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Caen : des chômeurs de retour sur les planches

Publie le mardi 20 avril 2004 par Open-Publishing

Treize femmes et un homme jouent Brecht à la Maison de l’étudiant

Tout le week-end, les comédiens amateurs ont répété la pièce mise en
scène par François Lecour et Esther André, de la compagnie « Comme s’ils
marchaient la nuit ».

Ce lundi, et jusqu’à mercredi soir, la Maison de l’étudiant accueille
quatorze comédiens pour trois représentations d’une pièce de Bertolt
Brecht, intitulée « L’exception et la règle ». L’aventure continue pour
cette troupe de demandeurs d’emplois (presque tous) qui est née voilà
huit mois et a fait son premier saut sur scène, à l’espace Puzzle.

« Présente-toi comme ça au boulot, je suis sûre que tu auras plus de
chances ! » Hier dimanche, même si le travail de répétition est intense,
l’ambiance s’avère plutôt bon enfant. Se mettre dans la peau d’un
personnage reste éprouvant et stressant, mais tellement « décompressant
 ».

L’aventure théâtrale aurait pu prendre fin en novembre dernier, à
l’issue des trois représentations à l’espace Puzzle. Mais, depuis
février, le groupe de comédiens amateurs a repris le chemin des
répétitions et des planches. À l’origine, le théâtre faisait partie
d’une action de formation, entamée en septembre 2003, mise en oeuvre par
le conseil régional de Basse-Normandie avec le service formation de
l’association Acsea et le soutien de plusieurs partenaires.

Semaines d’angoisse

Dix-sept chômeurs, dont des ex-Moulinex, avaient accepté de jouer le jeu.
Pour ce second acte, la troupe est presque au complet. Cinq d’entre eux
ne font plus partie de l’équipe, pour des raisons professionnelles
(trois ont trouvé du travail) et pour des raisons plus personnelles.
Depuis février, deux nouveaux venus renforcent le groupe. « Nous avons
prévu de travailler un week-end par mois jusqu’en décembre, avec
quelques représentations dans la région », souligne l’un des deux
metteurs en scène, François Lecour. L’idéal pour ce professionnel du
théâtre, qui a conçu le projet, serait que le groupe meurt parce que
tout le monde a retrouvé un boulot. Pas simple.

« On est vraiment content de prendre cette bouffée d’oxygène ; ici, il y
a une véritable solidarité, insiste Élise, 50 ans. On s’appelle
régulièrement pour prendre des nouvelles. » Mais en matière d’emplois,
le tableau n’est pas si rose. À Moulinex, cette femme occupait un poste
administratif. Depuis deux ans, elle cherche en vain. « Ici, c’est vrai,
je me défoule de mes semaines d’angoisse, mais une fois qu’on a quitté
les spots, on retrouve l’ombre et on replonge encore plus. À part le
théâtre, je me demande où est ma place. Et dire que je pensais que les
gens au chômage ne voulaient pas travailler... C’est angoissant ! » Le
travail a toutefois fait sa réapparition dans le quotidien de quelques
comédiens amateurs. Même si elle ne peut s’empêcher de penser au
lendemain, d’avoir « peur de retomber dans l’engrenage », Alexandra, 27
ans, travaille dans une école en contrat emploi solidarité depuis le
mois de janvier. Florence, 35 ans, qui était depuis deux ans au chômage,
enchaîne les contrats en intérim depuis décembre. Tous sont unanimes :
le théâtre leur a ouvert des portes intérieures. « Il nous a redonné
confiance en nous, nous a fait rencontrer d’autres personnes... »

Durant trois soirées, ces comédiens amateurs seront à nouveau sous les
feux de la rampe pour jouer « L’exception et la règle », « caricature du
libéralisme ». La mise en scène a quelque peu été modifiée, renforcée. « 
Par rapport aux précédentes représentations, précise le metteur en scène,
nous souhaitons donner des signes aux spectateurs, par le biais de
symboles lisibles mais pas visibles. » Pour mettre en relief le propos
de l’auteur, Bertolt Brecht, sur « la question du coût humain et éthique
que le capitalisme sauvage fait payer à la société ».

http://www.caen.maville.com/actu/detail.asp?idDoc=134169&IdCla=16