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Le Tibet, la démocratie et les droits fondamentaux

Publie le vendredi 25 avril 2008 par Open-Publishing
12 commentaires

Les réactions suscitées par la révolte des Tibétains offrent un spectacle qui pourrait prêter à bien des sarcasmes s’il ne s’agissait de questions aussi graves.
Je suis de ceux qui pensent que le droit à l’insurrection contre l’injustice et l’oppression est un droit fondamental. Il était d’ailleurs inscrit dans la Constitution de la Ière République française. Il a été réduit, dans le droit international, au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est mieux que rien.

A partir de ce principe, force est de constater à la fois son application facultative et les réactions contradictoires qu’il suscite.

Il y a ceux qui dénoncent les Tibétains.

Je suis étonné de lire sous la plume de gens qui se disent appartenir à la gauche radicale le rappel du caractère féodal de la société tibétaine avant que la République Populaire de Chine en prenne le contrôle. Personne ne conteste cela. Mais comment un tel rappel historique peut-il justifier qu’on refuse aujourd’hui à ce peuple le droit d’être respecté dans sa spécificité culturelle et religieuse ? Et de s’insurger contre ce qu’il ressent, lui, comme une oppression ? Au motif qu’avant 1789 la France était une société féodale où régnait le servage devrait-on se priver de critiquer la République qui l’a aboli ?

On lit même que l’écho donné aux revendications tibétaines ne serait que le résultat d’une formidable manipulation des services secrets américains et que tout ce tapage ne serait que le fruit de la propagande impérialiste des USA. Cela me rappelle ce que disaient certains intellectuels de gauche en réponse aux informations qui parvenaient sur la barbarie des Khmers rouges. Eux aussi niaient la réalité des crimes contre l’humanité commis au Cambodge au motif que tout cela était le « produit de la propagande impérialiste ».

On vit décidément un monde qui a perdu ses repères. Voici donc des gens de la gauche radicale venir au secours des capitalistes occidentaux toujours soucieux de ménager les régimes qui leur garantissent la stabilité. Quel qu’en soit le prix. Les marxistes appelleraient ça une « alliance objective » entre intellectuels dénonçant l’agitation tibétaine et firmes multinationales soucieuses de bénéficier du marché chinois pour investir, c’est-à-dire très souvent délocaliser leurs activités devenues à leurs yeux moins rentables dans les pays qui pratiquent encore quelques restes de l’État providence.

Il y a ceux qui défendent les Tibétains.

Je suis enclin à me ranger à leurs côtés comme aux côtés de celles et ceux qui défendent les droits fondamentaux sous toutes les latitudes et quels que soient les régimes et les situations. Je rappelle que la Chine est un pays où il n’y a pas de liberté politique, pas de liberté syndicale, pas de liberté d’expression, pas de liberté de la presse, pas de liberté religieuse.

Même s’il faut prendre en compte, quand elle existe, la volonté d’avancer, de progresser vers le respect de ces libertés. Mon expérience personnelle au Cambodge m’a appris que la démocratie, cela ne se décrète pas et qu’il ne suffit pas d’organiser des élections pour instaurer l’égalité de tous devant la loi. Il y a une phase d’évolution qu’il faut accepter si, et seulement si, la volonté d’évoluer est manifeste. Surtout dans des pays qui ne s’inscrivent pas dans un processus séculaire d’avancée vers l’Etat de droit et n’ont jamais connu un début de démocratie.

La Chine évolue certes, mais les manquements aux libertés citées plus haut sont tels qu’elle ne peut bénéficier d’aucune complaisance de notre part.

Cela étant, me ranger aux côtés de ceux qui réclament les droits humains en Chine et au Tibet en particulier me force à côtoyer de biens étranges partenaires. Au point de me demander s’ils sont tous d’authentiques défenseurs des droits fondamentaux et des libertés essentielles.

Quand j’observe des socialistes réclamer les droits humains au Tibet, eux qui ne disent jamais un mot des violations massives des mêmes droits humains dont sont victimes les Palestiniens, eux qui restent muets devant les crimes contre l’humanité perpétrés par l’armée israélienne au Liban, quand je vois des gens de droite exiger, aujourd’hui - pas hier, quand leur président se rendait en Chine - le respect des droits humains qu’ils se sont bien gardés de réclamer des États-Unis qui, par exemple, pratiquent la torture à Guantanamo, je me dis que cette exigence à la carte des droits humains fondamentaux a quelque chose d’hypocrite.

On ne peut instrumentaliser l’aspiration légitime de tout être humain à la liberté et à la justice. On ne peut l’invoquer uniquement quand cela arrange les partis pris, quand cela aide les combines partisanes, selon qu’on est au pouvoir ou dans l’opposition. Chacun sait que M. Ayrault la bouclerait si le PS était au gouvernement et que M. Kouchner serait au premier rang (bien évidemment) des manifestants s’il n’était pas au gouvernement.

La lucidité, décidément, s’impose.

Raoul Marc JENNAR - 9 avril 2008

 http://rmjennar.free.fr/index.php/l...

Messages

  • Je suis plutôt d’accord avec ce texte. J’ajouterais qu’on peut comprendre que la Chine, qui est en train de régler le pb Taiwan à l’est, n’en veut pas un autre à l’ouest !

    CN46400

    • C’est marrant comme la mémoire peut être soumise à de drôles de pressions, jusqu’à avoir des trous inexplicables.
      Quand l’URSS se coltinait la résistance des grands démocrates AFGHANS, elle dût évidemment affronter l’opprobe du monde occidental, prêt à voler au secours des grandes causes universelles, d’autant plus grandes qu’elles sont destinées à attaquer au bélier le socle du bloc "dit" communiste.
      Et aujourd’hui : où est la différence ? La mémoire du passé récent du conflit Russo/Afghan et de ses conséquences tragiques pour les populations du pays "libéré" du "joug soviétique" ne devrait-elle pas inciter à un peu plus de retenue nos Kouchner, Douillet, et consorts, frappés d’Amnésy Internationale ?

  • Je suis d’accord avec raoul marc Jennard sur le principe ,mais....
    j’ai toujours cru que le boudisme était un mouvement religieux ou philosophique et j’avais beaucoup de sympathie pour leur enseignement ,je ne savais pas que c’etait aussi un "parti politique" et que c’était le gouvernement du tibet qui était en exil avec son chef le dalai lama, je me suis dit alors que le tibet avant l’invasion de l’armée chinoise le tibet devait étre un modéle de démocratie conforme au boudisme, et j’ai lu que le systéme était le servage...
    J’en ai parlé a un membre de ma famille qui est boudiste et elle m’a dit que c’était leur karma il y aura toujours des pauvres et des riches c’est une question de karma ...Je lui ai répondu que si le dalai lama était en exil c’était à cause de son mauvais karma, peine perdue l’adoration qu’elle porte a son lama est d’ordre mystique ...

    On pourrai penser que ce que je viens d’écrire n’a rien a voir avec le texte de raoul marc jennar avec lequel je le répéte je suis d’accord...
    Le boudisme est a la mode ,et le dalai lama est toujours mis en avant par les médias,les bobos ,les intellos ,etc etc ,on confond les droits du peuple tibétin et ceux de" l’église " boudiste et c’est ce qui me géne

  • "On ne peut instrumentaliser l’aspiration légitime de tout être humain à la liberté et à la justice."

    Cher RM Jennar,

    Tout ce que vous dites est juste et sincère. Mais la sincérité des gens de gauche est justement un puissant levier utilisé pour les diviser, et les détourner sans cesse de réaliser les objectifs qu’ils partagent pourtant.

    Voici extrait un regard sur la situation d’un autre peuple de la région, qui peut nous servir à examiner la campagne actuelle sur le Tibet/contre la Chine, dont on comprend que les participants vous mettent vous aussi mal à l’aise. La Chine est également concernée.

    « La presse atlantiste se passionne pour la révolution safran qui agite le Myanmar. Chacun espère —et nous aussi bien sûr— que la junte militaire qui écrase les Birmans depuis des décennies sera enfin renversée et laissera la place à une démocratie prospère. »

    « À l’évidence, si pour les Birmans, l’enjeu est leur liberté, pour les « Occidentaux », il est tout autre. »

    « (…) la pensée révolutionnaire des néo-conservateurs, qui s’est aujourd’hui étendue aux médias occidentaux, prône « l’ingérence démocratique », avec les résultats éloquents que l’on observe en Afghanistan et en Irak. »

    « Toutefois, par derrière, le mouvement a été préparé et est soutenu par Washington, qui entend imposer la « démocratie de marché », c’est-à-dire ouvrir le pays aux investissements de ses propres multinationales. Il est donc bien normal que la presse atlantiste exige d’abord le retrait des investisseurs rivaux, quelles qu’en soient les conséquences pour le niveau de vie des Birmans. »

    « En application de la « doctrine Wolfowitz » de 1992, Washington entend empêcher l’émergence de puissances capables de contester la suprématie de « l’empire américain ». Si l’Union européenne et la Russie sont les premiers compétiteurs éventuels dont il convient de rogner les ailes, la Chine vient en troisième position.
    Washington a mis au point une stratégie de « containment » dont l’axe central est le contrôle des approvisionnements énergétiques de l’économie chinoise. »

    « Sous nos yeux, un peuple lutte pour sa liberté. Mais le soutien que lui apportent les États-Unis et les médias atlantistes n’a aucunement pour but d’y parvenir. Washington veut couper le pipe-line chinois, démanteler les bases militaires de surveillance électronique pour prendre le contrôle des voies maritimes, et ouvrir le marché à ses multinationales. Il ne suffira pas aux Birmans de renverser les généraux pour être libres. »

    http://www.voltairenet.org/article151836.html

    **

    Si vous vous posez des questions, un article y répond peut-être déjà dans les Echos :

    Chine -
    Yuan, commerce : à Pékin l’Europe hausse le ton

    En pleine polémique sur le Tibet
    L’Europe en quête de concessions économiques en Chine
    [ 24/04/08 ]

    http://www.lesechos.fr/info/inter/4719223.htm?xtor=EPR-1001

    Pendant qu’on regarde vers le Tibet, la démocratie que le peuple a réussi à se donner est mise en danger en Bolivie, et il serait très urgent de la soutenir, avec Chavez qui y appelle.

    Quelle est l’urgence pour la démocratie en France ?

    • Rataboum rataboum rataboum.....

      Pourquoi vouloir opposer une répression à une autre quand on est de gauche ?

      En quoi soutenir les droits du peuple palestinien devrait fatalement amener à s’opposer aux droits du peuple tibétain ?

      Ou vice versa....

      Le hamas rend-il caduque le soutien au droit du peuple palestinien ? le hamas d’aujourd’hui est-il plus doré sur tranche que la moinerie tibétaine d’aujourd’hui ? Les talibans sont-ils plus propres que les moinillons ?

      Les actes graves de ces derniers temps en Kanaky ne doivent-ils pas être mis en rapport avec la séance de sainte alliance de ce bon Sarkozy avec le gouvernement chinois ?

      Les bons termes échangés ne sont-ils pas portes ouvertes à la continuité des guerres impériales d’Afghanistan et d’Irak ?

      En Afghanistan, le renforcement de nouveau des talibans ne montre-t-il pas que l’oppression d’un peuple n’a jamais fait progresser ce dernier, surtout quand les intervenants sont représentants d’états et de classes ayant plus qu’à leur tour opprimé l’humanité ...

      Le plus simple pour les révolutionnaires est de défendre le droit des peuples opprimés à disposer de leur sort, d’être attentifs , ce qui ne signifie ni soutenir les Talibans, ni soutenir le Dalaï Lama, ni soutenir le Hamas, etc...

      De même que lutter contre l’occupation impérialiste de l’Irak ne signifie pas soutenir Moqtada al-Sadr .

      Par contre, une chose où on se trompe jamais c’est se battre pour les libertés démocratiques, les droits des travailleurs, les droits des hommes et de des femmes, libertés d’expression, libertés syndicales, libertés individuelles.

      Les batailles pour ces droits là font partie de la raison d’être du désir de communisme. Lutter contre l’exploitation de l’homme par l’homme c’est cette même bataille pour la liberté.

  • Comme j’ai été un de ceux qui ont ,dès le départ, demandé à ce que nous fassions attention de ne pas tomber dans le piège du soit un soutien aux moines tibétains contre le gouvernement chinois soit un soutien à ce même gouvernement au nom du droit international, je reviens dans le débat ouvert par le texte de Raoul Marc JENNAR.

    Précisons d’entrée qu’il fait parti de ceux dont je considère l’apport comme important dans la dernière période sur toutes les questions liées à la souveraineté des peuples et les traités internationaux, il l’a montré à plusieurs reprises, il n’est pas pour moi quelqu’un à combattre, bien au contraire..

    Le problème du texte qu’il a mis en ligne, c’est qu’il procède à un stupéfiant raccourci entre peuple tibétain, moines et leur théocratie, et revendication d’autonomisme des seconds dont rien à ce jour montre qu’elle rencontre les exigences de la masse des premiers. Il s’agit d’une histoire qui ne remonte pas au 18ème siècle mais de bien avant à un temps si peu reculé que les témoins, acteurs et (ou) victimes sont toujours présents et doivent TOUTES et TOUS être entendus.

    Précisons. Je ne soutiens pas le P"C"C ni le gouvernement Chinois, mais je refuse de me ranger derrière la bannière d’un gourou nourri au lait du Nazisme (le SS Harrer), gourou qui derrière une placidité qui ferait passer le mime marceau en excité sakozieske, et qui, le gourou, ne manifeste aucun signe de remord voir même de distance avec ce passé.

    Dans l’analyse de Raoul Marc JENNAR, il y a un autre moment ou la logique trébuche : comment, à partir des remarquables réflexions qu’il a pu apporter dans la discussion du traité de l’UE, en particulier contre les stratégies de balkanisation des états souverains et la monté voulue par le capital mondialisé d’imposer ces balkanisations pour opposer les peuples, ne pas voir qu’elle n’est pas réservée à la méditerranée ou aux pays baltes mais concerne toute la planète.

    Doit-on persister à dire que les frontières issues des deux conflits mondiaux sont intangibles et dire au chinois que ça vaut pour tout le monde, sauf pour eux ?

    Dire cela ne me range pas derrière les para crypto pseudo maoïste de tous crins, ni derrière une partie d’une gauche toujours plus radicale pour énoncer des sentences que pour passer aux actes.

    Je suis aussi pour défendre les tibétains. Mais lesquels ? Le peuple tibétain dont les femmes tibétaines ? Ou ceux qui revendiquent toujours l’inégalité, qui professent la condamnation de l’homosexualité l’un et l’autre et les autres choix au nom de leur théorie du karma ?

    Ces arguments condamnés à juste titre lorsqu’ils sont portés par la dynastie Bush ou par le dalaï-de Castel-Gandolfo, par quelle élévation de la pensée ou du siège deviendrait-elle acceptable de la part d’un prophète bouddhiste ? D’autant que le pape de l’Himalaya a eu et a toujours des fréquentations aussi peu recommandables que sont lama de compère vaticanien.

    RMJ nous dit :" Je suis enclin à me ranger à leurs côtés (les tibétains) comme aux côtés de celles et ceux qui défendent les droits fondamentaux sous toutes les latitudes et quels que soient les régimes et les situations. Je rappelle que la Chine est un pays où il n’y a pas de liberté politique, pas de liberté syndicale, pas de liberté d’expression, pas de liberté de la presse, pas de liberté religieuse". D’accord, d’autant que concernant la Chine, c’est la réalité.

    Mais alors j’attends la même levée de bouclier de tous pour les droits des occupant originaux de l’Amérique, pour le peuples du pacifique ou des caraïbes sous dominations française qui, en matière des droits en référence, sont peu ou prou traité de la même façon. Qui, au nom des libertés syndicales, propose un jumelage entre Lhassa et Nouméa ?

    RMJ lui-même pointe les limites de la démarche quand il repère de biens curieux partenaires dans sa démarche. Je partage sa prévention devant les déclarations de toutes les composantes de la sociale démocratie.

    Revenons sur le fond : la stratégie de l’impérialisme à l’œuvre depuis le début du 20ème siècle jusqu’à nos jours, les raisons des échecs des expériences qui ont cherché et n’ont pas réussi à sortir de sa logique. Pointons entre autre cette capacité des responsables des changements révolutionnaire à se glisser à la première occasion favorable dans les oripeaux d’une bourgeoisie nouvelle pour maintenir les exploitations.

    Sur ces bases, il est possible d’y voir plus clair et de faire des sentiments et valeurs de solidarité des outils de rassemblement dans le combat anti-impérialisme. Pas des points d’appuis pour le capital. Je pense que RMJ doit se retrouver là dedans.

    Il y a urgence que s’engage une vrai discussion, d’autant qu’être à coté de Ménard conduit à paraphraser la célèbre phrase de Bebel : Qu’ais-je fait comme ânerie pour me retrouver là.

  • il suffit de lire Pattison qui sous couvert de policiers ex l’oeil du thibet en poche) nous fait découvrir la société thibétaine et sa religiosité et son archaisme id’ou des bouleversements non appréciés confortés par des ingérences étrangères dont US