexions dans les pages de Témoignage chrétien. Elles correspondent, je le pense, à des questions que se posent un certain nombre de ses lecteurs. J’ai appris que tu venais de prendre une décision assez banale : tu te présentes à la présidence de la République. Je t’écris donc cette lettre comme à un ami cher qui s’est mis dans un sale pétrin.

Tous les cinq ans, pour l’élection présidentielle, nous voici sommés de penser là où l’on nous dit de penser. Le reste du temps, faites ce que bon vous semble, laissez vos voisins crever de froid, des écoliers se faire passer des menottes et renvoyer vers la Roumanie ou le Mali, ne vous posez pas de questions sur l’avancée du progrès technique, la dévaluation de la pensée, du débat, de la culture. Laissez-faire car vous aurez l’occasion de retrouver bonne conscience, le moment venu, en assumant votre devoir fondamental : plier une petite feuille en deux et la déposer dans une boîte en plastique.

C’est à cet instant précis qu’il vous faudra exercer votre liberté de citoyen. Nous devons constater que cette propagande fonctionne à merveille. Tout le monde prend très au sérieux ce grand moment du politique. Votez Royal, Sarkozy ou Bayrou et votre vie, soudain, basculera, si ce n’est la société entière. Or, nous devons constater que nos sociétés sont particulièrement dévitalisées, habitées par la tristesse et la peur. Il est d’autant plus facile de profiter de ces faiblesses, de ces failles pour imposer des cadres stricts, rassurants, notamment en amenant les moments du politique à être de plus en plus codés et réglementés.

Tout ce qui relève de la multiplicité, de l’expérimentation, de l’initiative populaire, de l’action spontanée et des perspectives à long terme, tout cela dérange. Avec l’élection présidentielle, on peut enfin mettre de l’ordre : le moment de la vraie bonne politique bien propre est arrivé. Un chef, un programme et l’avenir s’ouvre. La question qui se pose à nous, membres de l’alternative, face à ta candidature, José, est donc la suivante : quelle doit être notre attitude face au pouvoir institutionnel ? Il semble important d’analyser les rapports entre politique représentative et contre-pouvoir en laissant derrière nous le préjugé simpliste selon lequel si l’on fait de la politique, à la base, c’est que l’on s’oppose à la politique représentative. Il y aurait, d’un côté les dangereux amateurs et, de l’autre, les compétents. Il s’agit là d’un faux débat.

Non, on ne devient pas sérieux et responsable parce que l’on entre sur le terrain électoral et que l’on aspire à occuper les lieux de pouvoir. Il y a une consubstantialité entre le pouvoir politique et tout ce qui épaissit le lien social. Surtout, l’expérience a montré que le lieu du pouvoir central, de la représentation, était largement impuissant à changer les orientations fondamentales de la société ou à résoudre les graves problèmes d’une époque. Impuissance qui n’est pas due à une méchanceté ou à une corruption quelconque, mais au fait que la représentation est justement représentation de la chose et non la chose elle-même. Or, à force, on a fini par croire que la carte était le territoire et que le territoire devait s’effacer devant la carte. Or, si l’on veut agir sur le territoire en ne cherchant qu’à modifier la carte, l’impuissance est inévitable.

Le lieu de la politique représentative reste le lieu d’une simple gestion de la complexité et des antagonismes qui ne peuvent être polarisés de façon trop radicale. En revanche, le lieu de la puissance est celui du développement de multiples processus à la base, qui, eux, peuvent résoudre des problèmes et émettre des hypothèses théoriques et pratiques. Il ne faut pas accepter cette vision selon laquelle le contre-pouvoir s’opposerait au pouvoir. Il est le lieu d’une revitalisation du champ social. Pas tous les cinq ans, tous les jours. Le contre-pouvoir est le lieu où l’on prend au sérieux la longue durée, les démarches collectives, l’apport de la diversité des expériences et de la multiplicité des points de vue. Il nous faut attendre des représentants politiques qu’ils accompagnent ces dynamiques et en tirent le meilleur. Rien de plus, rien de moins. Non, ce n’est pas depuis l’Élysée ou Matignon que l’on peut « changer la vie ».

L’Histoire l’a démontré. En devenant candidat à l’élection présidentielle, cher José, tu quittes cette logique du contre-pouvoir dont tu avais contribué à démontrer toute la richesse. Et tes récentes déclarations sur la nécessité d’occuper le pouvoir pour résister à la pression néo-libérale ou ton appel à voter Ségolène Royal au second tour démontrent que tu auras du mal à sortir du piège dans lequel tu t’es jeté. Oui, en te présentant à cette élection, tu t’es bel et bien mis dans le pétrin. Et moi avec. Car si je reste persuadé que tu as fait le mauvais choix, je serai bien obligé de t’apporter ma voix. En fidélité à nos combats menés pour renforcer les lieux du contre-pouvoir.

Miguel Benasayag est philosophe, psychanalyste et professeur associé à l’université Lille III.

Témoignage Chrétien du 22 février 2007

Messages

  • Peut-être ne faut-il pas lui donner votre voix, pour être sûr qu’il continue à donner toutes ses forces à la lutte, aux contre-pouvoirs !

    frémi

  • Y a peut-être une autre question également très importante c’est : Dieu existe-t-il ? Ca aussi c’est métaphysique.

  • Miquel, j’ai compris le message :

    Avec Bové tu as choisi par amitié de renforcer le contre-pouvoir depuis l’intérieur d’un pétrin. nous, le peuple, on est depuis la naissance dans un grand pétrin, mais on s’organise pour en sortir. On a compris, comme disait Marx, que quand la quantitié des contre-pouvoirs est suffisante ça devient un pouvoir.

    On a aussi compris les dangers de récupération, de dévoiement de ce nouveau pouvoir à tous les stades de sa construction. L’histoire récente est pleine d’exemples à ne pas suivre. Et puis la télé et les sondages, tout est tellement plus facile. Tu offres un sac de riz, tu gagnes 3 points, tu fais un calin à un handicapté 4 points, tu aides un jeune chômeur à creuser la tombe de son père 5 points, tu sautes à l’élastique 6 points. Et toi tu sautes sans élastique !

    Miguel, avant d’aller te faire pétrir par amitié dans ce que tu appelles un piège à antilibéraux,
    Viens chez nous, on a trouvé une boulangère qui veut et qui sait multiplier les pains !

    Giltor

  • Incohérence

    Le philosophe fait la démontrastion de l’inutilité du vote J. Bové mais termine par la conclusion : je vote J.Bové. L’argument avancé : amitié. Alors pourquoi toute cette démonstration. Cela dit, C’est son droit de voter pour qui il veut mais le droit n’annule pas l’incohérence du philosophe.
    M.El Bachir

    • Cet argumantaire c’est du pipeau !

      L’amitié ne justifie pas de gâcher nos voix au premier tour en choisissant cette candidature de division. C’est pour Marie Georges Buffet que les communistes d’une part et les partisans d’une gauche populaire et antilibérale doivent soutenir.

      José est un bon syndicaliste paysan que j’ai plaisir à entendre mais son opération politique (avec l’entourage d’opportunistes et d’anticommunistes et même de communistes devenus anti-partis) risque de plomber le premier tour !

      Ne vous laissez pas voler le premier tour : Tous unis avec Buffet dans l’unité !

      BIBI (33)

  • Utile au libéralisme et il le sait le moustachu à la très grosse tete