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LES ANNEES 1964/1982 (Contribution du collectif 1968 de l’IHS CGT METALLURGIE)

Publie le dimanche 1er juin 2008 par Open-Publishing
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1968

Une démonstration éclatante des métallurgistes

 Première Partie : ce qui a été déclencheur

Mai-juin 1968 a constitué le plus grand mouvement social, avec grèves et occupations massives, qu’ait connu la fédération des Travailleurs de la Métallurgie depuis 1948.
Pour l’essentiel, les 2.800.000 métallos étaient dans l’action.

Les années 50 furent, malgré la dureté des luttes sociales, des plus fécondes en initiatives de toutes sortes, en capacité de négociations, qu’il s’agisse des conventions collectives et des accords d’entreprise, en pratique syndicale de masse. La grève de deux mois des travailleurs des Chantiers navals de Saint-Nazaire en 1955, victorieuse dans sa conclusion, fut riche d’enseignements pour tous les métallurgistes, indicative d’une combativité élevée et d’une riche pratique démocratique.

Chez les travailleurs et dans l’opinion, l’avènement du pouvoir gaulliste en 1958 et l’expérience de sa politique au service de la domination des monopoles sur la vie nationale alimentent des débats, des mobilisations syndicales de plus en plus soutenues, et des confrontations pour la recherche d’un changement politique.

En décembre 1958, le gouvernement voulut imposer une franchise de 300 francs de l’époque afin, « de combler le trou de la sécu » ; la CGT anima une telle campagne que la franchise fut annulée en Janvier 1960.
Des générations de syndiqués se sont aguerries dans des manifestations de masse pour la paix, pour l’indépendance de l’Algérie et la victoire du peuple vietnamien… ; au référendum de 1962, De Gaulle perdait 5 millions de voix.

1963 fut l’année des 8 millions de journées de grèves, un record dans le genre, le précédent remontant à 1953.

La grande grève nationale des mineurs, en mars de cette année là, et l’énorme élan de solidarité qu’elle a suscité avait battu en brèche la politique autoritaire du pouvoir et, à travers lui, celle du patronat. Les syndicats et les travailleurs gagnent à partir de l’accord Renault la troisième semaine de congés payés.

Dans la métallurgie, les années 63/64 se caractérisent par une plus grande participation aux luttes des employés, techniciens, dessinateurs, agents de maîtrise et cadres.

L’action et l’unité d’action progressent dans les entreprises avec les organisations de la CFTC, puis CFDT, avec des syndicats FO, au prix de confrontations vives du fait de tactiques de luttes et d’objectifs stratégiques différents, de la pratique de l’UIMM de négociations et d’accords séparés.

Les débats étaient ouverts, directs avec les autres organisations syndicales, en particulier la CFDT.

Le Comité Exécutif de la Fédération dans sa réunion du 4septembre 1965 précisait son orientation pour la conduite des luttes :
« Ces luttes à l’entreprise créeront les conditions de l’élévation de l’action au plan régional, national ou par branches industrielles. La combinaison des actions particulières et des actions d’ensemble permettra d’exercer une pression efficace sur le patronat et le pouvoir et les contraindra à céder à des revendications importantes…L’action pour en imposer la négociation (conventions collectives) aux organisations syndicales patronales, permet de combiner efficacement les luttes à l’entreprise avec des actions plus générales. »

Dans un article dans le peuple du 31.octobre.65, Monique PARIS secrétaire de la Fédération énumère :
« Les actions menées chez Peugeot, Berliet, la Régie Renault, Chausson, les ACN de Nantes, Snecma, les mensuels de Sud-Aviation Toulouse. Dans le même temps se déroulaient de vastes actions départementales dans le Rhône, le Doubs, la Loire, la Loire-Atlantique etc. Cette élévation de l’action a permis le mot d’ordre de la journée nationale d’action du 2 juin 65.
Pendant cette période, les Fédérations CFDT et FO…condamnaient les luttes d’entreprises, la CFDT parlait de « fer de lance » qui n’était qu’une « resucée » de la vielle idée « des minorités agissantes », selon eux, il suffisait que les travailleurs de chez Peugeot, par exemple, soient soutenus uniquement du point de vue financier, ce qui aurait suffi à amener la direction au recul. Singulière conception de l’action, si l’on pense qu’effectivement la direction de Peugeot a eu tout le soutien du CNPF. »

La secrétaire fédérale conclue sur une invitation à en débattre avec les travailleurs avec confiance, ténacité ; c’est la condition d’obtenir des succès et cite en exemple ceux obtenus dans des entreprises à main d’œuvre féminine, témoins les grandes usines de téléphonie ou l’horaire de travail a été réduit sans perte de salaire.

La Fédération dénonce le plan de stabilisation gouvernemental, dangereux pour le pouvoir d’achat et l’emploi. Elle appelle à la défense des entreprises nationales mises en cause par le CNPF et l’UIMM. Elle réalise une campagne sur le thème « du temps pour vivre » et organise des « assises nationales pour la réduction du temps de travail et le retour au 40 heures » ; à cet effet une brochure de masse est éditée à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires.

Le développement des luttes unies (journées d’action nationales, régionales et départementales, de branches professionnelles dans la métallurgie), l’expression du mécontentement de larges couches de la population sous des formes les plus variées, le développement de l’union, ont trouvés une traduction politique dans le rassemblement des forces de gauche sur une candidature commune pour l’élection présidentielle de 1965. De Gaulle était placé en ballottage.
Le pouvoir gaulliste est alors de plus en plus contesté ; à Usinor Dunkerque, en mai 1965, De Gaulle est reçu dans une usine désertée par tous les sidérurgistes avec une grève massive et le comité d’entreprise refuse de recevoir le président de la république.
La CGT s’oriente vers l’objectif d’une « Union des forces démocratiques en vue d’un accord sur un programme commun ».

Dans le même temps, la fédération est engagée dans de nombreuses initiatives de solidarité internationale. A noter les réflexions de Jean Desmaison et de Jean Poyart tous deux membres du Bureau Fédéral qui, lors des travaux du VIIIe congrès d’IG Métall (RFA), constatent la convergence des revendications et des aspirations des travailleurs des deux côtés de la frontière.

L’accord d’unité d’action signé au plan des confédérations le 10 janvier 1966 entre la Cgt et la Cfdt joua un rôle évident sur l’évolution du rapport des forces.
En avril 1966 dans une déclaration aux travailleurs et travailleuses de la métallurgie, le comité exécutif de la FTM-CGT énonce, les luttes nombreuses et unitaires menées, dans les branches, les régions, avec l’objectif d’imposer au patronat la discussion des revendications et notamment la négociation de véritables conventions collectives.
S’appuyant sur le renforcement de l’unité d’action il appelle à « agir tous ensemble » et précise que « ces actions doivent s’inscrire dans un programme d’ensemble, mis au point dans l’unité, sous votre contrôle (travailleurs), avec les autres organisations syndicales »

A l’Assemblée des militants de la Métallurgie de la Région parisienne, en septembre 1966, Benoît Frachon précisait :
« Nous déclarons qu’en présence de la carence du pouvoir et du patronat, la classe ouvrière est preneur d’une succession ouverte et que les faits rendent de plus en plus nécessaire. Nous affirmons que la classe ouvrière, en alliance avec tous les vrais démocrates, est prête, non seulement moralement, mais pratiquement et techniquement, à assurer le fonctionnement des grandes entreprises qui constituent la base essentielle de l’économie et que leur nationalisation aura soustraites à la dictature des grandes forces capitalistes. »

Des luttes d’entreprises et d’industries, territoriales, défrayent la chronique dans la sidérurgie lorraine le 6 mars 1966, dans les chantiers navals, l’industrie aéronautique, dans la métallurgie de la Loire, dans d’autres professions, dans le monde paysan.

Elles se diversifient : des pétitions courantes, au tam-tam de la colère à Toulouse, pendant deux mois le conflit des mensuels à Saint-Nazaire, un mois de lutte chez Berliet, les débrayages chez Dassault….

La participation accrue des catégories sociales et professionnelles comme les cadres et ingénieurs se confirme.

De nombreux résultats revendicatifs étaient venus couronner les puissants combats unitaires, à la Régie nationale des usines Renault, à Sud Aviation, Merlin Gerin, Chausson pour les sidérurgistes… ; ils servent d’exemples et donnent confiance à beaucoup.

Mais la syndicalisation était difficile.
Il fallait affronter une UIMM et les chambres patronales, hermétiques à toute négociation, qui maniait la répression, les lock-out, tentait de s’attaquer au droit de grève par l’instauration de postes de sécurité.

Parmi les pires : Citroën. Yannick Frémin, secrétaire du syndicat, est giflé à deux reprises par un nervi de la direction et cette dernière licencie Yannick. Dans la mobilisation qui s’ensuit, l’archevêque de Rennes prend sa défense et celle « du droit syndical ». Même condamnée en 1967, la direction de Citroën, avec son bras armé, la CFT, fera régner la terreur dans ses établissements ; Marcel Caille, ancien secrétaire de la CGT dénonce ces pratiques dans ces livres : « Les truands du patronat- l’assassin était chez Citroën ».

En 1967, la FTM mène campagne contre le Vème Plan et la perspective des 600 000 chômeurs. Elle apporte ses forces aux initiatives locales et départementales suite aux ordonnances gouvernementales contre la Sécurité Sociale. Les difficultés unitaires persistent au niveau professionnel. Au plan confédéral, le CCN des 4 et 5 décembre, la CGT interroge sur les options politiques qui conditionnent les démarches de la CFDT.

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1967 : vers le grand affrontement de 1968

Le mécontentement est général : baisse des salaires et du pouvoir d’achat ; dégradation de l’emploi, et des conditions de travail, montée du chômage avec les conséquences économiques et sociales des restructurations/fusions : dégradation des conditions de vie et de travail, atteintes au social, négociations bloquées au niveau des chambres patronales.

Tout au long de l’année 1967 et dans tout le pays, les métallurgistes vont conduire des luttes puissantes, unitaires, de caractère national ou de branche et régions, voire d’entreprises, pour leurs revendications, avec des résultats non négligeables (grilles des salaires relevées de 19% dans la Loire, accords concernant les prestations maladie et accidents). C’est dans ce contexte que le gouvernement demandera et obtiendra de l’Assemblée nationale, le 26 avril 1967, l’autorisation de prendre par ordonnance un certain nombre de mesures économiques et sociales, dont les plus graves vise la Sécurité sociale.
En avril et mai 1967, les mineurs du fer et les sidérurgistes lorrains sont en grève, contre les suppressions d’emplois. Henri Barreau (dirigeant de l’USTM Région Parisienne et auteur de l’histoire inachevée de la convention collective nationale de la métallurgie) écrira au sujet de ce conflit : « Aussi peut-on affirmer que la grévé qui a paralysé la sidérurgie lorraine du 11 avril au 5 mai 1967 a été en vérité un combat d’avant-garde avant le premier grand affrontement du printemps 1968 ».. L’hiver 67/68 est effervescent et riche en initiatives multiples ; la Fédération prépare activement le Festival de la jeunesse prévu par la Confédération pour les 17 et 18 mai 68.

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Un début de traduction politique de cette situation d’effervescence sociale se dessine avec les rapprochements politiques entre le Pcf et la Fgds ; les reculs de la droite aux législatives de mars 1967 qui voit sa majorité sérieusement réduite au Parlement, recul confirmé lors des élections cantonales de l’automne.

La Cgt et la Cfdt appellent à une grève générale de 24 heures le 17 mai, rejointes par des appels parallèles de Fo et de la Fen.

La Cgt dénonce la nature antidémocratique du pouvoir : « Non aux pouvoirs spéciaux ».
Dans cette période, afin d’aider au renforcement de l’action et de l’unité, une lettre est édité et remise à chaque adhérent de la FTM CGT ; y est développé « notre tactique des luttes » précisant toutes les formes d’action y compris la grève générale en y requérant l’opinion de chacun.

Dans cette année 1967 il y a une grande combativité, des formes d’actions diverses et des résultats : ainsi après 3 mois de luttes – dont vingt jours de look out – les ouvriers de chez Dassault Mérignac qui ont reçu le 16 février l’appui de plusieurs milliers de travailleurs de l’aéronautique, lesquels ont débrayé en solidarité à l’appel des fédérations de la métallurgie CGT et CFDT, obtiennent gain de cause et font plier le patronat.
A coté des mouvements spécifiques à telle ou telle entreprise se développent des journées d’actions régionales ou nationales, générales ou particulières à la métallurgie. Par exemple, sur le plan régional, on peut noter la journée du 26 septembre 1967 au Mans où 15000 manifestants se heurtent violemment aux forces de police ; le même jour, à Mulhouse, 30000 travailleurs- dont de nombreux métallurgistes- débrayent pour la garantie de l’emploi.
A la fin de l’année 1967, la journée nationale d’action du 13 décembre connaît un succès identique. Pourtant, il faut noter la généralisation d’une tactique patronale déjà employée dans plusieurs cas lors de la journée du 17 mai : celle du look out. En effet, le 17 mai 1967, les entreprises Dassault et LMT à Boulogne Billancourt avaient été lookoutées comme précédemment Berliet à Vénissieux le 17 mars ; dans ce dernier cas, le lock-out patronal fut mis en œuvre avec le concours de 4000 CRS appelé pour faire évacuer l’usine. Le 13 décembre 1967, le look out a fait école, notamment dans la région parisienne où plus de 150 entreprises de la métallurgie ont débrayé de 1 à 24 heures.
« Le 13 décembre – écrit l’USTM de la Région Parisienne – fut une journée marquante, parce que plus que d’autres peut-être, elle fut placée sous le signe de la bataille pour l’unité, tant les adversaires de la classe ouvrière ont mis d’acharnement à l’empêcher et parce que rien n’a pu étouffer le mécontentement de millions de travailleurs »
En août 1967, le comité exécutif de la fédération de la Métallurgie Cgt mettait au point son orientation politique et sa stratégie en vue de négociations avec les patrons et l’UIMM.

Le Guide du Métallurgiste du mois d’août 67 explique les conclusions adoptées :
« …des résultats ont été obtenus, mais les revendications essentielles ne sont pas satisfaites. Il faut donc forcer les voies de la négociation à tous les niveaux – UIMM - chambres patronales, régionales ou locales, directions d’entreprises, pour imposer une convention collective nationale, des avenants par branche d’industrie, des C/C régionales des accords d’entreprise. » Les cahiers de revendications furent partout l’objet de dépôts dans les entreprises auprès des directions et reçoivent partout les mêmes refus, ce qui conduira à l’explosion et « au ras-le-bol » si souvent exprimé dans cette période. Les actions s’étendent chez Dassault, Renault Billancourt et Le Mans, à Grenoble et Mulhouse.
La semaine d’action unitaire du 9 au 14 octobre se prolonge comme à la Skf, chez Air Liquide dans le Val-de-Marne.

Les journées nationales d’action, à l’appel de la Cgt et de la Cfdt, comme celles du 12 octobre et du 13 décembre 1967 pour l’abrogation des ordonnances sur la Sécurité sociale, réunissent dans les grèves et manifestations des travailleurs actifs et retraités de toutes professions (métallos, livre, gaziers électriciens, ouvriers du bâtiment, cheminots, postiers, industries chimiques…. Elles témoignent du profond mécontentement et préfigurent les luttes de 1968

1968 arrive. Dés le début de 1968, des mouvements importants vont se développer ; à la Saviem Caen le 26 janvier 1968, les ouvriers se mettent en grève et une intervention des force de police fait de nombreux blessés, la ville de Caen toute la soirée est en émeute, dans cette entreprise 25 % des ouvriers ont moins de 25 ans, cet événement marque la région. A l’appel des deux fédérations de la métallurgie CGT-CFDT, une nouvelle journée nationale de luttes est organisée le 25 janvier 1968, préparé régionalement et localement par des actions les 23 et 24 janvier.
Un rassemblement national devant l’UIMM mobilisera plus de 5000 délégués venant de toutes les régions métallurgiques. Dans la région parisienne 161 débrayages ont lieu, avec des résultats cependant divers selon les entreprises et les catégories.
Cependant, dans les semaines qui vont suivre, l’action va être relancée : ainsi, dans la période du 9 au 24 janvier : 13 grèves prolongées et 85 débrayages sont recensés dans la métallurgie parisienne. Dans la semaine du 11 au 16 mars, 10000 métallos à Lens le 11 mars pour le plein emploi dans le nord et le pas de calais, 5000 à Douai, 3000 à Bruay, 2000 à Valenciennes.
En Ile et Vilaine, à Redon, 3000 métallurgistes débrayent pour obtenir une augmentation horaires de 0,30 francs ; de violents accrochages se produisent avec les CRS ; chez Luchaire, dans l’Orne, 90% de l’ensemble du personnel est en grève depuis le 12 Mars contre les réductions d’horaires avec perte de salaire, aux forges de Gueugnon, la grève est totale le 15 mars pour l’obtention d’une augmentation de salaires de 40 centimes, un salaires mensuel garanti et une prime de vacances.

Cette démarche accompagne l’adoption par les fédérations Cgt et Cfdt de la Métallurgie d’un programme d’action et l’adresse à l’UIMM d’un mémoire le 25 janvier 1968, pour les salaires, la garantie des ressources et de l’emploi, la réduction du temps de travail, l’abaissement de l’âge de la retraite, l’extension des droits syndicaux.

Le rodage de l’unité d’action répond bien à une aspiration des salariés ; en même temps, il révèle des tensions intersyndicales persistantes avec des organisations de la Cfdt plus portées à conclure les négociations sociales dans des contrats enserrés dans les politiques économiques dominantes (ce fut flagrant pour le dossier sidérurgique), tout en discourant sur l’autogestion.

Ainsi donc, loin d’être un coup de tonnerre dans un ciel serein, le mouvement de Mai-juin 68 va s’inscrire dans une période faite tout à la fois de contestation forte des politiques des monopoles et des gouvernements, d’exigence de transformation sociale et politique d’envergure, et d’innovation dans l’expression des forces en présence.

En avril et mai 68, d’importantes manifestations pour l’emploi sont organisées dans les départements de l’Ouest et du Nord.

Le 1er mai 68 l’interdiction de manifester est levé à Paris et le premier mai est reconquis avec une manifestation de plusieurs centaines de milliers de manifestants.

Le 5 mai, le Comité exécutif insiste sur l’activité de masse, diversifiée, revendicative et catégorielle, pour, sur ces bases, encourager les progrès du courant unitaire, tout en notant les modifications qui s’opèrent chez les dirigeants de la Cfdt qui entretiennent l’attentisme, et un décalage sérieux entre les paroles et les actes. Un guide fédéral est édité afin de clarifier les questions de l’unité d’action.

Le mouvement étudiant est en pleine ébullition. En riposte à la sauvage répression policière contre les étudiants dans la nuit du 10 au 11 mai, la Cgt propose aux autres organisations syndicales qui acceptent, un appel à une grève générale pour le 13 mai ; grève générale inoubliable !
Dès lors va se produire l’entrée massive de la classe ouvrière dans la grève et les manifestations. Elle sera impétueuse. Au plus fort du mouvement, on comptera plus de deux millions et demi de grévistes dans la métallurgie !
C’est le débouché de tout un travail quotidien, patient, qui combine les revendications particulières et celles plus générales, et s’appuie sur toutes les formes d’actions d’entreprises, locales, professionnelles et territoriales et professionnelles.

 LES OCCUPATIONS D’USINES

Les luttes de mai et juin 68 ne sont donc pas le fait du hasard et elle n’ont pas eu ce caractère spontané décrit par les médias de l’époque.
Les travailleurs de la métallurgie ont pris le chemin de la lutte depuis longtemps.
Parallèlement ou en commun, d’autres forces (paysans, enseignants, étudiants) expriment leur mécontentement. Cette réprobation qui se généralise, suscite rapidement des inquiétudes dans les sphères dirigeantes. Le pouvoir va avoir recours à la répression de plus en plus violente.

C’est dans ce climat que les étudiants en lutte pour une réforme de l’université vont se trouver confrontés aux forces de police, et que la violence des affrontements soulèvera l’indignation et la colère parmi les travailleurs.

A l’initiative de la CGT la grève générale de 24 h est décidée pour le lundi 13 mai par les trois Confédérations (CGT-CFDT-FO) la FEN et L’UNEF, pour exiger l’arrêt de la répression, le retrait des forces de police de l’université, l’amnistie de tous les manifestants condamnés, la réouverture des facultés, les libertés syndicales et politiques.

Sur cette lancée le 14 mai, les métallos de l’usine Sud-Aviation de Nantes Bouguenais décident la grève avec occupation des lieux de travail jusqu’à satisfaction des revendications, qui leurs étaient refusées depuis des mois. Ils furent les premiers à passer à l’action mais dans les heures qui suivirent d’autres usines furent occupées : Renault- Cléon, Flins, Billancourt, Sandouville, Le Mans etc. Les métallurgistes dans tout le pays allaient suivre et décider de la grève et de l’occupation de leur entreprise.

La Fédération de la Métallurgie, dés le 16 mai exprimant son soutien et sa solidarité aux grévistes demandait : « instamment aux militants de ses organisations d’être partout à l’initiative pour réunir les travailleurs et leur faire des propositions immédiates d’action afin d’imposer aux patrons la satisfaction de leurs revendications. »
Elle annonçait dans cette même déclaration : « prendre toutes dispositions pour répondre à la volonté de lutte des métallurgistes pour que l’action, gagne en ampleur et en puissance, dans l’unité jusqu’au succès, pour qu’elle contribue à imposer les changements nécessaires »

Cet appel sera largement entendu les jours suivants. La grève avec occupation sera démocratiquement votée à Nord Aviation à Châtillon, à Berliet à Lyon le 17, chez Citroën, puis le 19 aux Câbles de Lyon, à Air Equipement à Blois le 20 mai ainsi qu’à la C.A.F.L. dans la loire. De jours en jours la liste s’allonge et le 21 mai on comptabilise déjà plus d’un million de grévistes et cela va s’accélérer.
Toutes les productions et installations de la métallurgie sont stoppées.

Les militants et les élus de la CGT vont naturellement assumer l’organisation de la lutte et prendre la direction de la grève et des occupations d’usines. Personne n’a d’expérience dans ce domaine. La pratique démocratique s’impose, avec le rôle du syndicat, des syndiqués, et la place des travailleurs, à travers des comités de grève.
Tout au long du conflit, de la décision d’entrer en action à la reprise du travail après l’obtention de résultats tangibles, la démocratie sera la règle.
L’organisation de la lutte et l’occupation des usines impliquaient, que soit pris toute une série de mesures pour faire face à une situation exceptionnelle. Pratique de la démocratie syndicale et ouvrière, participation aux manifestations avec les autres professions, relations avec les structures CGT, liaison avec la presse, constitution de piquets de grève, surveillance des entrées, élaboration des tours de garde aux endroits stratégiques, ravitaillement, salle de repos, organisation des temps libres, de fêtes avec la participation d’artistes, préservation de l’outil de travail, organisation de la solidarité avec la population, les paysans, les collectivités publiques.
Pour toutes ces mesures à prendre, la mobilisation du plus grand nombre de salariés était nécessaire, la mise en place des comités de grève va répondre à cette attente.
Un exemple parmi tant d’autres de l’organisation de l’occupation des lieux de travail chez Cadoux, à Saint-Pierre des Corps, en Indre et Loire : Après un large débat, le syndicat CGT de l’usine décide de soumettre dés le lundi matin 20 mai un plan de travail en vue de permettre la décision collective de l’action, (celui-ci sera distribué aux personnels à l’entrée de l’usine, avec le cahier des revendications)
Dés l’embauche de 7h à 10h, l’ensemble des délégués CGT organiseront des réunions dans tous les services et bureaux pour et avec tous les travailleurs, discuter et recevoir leur opinion sur les modalités de l’action à envisager à l’intérieur de l’entreprise et sur les revendications à déposer.

A 10h la CGT invite l’ensemble des responsables syndicaux et délégués des organisations syndicales (CGC-FO) à une assemblée afin de se mettre d’accord dans l’unité la plus large, sur les propositions d’action, qui nous auront été soumises, au cours des réunions des services et bureaux.
A la suite de cette intersyndicale nous proposons une assemblée générale de tout le personnel pour faire le point des différents points de vue et passer à l’application des décisions par un vote à bulletin secret.

Ce plan fut scrupuleusement appliqué. La grève et l’occupation de l’usine furent votées à la majorité du personnel ouvrier par 532 sur 730 personnes à l’effectif. Les techniciens et les cadres votant, pour leur part, pour une grève limitée de 36h.
A 12H ce 20 mai 68, l’usine était occupée et placée sous la responsabilité du comité de grève, composé des représentants des syndicats de l’entreprise et de grévistes volontaires.

La mise en place de ce comité de grève intersyndical ne supprimait pas l’activité de chaque organisation, au contraire. La démocratie syndicale (débats et consultation des syndiqués) était renforcée, préfigurant les libertés syndicales dans l’entreprise, acquises suite aux grèves de mai et juin 1968.
Le comité de grève se réunira régulièrement deux fois par jour ( 9h et15h) pendant toute la durée du conflit, assurant démocratiquement la gestion de toutes les questions de politique syndicale, de sécurité, d’organisation de la vie dans l’usine, de la solidarité, des relations extérieures.
Sa première mission fut de déposer à nouveau les revendications et d’informer le Directeur de la décision des grévistes de cesser le travail et d’occuper jour et nuit l’entreprise jusqu’à satisfaction des exigences du personnel.
Il lui fut également précisé qu’il pourrait librement accéder à son bureau ainsi que ses plus proches collaborateurs, durant les heures habituelles de travail de l’entreprise.
La direction ne réagira officiellement que le 22 mai, dans une note de service, dénonçant une grève avec occupation des locaux qui paralyse l’activité de l’usine, et les entraves à la liberté du travail. Elle demandera « à tous les grévistes d’évacuer immédiatement l’usine et que la liberté du travail soit respectée par tous et pour tous ».

La prise du « pouvoir » étant effectuée, il fallu s’organiser, dresser les listes des permanences pour la garde de l’usine jour et nuit. Trois périodes horaires furent établis 4h-12h, 12h-20, 20h-4h. Le service de permanence comprenait plusieurs affectations, avec des responsables désignés pour chaque poste.

*Le poste garde, entrée principale avec poste téléphonique interne et externe où se trouvait le
chef du poste et deux adjoints.
*La salle de permanence du comité de grève avec deux responsables.
*Le réfectoire avec un membre de la commission ravitaillement.
*Le Poste de secours avec deux secouristes (pompiers de l’usine volontaires)

Dans l’enthousiasme général, les travailleurs vont spontanément s’inscrire sur ces listes, et chacun va assurer avec esprit de responsabilité les tâches qui lui sont confiés, tout en faisant preuve d’imagination pour répondre aux problèmes qui ne manquent pas de surgir dans un tel contexte totalement nouveau pour tous, y compris les premiers responsables, que nous étions.

Une génération de militants va émerger dans toutes les industries de la métallurgie : « celles et ceux de 68 » qui marqueront de leur empreinte les luttes des décennies à venir.

Chaque jour, la Fédération participe et recense des milliers d’assemblées de travailleurs qui prennent ensemble leurs décisions pour renforcer la lutte, lui donner sa pleine efficacité, de nombreuses bases syndicales sont créées et des adhésions réalisées, des militants nouveaux font leur apparition et sur tout le territoire le comité exécutif de la fédération interviendra et jouera un rôle conséquent dans l’animation et la conduite des luttes dans cette période et dans l’après 1968.

Le 29 mai 68 la Fédération des métaux présente à l’ouverture des négociations, à l’UIMM, sa « plate forme revendicative » en cinq point détaillés reprenant les axes revendicatifs, depuis longtemps exigés.
Le 2 juin, le patronat de la métallurgie, fort de la reprise en main de l’opinion publique par le pouvoir en place et des menaces du Président de la République, opposa son refus de négocier et de conclure.
Dans le même temps une des conditions essentielles pour contraindre l’UIMM à de véritables négociations, l’unité des travailleurs et de leurs syndicats, était remis en cause par des démarches et des pressions politiciennes, influencées par des idées gauchisantes.
Dans les entreprises, les travailleurs ont du faire preuve de vigilance pour protéger et défendre leur outil de travail face aux menées provocatrices et irresponsables de groupes divers ou se mêlaient étudiants, syndicalistes CFDT, forces dites de gauche, voir des nervis du patronat.
Les travailleurs n’ont pas toujours compris l’attitude de la CGT, qui s’opposait à ces manœuvres, croyant qu’il était possible d’aller vers des changements fondamentaux de politiques, alors que les forces de gauche étaient divisées sur la conduite à tenir.
La Fédération des métaux, la Confédération CGT ont dû en permanence rappeler les seules et véritables raisons du déclenchement des grèves, afin de ne pas conduire le mouvement dans une impasse, donnant ainsi l’occasion aux pouvoirs politiques et aux forces du capital de porter un coup sévère au mouvement ouvrier dans son ensemble.
Plusieurs exemples d’une période où il y avait risques d’être entraînées dans des provocations et des impasses :
Le témoignage d’Henri Tronchon de l’USTM de la Loire
« Des plombs en or massif »…

« Afin d’aider les salariés des entreprises sans syndicat à revendiquer et à agir, nous organisions des parrainages dans toutes les localités de la Loire. De cette manière, nous avions réussi à constituer un nombre important de bases nouvelles et récolté pas moins de 9000 adhésions au niveau de l’Union départementale pour l’ensemble des professions.

Poursuivant cette démarche, le 24 mai, à quatre militants, nous nous rendons à Andrézieux-Bouthéon, une localité où travaillaient 2000 salariés sans aucune organisation syndicale. Entre 9 heures et 13 heures, 800 adhésions à la CGT sont réalisées. Alors que nous organisions la dernière entreprise, la Serup, le patron, un certain Oriol, rentre à vive allure dans la cour de l’usine, renverse et blesse un travailleur immigré. Puis, fou furieux, il sort son fusil de chasse et tire sur les travailleurs.
En tant que responsable de l’Union syndicale de la métallurgie, je me porte à son devant pour le calmer et si possible le désarmer. Résultat : sept chevrotines !

Que peut-on ajouter ? Si ce n’est que l’émoi était à son comble et que les travailleurs responsables évitèrent le carnage, puis se rendirent à la manifestation à Saint Etienne.
Le bilan des adhésions réalisées se jour là valait de l’or… malgré les plombs ! »

La période deviendra de plus en plus mouvementée et la police intervient brutalement, à Peugeot Sochaux, deux ouvriers tombent : Jean Baylot, 24 ans, tué par balles et Henri Blanchet, 49 ans, frappé par une grenade offensive, succombera le 13 juin.
L’ampleur de la protestation fait reculer le pouvoir qui retire la police des usines Peugeot à Sochaux et à Renault Flins. Les négociations sont relancées dans la métallurgie.
Un processus de négociation est ainsi engagé au niveau des entreprises et à Billancourt, Aimé Halbeher, secrétaire du syndicat, jugera les résultats des négociations positifs.
Des résultats analogues sont enregistrés dans les autres établissements et la reprise s’effectuera le 18 juin.
La période d’occupation tire à sa fin et à Peugeot le travail reprend le 19 juin ainsi qu’à Berliet après 35 jours de grève dans cette grande entreprise de Vénissieux.

Ailleurs quelques entreprises continueront : à Usinor Dunkerque, à Caterpillar Grenoble, Paris Rhône.
Mais vers le 30 juin on peut estimer que le travail a repris dans toutes les entreprises de la métallurgie.
Une moisson importante d’acquis sociaux sera la marque de 1968. Sur le plan de la syndicalisation de nombreux syndicats doublent leur nombre d’adhérents et la fédération comptera 391317 adhérents actifs fin 1968 alors qu’en 1967 le nombre de syndiqués s’établissait à 287034.

 LES ACQUIS DE 1968

Quelques exemples de ces constats de négociations ou de protocole de reprise du travail recensé par la FTM-CGT et qui ne sont qu’indicatifs de cette grande moisson de l’été 1968.

Les salaires :
Le « SMIG » (salaire minimum interprofessionnel garanti) augmente en 1968 de l’ordre de 35 % ; beaucoup de manœuvres et d’ouvriers spécialisés sont concernés.
L’ensemble des grilles de salaires va se trouver bouleversée et à Hispano Le Havre, Renault, Peugeot les évolutions des autres catégories se situera aux alentours de 10 à 15 %.
Un salaire minimum garanti apparaît à Berliet.
A Hispano Le Havre, on va pousser à la réduction de l’éventail des classifications en ne retenant plus que 4 échelons par catégorie.
A Usinor Dunkerque la plupart des salaires ouvriers sont augmentés et dépassent les 20 % mensuels.
A la C.A.F.L. Firminy, le salaire minimum passe de 600 francs mensuels au 1/6/68 à 640 francs au 1/10/68.
Ce n’est que quelques indications.

La durée et temps de travail :
Dans la plupart des entreprises, l’horaire affiché est de 48 heures.
Les conditions de travail sont dures, la fatigue se lit sur les visages de ces hommes et femmes travaillant à la chaîne où en poste.
L’âge de la retraite est de 65 ans.
Mai et juin 1968, d’âpres négociations s’engagent sur la durée du travail et se dessinent dans les protocoles d’accord des réductions du temps de travail qui ramèneront les horaires aux 40 heures dans les années 70.
Ces réductions d’horaires sont compensées entre 66% et 100%.
Dans la sidérurgie apparaît pour la première fois l’idée d’une cinquième équipe en poste pouvant conduire à 33H 36 les horaires des postés à Usinor Dunkerque.
L’ensemble des sidérurgistes obtient une première étape avec les 42 heures pour le travail en poste continu.
A Firminy apparaît la préretraite à 60 ans. La cinquième semaine de congés payés pour les moins de 21 ans est obtenue conventionnellement dans la métallurgie de la Loire.
A la Thomson Sartrouville, toutes les réductions du temps de travail sont compensées à 100%.
C’est le cas aussi de Peugeot Sochaux où toutes les réductions du temps de travail ramène l’horaire hebdomadaire à 45 heures dans un premier temps.
Partout l’heure est à l’abaissement du temps de travail et ce cycle se poursuivra durant les années 70/80 pour arriver à la généralisation des 40 heures.

 La protection sociale des salariés

Des protections et des statuts privilégient des catégories que l’on a mensualisées avec des avantages en cas de maladie et d’ancienneté.
Les ouvriers n’en bénéficient pas en général.
L’engagement de rediscuter des conventions collectives modifiera cet aspect des choses.
1968 trace ce qu’ensuite le patronat de la métallurgie sera obligé de céder dans des accords nationaux de mensualisation.
Les salaires sont mensualisés à la Thomson Sartrouville et des jours de congés sont obtenus en cas d’enfants malades.
A Berliet, apparaît la protection des militants en matière d’évolution de carrière.
Un statut est étudié en matière de maladie, de capital décès et la prime d’ancienneté des ouvriers est alignée sur celle des employés, techniciens, dessinateurs et agent de maîtrise.
A hispano le Havre un minimum social est obtenu ainsi que la disparition des 3 jours de carence en cas de maladie.
A Firminy, la mensualisation de l’ensemble du personnel est obtenue de même à Usinor Dunkerque.
Ces quelques accords de reprise montre incontestablement tout ce que le patronat lâche dans cette période et cette moisson va être intégré dans des accords nationaux de la métallurgie qui seront discutés dés le début 1969 avec notamment le paiement des jours de maladie des ouvriers et la prime d’ancienneté qui va représenté jusqu’à 17 % des salaires bruts.

 Le droit syndical

Avant 1968, le syndicat n’était pas reconnu dans l’entreprise.
La pratique démocratique des occupations allait bousculer toute une pratique de répression syndicale dès que le syndicat s’exprimait.
La moisson fut extraordinaire.
D’abord la reconnaissance de la section syndicale d’entreprise qui sera confirmée par la loi.
La mise en place de délégués syndicaux avec heures de délégation.
Le droit de réunion autorisée une fois par mois.
L’affichage et la distribution de tracts à l’intérieur à la condition de ne pas gêner la production.
Des locaux mis à la disposition des syndicats avec le matériel nécessaire.
A Peugeot Sochaux, dans l’antre du patronat le plus répressif avec Citroën, la direction couche sur le papier la reconnaissance et l’existence du syndicat et la possibilité de constituer des sections syndicales.
Il est dit, partout, que le section syndicale pourra afficher ses tracts, distribuer la presse, les tracts, et collecter les cotisations syndicales ainsi que réunir une fois par mois les adhérents.
Le syndicalisme s’installe dans les murs de la sacro-sainte propriété privée.
L’UIMM cède.
1968 est un grand moment pour l’affirmation syndicale et que tout ce qui a conquis mérite aujourd’hui d’être rappelé, non pas par nostalgie d’un passé révolu, nous ne sommes plus dans les conditions de vie et de travail de 1968 mais pour utiliser cette expérience pour un syndicalisme qui doit prendre en compte ce que sont ces entreprises aujourd’hui où la précarité règne, où de multiples sous-traitants vivent dans le même site et cela nécessite certainement de nouveaux droits pour réunir des hommes et des femmes qui n’ont pas les mêmes statuts.
Jean Breteau, secrétaire général de la FTM-CGT de 1951 à 1976 résumera de manière forte cet engagement en tirant
huit enseignements devant les délégués du 26eme
congrès tenu à Issy les Moulineaux en
Novembre 1968 :
1°- Démonstration éclatante qu’il est possible de faire
reculer le patronat et le pouvoir, de les contraindre à
accorder des revendications économiques et
sociales repoussées depuis longtemps…
2°- Nul ne peut contester que cela a été possible
grâce à la grande combativité de l’ensemble de la
Classe ouvrière de France. Tous, ouvriers,
Employés, techniciens, qui voulaient obtenir leurs
revendications ont participé activement à la lutte…
3°-C’est l’aboutissement de nombreuses luttes
menées depuis des années sur la base de la juste
orientation et de la tactique préconisée par la CGT,
la FTM…..
4°-Sur les lieux de travail, l’unité a été étroite entre
les travailleurs syndiqués à quelques organisations
que ce soit et ceux inorganisés ; et elle s’est traduite
par l’existence de milliers de comité de grève.
5°-Le cinquième enseignement est un échec
d’ensemble des provocations et manoeuvres de
toutes sortes, qu’elles aient comme origine l’activité
des groupes gauchistes, le pouvoir trouvant en eux
un allié inespéré…..
6°-Soumis à des pressions de politiciens non
désintéressés, influencés par des idées gauchistes,
un certain nombre de dirigeants et d’organisation
CFDT ont eu des attitudes allant à l’encontre de l’unité
d’action, de l’union des forces de gauche(….) le
relâchement caractérisé de l’unité d’action, le manque
d’union des forces de gauches entraînant un
changement dans le rapport de forces, nous avons
été amenés à corriger l’orientation adoptée pour lé
négociations, tout en sauvegardant les possibilités
d’avenir.
7°-La CFDT s’est employée démagogiquement à
semer la confusion en minimisant les résultés
obtenus…..
8°-Ce qui a manqué hier, favorisant la forte poussée
de la droite : un programme commun de toutes les
forces de gauches, doit être l’objectif premier de tous
ceux qui s’opposent véritablement au pouvoir
Gaulliste.
1968 c’est aussi une période difficile dans les
relations internationales avec l’intervention des
troupes soviétiques en Tchécoslovaquie
Cette période 60/70, non seulement les
revendications salariales et les conditions de travail
étaient des revendications fortes dans les entreprises
mais aussi celles des libertés syndicales et cela
compte quand on sait que dans les entreprises
auparavant la répression était monnaie courante
Les années qui conduisirent à 1968 furent dans
des entreprises du type de celles de chez citroên le
moment de relever la tête et d’engager des luttes sur le plan
revendicatif.

Il a fallu des années de débats, de luttes pour arriver à des conquêtes sociales telles celles de 1968 qui ont permises au syndicalisme d’être reconnu à l’intérieur des entreprises.
Les succès de 1968, sur le plan revendicatif, sont toujours présents dans les contenus des feuilles de paie et c’est ces acquis là que le patronat voudrait remettre en cause aujourd’hui avec le pouvoir.

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1968 est attaqué également pour ce qu’il représente : une libération face à un autoritarisme patronal et gouvernemental de l’époque.
La CGT a raison, avec ses instituts d’histoire, d’organiser partout des rencontres pour restituer ce grand moment d’émancipation des travailleurs pour que l’histoire de cette période permette d’appréhender l’avenir et de pousser plus loin les droits des salariés dans les entreprises quelque soient leurs statuts.

 http://ber60.over-blog.com/article-20073115.html

Messages

  • Merci pour cet article qui rend hommage à tous ces permanents syndicaux qui pendant tant d’année ont mis leur vie de famille entre parenthése pour rester dans la lutte ,et défendre les ouvriers,et nos entreprises,c’était une époque ou le syndicat était trés actif.Et surtout merci d’avoir écris ce que la CGT n’a pas fait, un hommage écrit sur l’équipe dont faisait parti mon papa Mr Poyart.J’ai trouvé votre article trés interressant.Trés cordialement.Mme Sanchez Poyart D