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Unité et cohérence (Raoul Marc JENNAR)

Publie le mercredi 11 juin 2008 par Open-Publishing
9 commentaires

L’aspiration à l’unité à gauche est extrêmement forte chez les citoyennes et les citoyens. Je crois même qu’elle l’est à un point qu’on apprécie insuffisamment chez les militants politiques. Je pense qu’elle explique le succès de la campagne du « non » au TCE. Et le succès des appels unitaires qui se répètent.

Conscient qu’il a le nombre pour lui, le peuple de gauche se désespère de l’impuissance de la gauche face à l’offensive d’un capitalisme dont l’arrogance rappelle le 19e siècle du « laisser faire, laisser passer ». Et il s’impatiente des divisions qui se perpétuent. Mais suffit-il de se rassembler pour résister et avancer valablement ?

Quelle est l’utilité d’un rassemblement de partis et de mouvements dont les objectifs et les stratégies divergent ? Une gauche fourre-tout rassemblée est-elle en capacité d’offrir autre chose que l’exemple catastrophique donné par la gauche plurielle ? Faut-il rappeler que c’est la gauche plurielle qui a poursuivi l’œuvre, entamée par le PS, d’ouverture de l’Europe et de la France à une mondialisation néolibérale par ailleurs négociée par les mêmes au niveau international ? Faut-il rappeler les privatisations et libéralisations initiées par Jospin et ses ministres PS, PCF et Verts ? Faut-il rappeler que les privatisations et libéralisations qui ont été décidées depuis 2002 par la droite n’auraient pas été possibles sans les choix du gouvernement Jospin soutenu par le PCF et les Verts ?

Les déceptions du passé ne trouvent-elles pas leur origine dans la confusion des projets et des attentes ?

Avant de rassembler, n’est-il pas plus important de définir sur quoi et en vue de quoi on se rassemble ? N’y a-t-il pas vis-à-vis des citoyennes et des citoyens un devoir de clarté dans les choix et de cohérence dans les démarches ? La confusion et l’ambiguïté, si habilement entretenues à droite lorsqu’il s’agit d’inviter les électrices et les électeurs à choisir, seraient-elles devenues des méthodes de gauche ? Souvenons-nous de la campagne contre le TCE et des arguments employés par des responsables du PS et des Verts pour faire accepter ce projet de société néolibéral. Pouvons-nous faire nôtres de telles méthodes ? A l’heure d’une refondation de la gauche, n’est-il pas temps de s’imposer un minimum d’éthique ?

Je crois pour ma part qu’il n’est pas possible de rassembler ceux qui refusent de faire du capitalisme l’horizon indépassable de l’humanité et ceux qui considèrent qu’il appartient à l’ordre naturel des choses.

Il n’est pas possible de rassembler ceux qui défendent le principe de la propriété sociale et ceux qui considèrent la propriété privée comme un dogme intangible.

Il n’est pas possible de rassembler ceux qui accordent à la question sociale et à la question écologique une même centralité parce qu’elles ont une même causalité et ceux qui refusent de les lier.

Il n’est pas possible de rassembler ceux qui questionnent les finalités de la production et de l’échange et ceux qui cultivent la religion du progrès scientifique et technique comme instrument du progrès social.

Il n’est pas possible de rassembler les écologistes anticapitalistes et les partenaires « éco-réformistes » de la gestion sociale-libérale du capitalisme.

Il n’est pas possible de rassembler ceux que l’avenir des générations futures préoccupe et ceux qui s’en moquent, les adversaires du nucléaire et ceux qui le défendent, les adversaires de la privatisation du vivant et ceux qui la défendent, les adversaires des technologies aliénantes et ceux qui les défendent, ceux qui combattent les nuisances et ceux qui en défendent la production.

Il n’est pas possible de rassembler ceux qui veulent une démocratie avancée dans les institutions et sur les lieux de travail et ceux qui entretiennent les formes modernes de la féodalité et du paternalisme.

Il n’est pas possible de rassembler ceux qui acceptent l’Europe telle qu’elle est avec les politiques qu’elle mène et défend et ceux qui veulent une Europe démocratique et sociale, une Europe moteur des solidarités européennes et internationales, une Europe qui fait avancer la force du droit plutôt que le droit de la force.

Et par-dessus tout, il n’est pas possible de rassembler ceux qui restent aux côtés des plus faibles dans leurs luttes et leurs aspirations et ceux qui se drapent dans les idéaux de la gauche pour occuper le pouvoir et servir les objectifs du patronat.

Il est de notre devoir d’élaborer des choix clairs et de proposer un rassemblement basé sur ces choix. On ne peut pas rassembler des contraires. On ne peut pas rassembler celles et ceux qui les portent. Il y a bien deux gauches. Une gauche qui remet en cause l’ordre établi et une gauche qui se vautre dans le système, une gauche qui lie de façon indissociable exploitation des dominés et destruction de la nature et de la biosphère et une gauche productiviste. On ne peut les rassembler. On ne peut s’allier avec l’une et tenir le discours de l’autre. Ni inversement. L’unité sans la cohérence est un leurre.

Messages

  • le pcf ne cesse de rechercher les conditions d’un rassemblement à gauche, sur la base d’un projet de transformation sociale. Malheureusement ni les gestionnaires socio libéraux ni les gauchistes ne souhaitent se ralier à cette perspectives. Deux unilatéralités qui nous enferment dans l’impuissance. Renforcer le PCF pour en faire le pivot de la gauche est à mes yeux la seule perspective digne d’etre poursuivie parce qu’elle seule pourra imposer l’unité pour le changement.

  • Il n’est pas possible de rassembler ceux qui défendent le principe de la propriété sociale et ceux qui considèrent la propriété privée comme un dogme intangible.

    Dit comme ça, c’est vrai.

    Maintenant, elle commence , la propriété privée ? La plupart des militants politiques sont des possédants : de leur maison (histoire de moins se faire avoir qu’en louant à des proprios), de leur bagnole, canapé, TV, etc. Au PC aussi. Et à ce qui se complaît à se (laisser) définir comme EXTREME gauche, aussi. Et pas question de leur retirer leur PETITE propriété. Et vous voudriez exproprier les Grands propriétaires ?

    Si je suis entré au PC(-F. par accident de l’Histoire), c’est que cette formation (évidemment détestable dans la calcification des rapports sociaux internes, produit là aussi de l’Histoire ; évidemment nécessaire comme "lieu" politique de l’union des démunis) incarne justement deux perspectives contradictoires : combat "révolutionnaire" ET placement institutionnel. Parce que, dans le système dans lequel nous sommes (et là aussi, on peut s’amuser à faire un concours pour nommer l’Innommable), les luttes sans relais institutionnel NE PAIENT PAS. Je le regrette, mais c’est comme ça.

    (Est-ce que je le regrette vraiment, d’ailleurs ? Vu l’état moyen, ou médian, de la Culture ambiante - au sens anthropologique de "Pratiques et Représentations" - le danger du social populisme est bien proche, si nous ne sommes pas déjà en plein dedans. Qu’il y ait, donc, des garanties de pérennité d’un certain MODE DE CONCERTATION, y compris avec le PS, et même une partie de la Droite ! ne me paraît pas insensé. Nous qui défendons, notamment, les acquis du CNR, ne devrions pas oublier qu’il y avait des gens de Droite, là-dedans, et même, quitte à me voir vouer aux gémonies, rappellerai-je qu’une partie de l’Action Française était entrée en Résistance. Parce que la politique sans adversaire c’est le contraire de la VIE.)

    Je le répète, à plus de quatre on est... etc. Mais il faut bien faire avancer le schmilblick de la vie de la cité, donc bien se regrouper. Je ne suis pas partisan du bipartisme. Mais quand-même, à un moment donné, il faut savoir être clair sur les objectifs, et conciliant sur les moyens. Qu’il y ait, d’inspiration "révolutionnaire" de gauche, ou au moins de "radicalité populaire", pas moins de quatre listes à une élection présidentielle me fait simplement halluciner.

    Et il me semble que, si on ne peut pas rassembler les contraires, on a juste oublié ce qu’est la dialectique, chez Platon, puis Hegel, ou Marx (même Nietzsche, l’antidialecticien avait compris ça). ON ne peut pas rassembler les contraires. Ce sont eux-mêmes qui SE DEPASSENT MUTUELLEMENT. Dans la lutte.

    Certes, l’Histoire du PC a ses moments de gloire et ses moments honteux. Non. Ses moments HONTEUX. Là, voilà. Mais n’oublions pas que nous nous sommes séparés de la SFIO en raison du soutien à l’Union Soviétique naissante. Tous ceux qui ne l’ont pas fait ne sont pas simplement des salauds. Une partie de ceux qui l’ont fait en était. Rassembler les contraires ?

    Nous sommes tous des contraires incarnés. Et l’orthodoxie, la parole Une et Droite, si elle a pour rôle de TENIR DES POINTS (Badiou. Qu’on en pense ce qu’on veut, mais là-dessus il a raison, je crois) peut rapidement devenir le contraire de ce que je/nous recherch(ons)e en Vie commune.

    Alors les gars, vous qui depuis 68 perséverez à présenter des listes face au PC, au nom de telle ou telle divergence, parce que "la ligne n’est pas travaillable de l’intérieur", pensez ce que vous voulez.

    Y compris que (puisque vous présentez des candidats aux élections pièges à cons) la ligne sociale démocrate serait PLUS travaillable de l’intérieur.

    Je trouve que LO présente de l’unité et de la cohérence. Et que la Ligue aussi. Et que les Verts aussi. Et que les Anars aussi. Et que les "Alter-" aussi. Et que le PS aussi. Et que les médecins de campagne aussi. Et que les boulangers-pâtissiers aussi. Et alors ?

    Les Réalistes, parce qu’ils tournent en rond (CELA EST, donc j’ai raison de nommer), aussi. Les Nominalistes (qui incarnent le contraire : j’observe des points communs, donc je peux nommer, et donc le NOM existe PLUS que la catégorie en soi) aussi.

    Les contraires ne peuvent pas se rassembler, mais sur ce site, on passe un temps fou à s’engueuler.
    Parce que je crois en le Pouvoir du Peuple (passque si j’avais écrit directement "démocratie", y’en a qui me seraient tombés dessus), parce que je crois en la dialectique, parce que je suis sensible au nominalisme ET au Réalisme, parce que je suis à la fois communiste ET libertaire, parce que je suis un enfant du libéralisme ET de communistes. Parce que je suis à la fois JEUNE et VIEUX.
    Parce que, comme MARX, je n’ai pas à trancher entre Matérialisme et Idéalisme.

    JE suis uni et cohérent (ah, ah !).

    Et m’intéresse avant tout, dans un parti politique, les moyens que nos engueulades peuvent nous permettre de METTRE EN ŒUVRE pour faire avancer nos divergences, nos désaccords. On veut tous soulager la misère, ou l’éradiquer, en préservant nos illusions (ou vestiges, au choix) de "liberté".

    Créez un énième parti, unitaire et cohérent, M. Jennar. Pas de souci. Vous n’êtes ni le premier ni le dernier à décrédibiliser le peu de moyens d’actions qui reste aux derniers élus du peuple qui croient en leur travail (catégorie ne se limitant pas aux communistes du PCF, ne les incluant pas tous non plus, parce que même dans un parti à 2%, y en a encore pour déchirer le plancher avec des dents commack !).

    Incarnez la rigueur du PENSER DROIT. Du VRAI, du BIEN, du BEAU.

    Mais laissez-nous discuter et agir ENSEMBLE, avec Tous ceux qui veulent bien, même pour des motifs qui nous échappent. Avec nos incohérences, avec nos désunions.

    Avec VOUS.

    Bien cordialement,

    D@v !d B.

    • Et bien voilà, c’est clair et moi je respecte tes idées d’Alternance !
      Mais avoue que le PS est peut être un meilleur outil pour cela mais
      ça te regarde !!! le problème au Parti, c’est que ceux qui s’inscrivent
      dans une orientation d’ALTERNATIVE peuvent s’exprimer en paroles,
      dans les cellules quand elles existent ou dans des Assemblées de
      sections et puis après point barre ! c’est cela le verrouillage organisé ...
      pour la nouvelle formule d’alternance qui sortira du prochain congrès !

  • LE BRIS RENE,

    Je crois que tu as mit encore plus précisément le doigt que notre ami Jennar sur la démarche en relevant qu’elle doit être comparable à celle qui avait prévalu à la création de l’Internationale communiste.

    Là où Raoul Marc met à juste titre en valeur des contradictions insolubles, la démarche construite sur des conditions d’adhésion à minima, similaire par la méthode, aux conditions d’adhésion lors de la création des PC au lendemain de la 1ere guerre mondiale me parait finalement une bonne démarche.

    Des conditions rigoureuses (différentes d’il y a presque 1 siècle) devraient permettre des clarifications politiques utiles (ce qui ne signifie pas ne pas passer d’alliance avec des forces ne remplissant pas ces conditions, mais ça permettrait au moins de faire des regroupements politiques sur ces minimas rigoureux ).

    A réfléchir.............