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Mexique un Tchernobyl des Ogm

Publie le vendredi 31 octobre 2008 par Open-Publishing
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La contamination génétique du maїs dans la province de Chihuahua au
Mexique est une nouvelle gravissime et met une fois de plus en exergue les
méthodes les plus basses auxquelles sont disposées Monsanto et les
multinationales de la biotech pour s’emparer de l’agriculture, de
l’alimentation et de la souveraineté du Mexique.

En Septembre déjà, la Sargapa, le ministère mexicain de l’Agriculture,
avait reconnu l’existence d’une plantation illégale de 70 hectares de maїs
transgénique à Chihuahua, tout en annonçant qu’elle prendrait des mesures
pour sanctionner cet acte. Une mesure tardive et hypocrite puisque cela
fait déjà plus d’un an que le Frente Democrático Campesino de Chihuahua
(FDCCh) et El Barzón, avec l’appui de Greenpeace, avaient détecté et
dénoncé les cultures illégales dans l’Etat du Chihuahua mais le
gouvernement n’avait rien fait (voir cet article).

En fait, il a fait
beaucoup. Les autorités du Sargapa ont initié une campagne interne en
faveur des OGM afin d’obtenir des autorisations pour Monsanto et la mise
en culture de son maїs transgénique, ce qui reviendrait à légaliser a
posteriori la contamination. Greenpeace a même dénoncé le ministère de
l’Agriculture pour avoir réalisé illégalement des essais d’OGM en plein
champ, alors même que la loi Mexicaine l’interdit.

Cette fois la fraude est encore plus grave. Selon des témoignages de
producteurs locaux recueillis par la FDCCH, les vendeurs de semences de la
région auraient re-emballé plus de 3000 sacs de graines de maїs pour y
mélanger illégalement des graines transgéniques. Les organisations de
protection de l’environnement estiment que la contamination génétique
pourrait toucher jusqu’à 25000 hectares de culture.

Il s’agit d’un véritable Tchernobyl génétique puisque le Mexique est le
centre historique et originel du maїs, sa contamination pourrait avoir des
effets potentiellement destructeurs non seulement pour le pays et sa
biodiversité mais il s’agit aussi, comme le pointe Victor Quintana de la
FDCCH, « d’un coup féroce contre l’agriculture paysanne et indigène ». Le
maїs est cultivé par les populations mexicaines et indigènes depuis plus
de 10 000 ans, il est le coeur de leur économie, de leur autonomie et de
leur culture.

Mais quel est l’intérêt de mélanger des graines transgéniques avec les
semences traditionnelles alors que les graines transgéniques sont plus
chères ? Cette fraude serait vraiment le pire coup économique en terme de
rentabilité. Malheureusement, le but de cette fraude n’est pas de
s’enrichir dans l’immédiat, non, cette fois il s’agit de la volonté
délibérée de provoquer une contamination généralisée des semences de maїs
pour en forcer la légalisation de fait et ouvrir un nouveau marché pour
les semences transgéniques, qui sera cette fois très lucratif pour
Monsanto.

La contrebande et la contamination intentionnelle font parties du
répertoire de Monsanto qui, non content de contrôler 87% du marché des
semences transgéniques, cherche à s’imposer par tous les moyens dans les
pays récalcitrant aux OGM. C’est ainsi que le soja transgénique a déjà été
introduit illégalement au Paraguay et au Brésil, pour créer une situation
de fait ne laissant plus aucun choix aux gouvernements sauf celui
légaliser les cultures (voir cet article).

Une fois cette formalité
entérinée, Monsanto se retourne alors contre l’Etat et les producteurs
pour réclamer les royalties qui lui sont dues au nom des brevets qu’elle
possède. Une situation qui ne manquera pas de se reproduire au Mexique.

Pour Monsanto, il est fondamental de contrôler le marché mexicain du maїs
puisque il s’agit du quatrième producteur mondial. Bien que l’entreprise
dispose aussi de semences non transgéniques, avec de meilleurs rendements
d’ailleurs, elle veut vendre son maїs GM à tout prix car ses semences sont
sous brevet ce qui justifie un prix plus élevé et permet d’empêcher la
conservation des semences pour la saison suivante. Monsanto n’oubliera pas
de vendre au passage quelques milliers de litre de Roundup aux
agriculteurs mexicains.

L’assaut des entreprises de biotechnologie contre le marché des semences
est un véritable acte de vandalisme. Alors qu’il y a moins de quarante
ans, les semences circulaient librement et étaient encore dans les mains
des paysans ou d’institutions publiques, aujourd’hui 82% du marché des
semences commerciales est sous le régime de la propriété intellectuelle
(Brevet ou Certificat d’Obtention Végétale). De ces 82%, Monsanto,
Syngenta y DuPont contrôlent quasi la moitié (47%) du marché mondial.

La collaboration – par action ou inaction- dont font preuves les autorités
mexicaines à l’égard de ces multinationales, pour les aider à mettre la
main sur le maїs et la vie des habitants du pays, est un véritable crime
historique. En un mandat, ce petit groupe de fonctionnaires se prétend en
droit d’offrir à six entreprises multinationales non seulement l’héritage
de 10 000 ans de culture et de traditions des peuples d’Amérique centrale
mais aussi la souveraineté alimentaire du Mexique. Cependant la majorité
du patrimoine des espèces de maїs (rouge, noir,…) reste dans les mains des
peuples indigènes qui les ont créées. Comme l’ont déjà annoncé les
organisations du Chihuahua et beaucoup d’autres « s’ils continuent de nous
pousser à bout, il ne nous restera d’autre solution que de nous lancer à
l’assaut des champs infestés par les transgéniques. »

Source : Journal La Jornada (Mexique), 11 octobre de 2008 par Silvia
Ribeiro Grupo ETC

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