Accueil > NOUS N’IRONS PAS A BOBIGNY : societaires comedie Francaise

NOUS N’IRONS PAS A BOBIGNY : societaires comedie Francaise

Publie le mardi 14 octobre 2008 par Open-Publishing

Pour ceux qui suivent le feuilleton, il y a un rebondissement majeur dans l’OPA de la Comédie Française sur la MC 93 : la troupe du Français organise la fronde et se désolidarise de son administrateur...

Ci-joint l’article de René Solis dans Libé et la bataille des communiqués de presse qui a suivi celui de la troupe. Albanel y fait part de "sa perplexité".

C’est vrai qu’on ne peut rester que perplexe devant ce mélange de maladresses politiques et d’avidité de pouvoir de la part du tandem Albanel/Mayette.

E


LIBERATION
"Nous n’irons pas à Bobigny."
La troupe de la Comédie-Française renonce dans un communiqué à jouer à la MC 93 de Bobigny. Cet ultime retournement pourrait marquer l’enterrement d’un projet bien mal ficelé.
RENE SOLIS

Dans l’histoire de la Comédie-Française, c’est une règle tacite : guerres des clans, coups bas et autres croche-pattes ont beau faire rage, on lave son linge sale en famille. Bien sûr de temps à autre une voix discordante se fait entendre, un sociétaire choisit de faire connaître publiquement les raisons de son départ tel, ces dernières années, un Philippe Torreton. Mais une fronde publique de la majeure partie de la troupe contre son administrateur et contre le ministère de la Culture, cela ne s’était jamais vu. L’affaire du mariage entre la Comédie-Française et la MC 93 de Bobigny aura eu raison de cette omerta.
Muriel Mayette, l’administrateur du Français, et surtout les services du ministère, récoltent les fruits amers d’un dossier mal conçu, où les bonnes intentions initiales - ouvrir la troupe à de nouveaux publics, sortir des beaux quartiers - n’auront pas résisté à l’opacité d’une opération lancée sans que la MC 93, premier intéressé, soit consultée.
Lancée notamment à l’initiative de Denis Podalydès, figure emblématique de la Comédie-Française, la pétition a été signée par une nette majorité de la troupe. La publication, sur le site du ministère de la culture, des détails du projet de rapprochement, annoncé le 7 octobre à Bobigny, a été ressentie comme une provocation. Muriel Mayette publie elle aussi, un communiqué, où elle tente de minimiser la fracture.

Echange de communiqués de presse
VERBATIM
La troupe de la Comédie-Française et la direction se répondent par communiqués interposés

Communiqué à la presse de la Troupe de la Comédie-Française.

Nous, la troupe de la Comédie-Française, refusons que les théâtres publics entrent en guerre les uns contre les autres. Nous n’irons pas à Bobigny, sans une concertation préalable de l’ensemble des directeurs des théâtres de la Région parisienne, dans la mesure où ces établissements sont liés les uns aux autres par la même mission de service public. Nous refusons de nous installer dans un théâtre contre ceux qui le dirigent, le font vivre.

Il est vrai que la Comédie-Française fait voeu d’obtenir, depuis des années, une grande salle modulable qui lui permette de mieux répondre aux dramaturgies contemporaines, aux avancées scénographiques, aux évolutions de l’art de la mise en scène. Le projet Bobigny vient dans ce cadre, et fut proposé par l’Etat à titre de projet à étudier, sans décision d’aucune sorte, pour un avenir lointain qui ne signifiait en rien une quelconque annexion de la M.C 93. Nous en étions encore là il y a quelques semaines. La publication de ce projet, annoncé comme décidé et imminent, a plongé les uns dans la stupéfaction, l’incompréhension, les autres dans la colère, la révolte. On le comprend aisément.

La situation est telle aujourd’hui qu’il nous paraît nécessaire de décliner la proposition de l’État, dans un premier temps, de nous concerter dans un second temps, avec l’ensemble des personnes concernées, directeurs de théâtre subventionné, responsables politiques, la liste n’est pas exhaustive, bien sûr, afin d’étudier les moyens de ne pas laisser la M.C 93, riche d’histoire, d’exigence et de vie, disparaître peu à peu, purement et simplement, comme il semblerait programmé. Il y va bien sûr de la cohésion, de la diversité et de l’avenir de l’ensemble des théâtre publics, dont la Comédie-Française affirme aujourd’hui être à la fois non seulement solidaire, bien évidemment, mais aussi, comme chacun de ces théâtres, responsable, tant il est vrai que la mission artistique que nous entendons défendre nous engage les uns et les autres, les uns envers les autres. Nous refusons d’être des entreprises concurrentes et prédatrices, nous voulons être des institutions particulières, différentes et différenciées, mutuellement respectueuses et loyales.

La Troupe de la Comédie-Française.

Communiqué à la presse de Madame Muriel Mayette,

administrateur général de la Comédie-Française.

Au sujet du rapprochement de la Comédie-Française et de la MC93 de Bobigny.

La Comédie-Française veut obtenir depuis longtemps les moyens d’augmenter sa troupe et de s’engager dans de nouvelles perspectives créatrices. Il nous a été suggéré d’investir un territoire géographique et culturel nouveau, d’y apporter nos savoir-faire, nos expériences, notre énergie. Après plusieurs hypothèses, la proposition a été faite par notre tutelle de rapprocher la Comédie-Française de la Mc93 de Bobigny dont personne ne souhaite l’affaiblissement. Cette idée touche à une histoire que nous connaissons, que nous respectons. Le projet d’associer à ces deux institutions aussi complémentaires dans leur passé, leur statut et leur mission, ne peut se concrétiser que si nous en obtenons les moyens. Nous devons prendre le temps et la réflexion d’une construction commune, sans qu’aucune des parties ne s’estime amoindrie. Nous devons peser les forces et les faiblesses de nos projets, et apaiser les inquiétudes. Je rencontre Patrick Sommier le mardi 14 octobre pour y travailler.

J’entends les craintes de nos professions et les alarmes de nos pairs. Je partage le sentiment de la troupe de la Comédie-Française, mais la polémique médiatique ne doit pas entamer la générosité d’une utopie artistique et historique. L’engagement des Comédiens-Français, comme la mobilisation des artistes autour de la MC 93 prouve la nécessité d’une concertation. L’engagement de l’Etat, des collectivités locales et de nos homologues est indispensable. Aux côtés des artistes et des responsables des institutions, le ministère, le département et la ville mènent une réflexion concrète pour associer nos moyens et nos expériences. Nous avons pris acte de cette volonté.

Un tel projet ne doit plus susciter ni l’inquiétude ni la suspicion, puisque le seul objectif qui est le nôtre depuis toujours demeure d’enrichir nos arts de nouvelles rencontres, de vivre en phase avec notre cité et notre temps, d’ouvrir encore nos salles à des spectateurs plus nombreux, diversifiés et curieux, et de répondre enfin aux attentes et aux exigences de nos artistes et de nos publics, dont personne ne peut prétendre qu’ils sont en guerre les uns contre les autres.

Muriel Mayette,

administrateur général de la Comédie-Française.

Communiqué à la presse du Ministère de la Culture

Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, s’interroge sur la réaction de la troupe du Français face au projet de collaboration entre la Comédie-Française et la MC93 de Bobigny, projet qui a été initié par son administrateur général, Muriel Mayette, après un processus de concertation avec les sociétaires.

La ministre tient à faire part de sa perplexité devant la méthode retenue par les sociétaires : le refus, puis la discussion, alors même que lundi 6octobre, la MC 93 et la Comédie-Française ont manifesté leur intention d’engager une réflexion sur un sujet commun. Elle rappelle que toutes les collectivités publiques concernées, d’horizons politiques les plus divers, sont rassemblées autour de cette proposition de collaboration, qui allie l’excellence artistique à la proximité avec tous les publics. Aujourd’hui, l’heure est donc à la définition d’un projet artistique commun et équilibré. A cet égard, la discussion débutera dès mardi 14 octobre entre Patrick Sommier et Muriel Mayette, sous l’égide du ministère de la Culture et de la Communication. La ministre en appelle au sens de la responsabilité de chacun, et sollicite l’engagement de tous autour de cette ambition majeure pour ce territoire, où l’accès à la culture est un enjeu de développement encore plus vital qu’ailleurs.

Paris, le 9 octobre 2008