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Vitry-sur-Seine, rendez-vous de ceux qui n’iront pas à Avignon

Publie le mercredi 11 juillet 2007 par Open-Publishing
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de Jean-Pierre Thibaudat

Chaque été en contrebas de la gare de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), alors que dans les off avignonnais la bataille des affiches, tracts et autres parades bat son plein, au lieu dit "Gare au théâtre" convergent bon nombre de ceux qui se rassemblent sous la bannière "Nous n’irons pas à Avignon".

Ce mot d’ordre drôle, rassembleur et qui fait mouche, a été génialement inventé il y a bientôt dix ans par le maître des lieux de Gare au théâtre, Mustapha Aouar.

Chaque jour de juillet, c’est comme dans le off du plus célèbre festival du Sud-Est : les spectacles se succèdent toutes les heures et l’insonorisation des lieux n’est pas parfaite.

Sauf que, à Gare au théâtre, les salles sont belles et grandes, sauf que le créneau horaire n’est pas loué à prix d’or par des troupes pourtant fauchées (et qui en sortent souvent endettées), sauf que, sur le chemin qui monte vers le hall de Gare au théâtre, où vous attendent d’agréables zakouskis sans parler du restaurant au premier étage, poussent des jolis brins de menthe entre les pierres et ça on ne le voit jamais dans la fournaise du off avignonnais.

Bref, c’est comme là-bas, sauf que ça n’a rien à voir. Cependant les cas de figure se répètent.

Il y a le spectacle que l’on rate parce qu’on arrive trop tard et dont on vous dit grand bien. C’est le cas cette semaine de "Itinéraires-Gens de l’eau" par la compagnie Fabrica teatro, basée à Montreuil, une mise en scène de Mayleh Sanchez que l’on pourra voir en octobre au Théâtre du soleil, à la Cartoucherie.

Il y a le spectacle dont le titre intrigue mais qui déçoit l’attente que l’on mettait en lui, c’est le cas de "Idi Amin Dada", qui aurait pu s’appeler "Tartempion" et qui s’égare dans la confession fourre-tout d’un fils de mai 1968 mis en scène par l’auteur, Carlos Tinoco.

Il y a le spectacle que l’on attendait et qui est annulé au dernier moment, c’est le cas d’un spectacle de la compagnie Le Nautile qui devait présenter un travail sur des textes de Georges Bataille mais qui, semble t-il, n’a pas eu les droits.

Il y a le spectacle que l’on voit parce que l’on aime bien l’auteur, Louis Calaferte, qu’on ne connaît pas cette pièce : "Clotilde du nord" et on en sort ravi. C’est l’une des premières pièces de l’auteur, un "putain de monologue", comme disait un spectateur en allant reprendre le RER, un peu prévisible mais drôlement ficelé. Dans une chambre d’hôtel avec lit circulaire, l’homme (Karin Lagati) parle à la femme (une étrangère) avec laquelle il file le parfait amour depuis plusieurs semaines et claque pour elle un fric fou. La femme (Aurore Monicard) dans le lit l’écoute, ne dit rien, et, jusqu’au bout, ne dira rien. Seuls un râle, le tremblement d’une jambe et des larmes montées aux yeux de son visage chaviré diront sa détresse. Car l’homme, tout glamour qu’il soit, se révèle, on s’en doutait un peu, être un maquereau qui va mettre son cher ange sur le trottoir, par amour bien sûr, et devant le peu d’enthousiasme de la déjà victime, devient menaçant. Eberluée mais amoureuse, contrainte et forcée tout autant, la jeune femme finit par se lever, s’habiller et se maquiller les lèvres, toujours sans dire un mot. La force du monologue tient dans le déséquilibre de la situation, entre l’homme qui parle trop et la femme qui se love puis se mure dans le silence. Corps contre mots.

"Clotilde du nord" est un spectacle de la compagnie Ringolevio créée l’an dernier pour monter cette pièce mise en scène par Sarah Doignon, qui a joué des textes de Didier-Georges Gabily et participé au collectif 347. Le spectacle est co-réalisé avec la Générale de Belleville, un squat artistique de haute qualité et un lieu de spectacle formidable actuellement en grand danger (la mairie de Paris veut les expulser) et qui fait circuler un pétition de soutien (Contact : celielsa@wanadoo.fr).

Il y a enfin le spectacle ajouté à la dernière minute, c’est le cas d’un récital de poésies de Garcia Lorca dites, le mot est faible, chantées serait plus juste, bref mises en rythme en chuintements, en murmures et en sanglots par Mustapha Aouar lui-même, non seulement maître des lieux (il préfère qu’on l’appelle "aiguilleur permanent") mais fameux parleur.

Tous ces spectacles sont à l’affiche jusqu’au 8 juillet, la semaine suivante d’autres prendront le relais et ainsi de suite jusqu’à la fin du mois.

Jusqu’au 29 juillet. Programme détaillé sur le site

http://www.gareautheatre.com ou au 01 55 53 22 26.

(Rue 89)

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