Accueil > La reconversion, hantise des danseurs et défi du milieu

La reconversion, hantise des danseurs et défi du milieu

Publie le vendredi 5 mars 2004 par Open-Publishing

Reconversion ! Hantise des danseurs qui, à peine au faîte de leur carrière, doivent raccrocher les chaussons. Les interprètes sont démunis pour affronter ce virage auquel rien ne les a préparés. Cette étape professionnelle, qui a généralement lieu à l’âge de 34 ans, va faire l’objet d’une enquête, demandée par le Centre national de la danse (CND) au département des études et de la prospective, dont les résultats ne seront pas connus avant 2007.

"Il faut intégrer dans le parcours des danseurs, dès le départ, l’idée de ce changement majeur,assure Agnès Wasserman, du Centre national de la danse. Cette pensée doit même structurer la formation. On sait déjà qu’un seul métier ne suffit plus pour avoir un parcours viable. On a souvent aussi une vision étroite de la reconversion, limitée à celle de professeur, ce qui n’est pas possible pour tout le monde. Il faut ouvrir les possibilités en invitant les danseurs à développer un double projet, chorégraphique et personnel."

La tâche est énorme. Il n’est pas encore dans les habitudes des interprètes d’anticiper une réorientation qui a un goût de fin de carrière. "La reconversion est encore presque un sujet tabou, s’exclame Claire Burnet, 37 ans, danseuse contemporaine, aujourd’hui naturopathe. Lorsque, à 30 ans, on est déjà une "vieille danseuse", qu’on vous a élevée à penser la danse comme un sacerdoce auquel vous allez consacrer votre vie, il est quasiment impossible d’envisager la reconversion. Le danseur vit dans un carcan sous la coupe d’un chorégraphe et finit par ne plus savoir quelle est sa juste valeur d’être humain. Lorsqu’il se prend en main pour plonger dans sa deuxième vie, il lui faut tout construire tout seul. L’effort psychologique est énorme." Pour entreprendre ses études de naturopathie, Claire Burnet s’est battue : congé individuel de formation d’un an financé par la compagnie, travail personnel, investissement financier.

Dans l’étude publiée par le ministère de la culture sur la profession de danseur, les interprètes en voie de reconversion évoquent différents motifs à leur virage professionnel : un changement de centre d’intérêt lié à un certain désenchantement, des problèmes de santé (blessures, fatigue liée à l’âge), l’instabilité de l’emploi intermittent, les difficultés financières.

Nombreux sont ceux pour qui la reconversion semble être synonyme d’autonomie personnelle et sociale. "En découvrant la médecine chinoise et l’acupuncture, j’ai trouvé un équilibre dans ma vie de danseuse et pu prendre les rênes de ma vie, confie Anne-Cécile Douillard, 32 ans, interprète chez Marion Ballester et en deuxième année de formation au Centre d’études traditionnelles chinoises. Lorsqu’on est danseur, on est sans cesse dans l’attente : des auditions, d’être sélectionnée, de plaire, d’être gardée. Rien ne dépend de nous. Aujourd’hui, je n’ai plus de comptes à rendre qu’à moi-même."

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3246,36-355478,0.html