Une consolation ; Vous auriez pu être Séguéla.

de Jean-Yves DENIS

Comme moi, sans doute, vous vous sentez soudainement lourd, comme figé, devant le desastre qui est en train de se passer, devant ses chiffres accablants, 31% Sarkosy, 10% Le Pen, presque la moitié des français pour une France plus dure, plus policière, plus musclée, plus impitoyable.

Il n’y a pas grand chose à dire pour se consoler, parce qu’il n’y a plus beaucoup d’arguments pour nous convaincre nous même que nos idées sont justes, puisque à priori la majorité préfère le talon d’acier, la force brutale, la loi du gorille dominant contre les mammifères sociaux.

On est des perdants. Des loosers. La droite peut se moquer.

Elle ricane mais sa morgue triomphante m’inspire plus de pitié que de colère.

Comme d’habitude, la victoire de la droite, c’est la victoire du renoncement et de la médiocrité.

Mais il y a quand même un motif de consolation.
Cela aurait pu être pire.
Vous auriez pu être Jacques Séguéla.

Un souvenir, Séguéla, c’est la gauche Caviar, la gauche qui réussit, la gauche de la publicité.
La gauche Mitterrand quand le PS était un produit gagnant, compatible avec Tapie.
Un souvenir, Séguéla, c’est le socialisme en vente chez Carrefour, c’est déjà dans les années 80 le triomphe du slogan débile qui prime sur les idées de fonds.

"Génération Mitterrand".

Alors qu’aujourd’hui Le Pen savoure d’avance sa victoire idéologique, qu’il espère totale en appelant ses fidèles à l’abstention au second tour afin de mettre la pression sur Sarkosy pour lui arracher la décision de mettre en oeuvre les proportionnelles aux législatives, Séguéla a choisit son camp.

Celui de Sarkosy.

Pour mieux vous convainvre que vous valez, en tant que looser communiste, mille fois mieux que ce type, j’ai repris certaines de ces déclarations, pour vous montrez ce qu’il en coute d’être toujours dans le camp des gagnants.

Quelques rappels des déclarations de Séguéla :

"Mon pronostic du coeur, c’est Ségolène. Mais j’ai beaucoup de tendresse pour François Bayrou. Il a du courage, et depuis 1990 il est habité par la volonté d’être président. C’est cela qui fait les grands présidents. Ce ne sera peut-être pas cette fois-ci, mais il aura sa chance pour deux ou trois élections. Il a des valeurs saines. Il est d’en France. Je ne devrais pas dire ça, mais il est au-delà du marketing"

C’était au salon du livre à l’époque où Bayrou était un produit marketing gagnant.

Depuis, le marché a changé, et le court de Sarkosy est au plus haut.
Séguéla est un capitaliste pragmatique, et il sait comment changer ses slogans de pubs, s’adapter au marché :

"J’ai voté Ségolène, j’ai voté Mitterrand en fait. J’ai voté Ségolène, je suis content de l’avoir fait. J’ai attendu jusqu’à la dernière seconde. Ségo m’a fait rêver, et Sarko l’a fait".

Sans rire, Séguéla déclare avoir fait un choix "humain, économique et sociétal".

"Sociétal", voyez vous ? C’est comme "social", mais en Sarkosy, c’est comme la distinction entre "Egalité" est "Equité".

Mais il donne le fond de sa pensée gagnante ici, en indiquant clairement comment il voit la politique, comme une course de chevaux, comme une vente au enchères ;

"Je pense que François Mitterrand doit se retourner dans sa tombe quand je vois qu’à une semaine de l’élection Emmanuelli est en train de lancer un parti progressiste. Alors que tout le monde devrait se mobiliser parmi les gens de gauche pour essayer de faire réussir leur candidate, ils sont en train de se diviser eux-mêmes. Et vous voulez qu’avec ce parti de branquignoles on arrive à relancer la France ? . Je pense simplement que celui qui a le plus de chances de nous remettre sur les rails, c’est pas le tracteur de Bayrou, c’est pas la charrette de Ségolène Royal, c’est la Formule-1 de Nicolas Sarkozy"

La formule 1, la course au chevaux, c’est bien la même rhétorique Le Peniste.

Interrogé sur la possible accusation de traîtrise dont il pourrait faire l’objet, Séguéla répond :

"Dans une élection présidentielle on est toujours le traître d’un Français sur deux. La France va avoir un sursaut . Je ne veux pas être dans l’opposition au moment où ce coup de rein va être donné , je veux aider celui qui me semble a le plus de chances pour faire avancer la France. Je veux l’aider à ce que la France réussisse. Moi je ne vote pas Sarkozy, je vote France".

C’est assez clair, soyons toujours du côté des gagnants.
Qu’importe le produit, pourvu que les ventes soient bonnes.

Franchement, vous ne vous sentez pas un petit peu mieux depuis que vous savez que vous n’êtes pas Jacques Séguéla ?