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Lettre ouverte à J-F Julliard, secrétaire général de Reporters sans Frontières

Publie le jeudi 18 décembre 2008 par Open-Publishing
12 commentaires

Appel à défendre Muntadar al Zaidi

de Maxime Vivas

Monsieur le secrétaire général,

En avril 2003, G.W. Bush décrétait que la guerre en Irak était finie.
En juillet 2003, RSF publiait un rapport intitulé : « Les médias irakiens trois mois après la guerre. Une liberté nouvelle mais fragile ».
On y lisait : "Voici trois mois qu’un vent de liberté souffle sur la presse irakienne…", mais aussi que "Le décret 7 de l’administrateur Paul Bremer, fin juin 2003, interdit et réprime, entre autres l’incitation à la violence contre les forces de la coalition".

En clair, rien ne peut être dit dans la presse contre l’occupant, toute critique de l’envahisseur étant assimilée à une incitation à le bouter dehors.

Muntadar Al Zaidi vient de faire voler en éclat cette censure. Pour cela il doit être défendu.

Reporters sans frontières dispose d’un réseau, appelé Damoclès, dont la fonction est de soutenir devant la Justice les journalistes emprisonnés.

C’est le moment de l’activer. Non pas pour cautionner le lancer de chaussures à la tête des conférenciers, mais parce que ce journaliste-là n’avait pas d’autre moyen d’exprimer dans les médias irakiens et aux yeux du monde, un reproche au chef des envahisseurs venu pérorer devant lui après avoir dévasté son pays, pillé son pétrole et ses musées, tué 800 000 civils d’après certains, un million d’après d’autres.

Parmi les victimes, figure une partie de la famille de Muntadar Al Zaidi.
222 journalistes ont été assassinés en Irak depuis le début de l’invasion. Vous indiquez sur votre site qu’entre 2003 et 2006, 12% d’entre eux sont tombés sous des tirs états-uniens.

200 avocats ont déjà fait savoir qu’ils souhaitent assurer gratuitement la défense de Muntadar Al Zaidi. On ignore à ce jour dans quel bagne il est encagé. Des milliers d’irakiens ont défilé dans la rue pour exiger sa libération.

Le film du lancer de chaussures nous montre que le journaliste était en parfaite santé après le deuxième jet. Or, il « a été hospitalisé à l’hôpital Ibn Sina car il a un bras et des côtes cassées et souffre de blessures à l’oeil et à la jambe » a affirmé son frère à l’AFP. On apprend par ailleurs qu’il souffrirait aussi d’un traumatisme crânien. Il a donc été sévèrement tabassé alors qu’il était inoffensif.

A Washington, le département d’Etat a averti qu’il condamnerait d’éventuelles violences infligées au journaliste par les forces de l’ordre après l’incident de Bagdad.
« Nous condamnons bien évidemment tout recours inutile à la force à l’encontre d’un journaliste », a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine Robert Wood, tout en assurant ne pas savoir si M. al-Zaïdi avait effectivement été frappé et qu’il condamnerait d’éventuelles violences infligées au journaliste par les forces de l’ordre après l’incident de Bagdad. Ce qui prouve que l’humour (noir) n’est pas l’apanage des Anglais.

RSF a publié un communiqué implorant la clémence du gouvernement mis en place par l’occupant. Mais il est de votre devoir, d’intervenir autrement qu’en paroles, autrement que par un communiqué platonique.

Il faut exiger que Washington condamne, comme il s’y est engagé, le « recours inutile à la force à l’encontre d’un journaliste », puisque l’on constate des « violences infligées au journaliste par les forces de l’ordre après l’incident de Bagdad ».

Vos liens particuliers avec les USA vous positionnent avantageusement pour intervenir auprès des envahisseurs, qui sont en mesure de faire cesser les sévices.

En effet, le rapport « Commission for Assistance to a free Cuba « (458 pages) remis au début du mois de mai 2004 par Colin Powell à Georges Bush vous distingue parmi des centaines d’autres ONG. A presque toutes les pages (et jusqu’à dix fois à la page 77), Powell fait appel aux ONG. Une seule, est nommée (dès la page 20) comme on cite le bon élève : Reporters sans frontières (associating Reporters Without Borders).

Personne ne comprendrait que RSF tolère que Muntadar al Zaidi continue à être maltraité en secret, sauf à y voir une collusion de votre organisation avec un pays qui vous verse des subsides depuis 2002.

Vous avez su, au mois d’avril décorer de banderoles revendicatives la Tour Eiffel et Notre-Dame de Paris. Fort de votre expérience, agissez ainsi pour ce journaliste que l’opinion publique mondiale (y compris aux USA) ne condamne pas.

Vous avez su cadenasser à Paris les grilles de l’ambassade d’un pays du tiers monde, refaites-le à l’ambassade états-unienne à Paris. Ou à celle de Bagdad si vous croyez qu’elle ne dépend pas de la première.

Vous avez su faire connaître, parmi les centaines de journalistes assassinés depuis 10 ans à travers le monde, le nom d’Anna Politkovskaïa. Faites de même pour un journaliste d’un pays occupé, qui n’a blessé personne et dont le geste n’eut pour conséquence que de rendre visible l’opinion de la rue irakienne dans le monde entier.

Vous avez su établir d’éphémères liaisons radios et créer des sites Internet à destination de pays dont vous vouliez dénoncer le comportement à l’égard de la presse. Refaites-le en Irak et aux USA.

Vous avez manifesté devant l’UNESCO, déguisés en bagnards, refaites-le devant les ambassades d’Irak et des Etats-Unis à Paris.

Vous disposez d’un budget de plus de 5 800 000 euros pour venir en aide aux journalistes. Usez-en pour que la famille (ce qu’il en reste) de Muntadar al Zaidi puisse survivre pendant sa détention.

Vous avez su organiser avec Médiapart deux rencontres au théâtre du Rond-Point à Paris. Organisez la troisième sur un sujet qui remplira la salle.

Vous avez su distribuer des tracts dans les aéroports pour dissuader des touristes Français d’embarquer pour les Caraïbes. Revenez-y en tractant devant les salles d’embarquement pour Bagdad et New York.

Vous avez organisé une conférence de presse à l’hôtel Hilton de Caracas pour soutenir une chaîne de télévision complice de putschistes qui appelèrent à l’assassinat du président élu. Agissez de même depuis Bagad pour soutenir celle qui employait un lanceur de chaussures contre un président venu narguer un peuple écrasé par son armée.

Vous avez su impulser les actions des partisans de l’indépendance du Tibet, persévérez avec les mêmes procédés pour celle de l’Irak débarrassée d’un intrus botté qui « interdit et réprime » les écrits des journalistes patriotes.

Hélas, vous avez su aussi oublier pendant deux ans un journaliste innocent (Sami Al Haj) à Guantanamo, et attendre, pour demander la fermeture de ce bagne où croupissaient des journalistes, qu’Amnesty International, l’Union Européenne, l’ONU l’aient exigé solennellement.

Ne renouvelez pas ce genre d’« erreurs » : exigez la fermeture des bagnes de Bagram en Afghanistan et d’Abou Ghraib en Irak.

Enchaînez-vous aux grilles de Guantanamo. Protestez dans des combinaisons orange devant les barbelés de cette zone de non droit.

Et surtout, agissez sans relâche pour Muntadar al Zaidi.

Dans l’improbable hypothèse où vous en resteriez à des communiqués sur votre site Internet, nul ne comprendrait en quoi l’association RSF d’aujourd’hui est différente de celle qui fut longtemps dirigée par un homme désormais salarié d’une dictature arabe (le Qatar) où la presse n’a pas le droit de critiquer la famille régnante.

Veuillez agréer, monsieur Julliard, l’expression de mes sentiments attentifs au sort des journalistes.


* Maxime Vivas est écrivain et auteur notamment de « La face cachée de Reporters sans frontières. De la CIA aux Faucons du Pentagone », éditions Aden.

Messages

  • Merci ! encore merci M. VIVAS vous avez su dire avec des mots justes ce que "peut-être" tout un chacun a dans un coin de sa tête et attend de la part de cette association subventionnée par (!!) on aimerait le savoir quand même ..... J’ai boycotté RSF , zappé les médias dès l’apparition à l’écran d’un certain Menard.... je ne connais pas encore ce J.F Julliard mais en effet , on attend, on espère que lui aussi va s’enchaîner... accrocher des banderolles à la Tour Eiffel... faire son boulot quoi ! LA DEFENSE ET LE DROIT A LA LIBERTE D’EXPRESSION DE TOUS LES JOURNALISTES QUI FONT LEUR TRAVAIL DANS LE MONDE ENTIER SANS DISTINCTION DE NATIONALITE S’IL VOUS PLAIT ...
    Merci encore ...

  • Bravo et merci, Maxime.

    Mais je crains fort que RSF ne soit trop occupée à suivre pas à pas le service de presse du dalaï lama pour avoir le temps de se pencher sur le sort de Muntadar al Zaidi.

    PS : Je ne savais pas que Ménard avait, enfin, le pauvre, retrouvé du travail !!! Des Précisions STP !

    • Article fort juste auquel j’adhere. Alors un grand merci a Maxime vivas qui nous apprend ceci :

      "Parmi les victimes, figure une partie de la famille de Muntadar Al Zaidi. 222 journalistes ont été assassinés en Irak depuis le début de l’invasion. Vous indiquez sur votre site qu’entre 2003 et 2006, 12% d’entre eux sont tombés sous des tirs états-uniens"

      C’est honteux ! Si Bush veut rendre son honneur au peuple etatsunien il ne doit pas abuser de l’hospitalite des irakiens en les massacrant.
      C’est ce qui explique le geste desespere de ce journaliste.

    • Tout sur Ménard au Qatar.

      Robert Ménard dirige« le Centre for Media Freedom » à Doha. RSF est cofondatrice avec l’émirat de ce « Centre pour la liberté de l’information » créé en décembre 2007.

      Le Qatar est un pays peuplé de moins d’un million d’habitants, gorgé de pétrole et dirigé par le cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, chef de l’Etat comme le fut son père et comme le seront ses descendants.

      Il attribue au centre de Ménard une dotation annuelle de 3 millions de dollars.

      Ce pays est-il le pire qu’on puisse trouver dans sa région ? Non, il existe autour de lui des dictatures d’un obscurantisme plus grand.

      Attendons-nous d’ailleurs à voir bientôt nos médias, aiguillonnés par Ménard, nous expliquer sous peu les mille et un mérites du Qatar.

      Ménard concède cependant que l’émirat, 79e du classement 2007 de la liberté de la presse de RSF, peut encore « faire des progrès en la matière ».

      Et pas qu’en cette matière, d’ailleurs. En effet, le Qatar connaît-il des déficits de démocratie uniquement avec la presse ? Non, si l’on en croit l’organisation Amnesty International.

      Les tribunaux continuent de prononcer des condamnations à mort et des peines de flagellation.

      Les autorités n’ont pris aucune mesure appropriée pour mettre fin à la discrimination et aux violences contre les femmes.

      Les travailleurs migrants sont durement exploités, certains ne sont pas payés, ceux qui protestent sont interpellés, maltraités, puis renvoyés dans leur pays.

      Après une visite au Qatar la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, a exprimé sa préoccupation à propos des travailleurs immigrés victimes de traite d’êtres humains.

      On compte au moins 22 prisonniers sous le coup d’une sentence capitale.

      Aucune enquête n’a été menée par les autorités du Qatar sur les actes de torture et les mauvais traitements qui auraient été infligés à au moins 31 prisonniers condamnés pour leur participation présumée à une tentative de coup d’Etat.

      Le droit du Qatar ne comporte pas une définition de la torture conforme aux normes internationales, les procédures d’arrestation et de détention sont susceptibles de favoriser le recours à la torture contre les suspects.

      Quant à la presse il lui est interdit d’exprimer toute critique contre la famille régnante ou d’avancer toute idée de changement politique.

      Résumons : Ménard, donneur universel de leçon, travaille pour une monarchie polygame où la violence contre les femmes n’est pas illégale, où les lois découlent non pas des élus du peuple mais de la charia (loi musulmane), où la liberté de la presse est restreinte, où les travailleurs immigrés subissent un quasi-esclavagisme, tandis que perdurent la flagellation, la torture et la peine de mort.

      Depuis sa reconversion dans ce pays, un des plus riches du monde, Robert Ménard a déjà proféré quelques mensonges.

      Le premier, est que son salaire n’a pas été négocié. Il part sans savoir s’il va être payé comme un manœuvre Népalais qui n’a pas intérêt à prononcer le mot « syndicat ».

      En vérité, et alors que le centre ne fonctionne que depuis quelques semaines, RSF reçoit depuis un an 10 000 dollars par mois en provenance du Qatar. On attend de savoir combien Ménard touche depuis qu’il travaille.

      Le deuxième mensonge est que son Centre n’est pas une maison d’accueil de journalistes. Il est, à ce jour, une maison d’accueil de journalistes femmes. Il va ouvrir une seconde maison pour les hommes. Cette discrimination qui ferait hurler RSF si elle existait en France ou dans un pays d’Amérique latine en lutte contre l’hégémonie des USA, ne le choque pas au point de lui faire claquer la porte en criant des injures.

      Enfin il affirme que le Qatar est le seul pays arabe où l’on peut réunir des journalistes musulmans et juifs. C’est évidemment faux.

      Et d’ailleurs, pourquoi aller si loin ? On peut les réunir en France, et sans séparer les hommes des femmes.

      Il semblerait que Ménard ait été "démissionné" avec conseil d’aller se faire oublier. Il aurait pu cependant choisir dans son document "classement de la liberté de la presse" un pays plus attaché à la démocratie, et tant pis s’il est moins généreux.

    • Ben ! Ca en fait des éléments précieux qu’on lui file, à ce pays des droits de l’homme !

       Notre menard
       Notre fric, qu’on est censé pas avoir : cadeau !
       Notre Louis, fils du président (mais pas encore roi, il est trop petit)

      Voir : http://www.bellaciao.org/fr/spip.ph...

      petit Louis est finalement inscrit au lycéefrançais de Doha...

      Le Qatar serait un pays particulièrement méritant, intéressant, pour que la fine fleur de notre France s’y rende massivement ? Ou alors "interessant", pris au sens concret...

      Menard sera-t-il un bon parrain pour p’tit Louis ?

  • Voilà ce qui manque énormément à la Gauche, de Libé à l’huma =
    ce ton qui exprime la colère de milliers voir de millions de citoyens(nes) !
    Et la grèce est actuellement un bon exemple = c’est AUSSI dans la rue
    que le rapport de force se fait et non par des gesticulations sans effets
    dans un parlement ! Nous verrons le 29 Janvier et surtout le lendemain
    du 29 comment cette gauche va entamer la résistance sociale !!! Heureu-
    sement, des alternatives nouvelles se construisent = NPA, Parti de Gauche,
    Communistes Unitaires sans compter quelques oppositions restantes au
    PCF agonisant ! Merci Maxime, c’est un beau cadeau de Noël que tu nous
    envoie !!!!

  • Et si les "Comités Bettencourt", lâchés par leur Sainte Patronne, se reconvertissaient en "Comités Muntadar" ?

    Non ? ... J’ai dit une connerie ?

  • Vous avez mit le doig dans la blesure !!!Certe !!! c’est le moment que RSF nous
    montre son vrai coté !. A qui tu representes RSF ? au Transnationales ou a les journalistes ? dit-nous !!!!montre-nous !!en étant le defensor de un courageus journaliste Irakien !!!!!C’est le moment ou jamais !!! Reinvindique tes principes ou
    mort dans nos esprit !!!!

  • BRAVO ,MONSIEUR

    Il est donc écrit qu’aucun journaliste ne doit dépasser du rang (serait t’il déja classé parmi les terroristes !)

    En attendant ,il a eu le courage de balançer une gaudasse à la figure d’un de ces magna du pétrole fait président d’un des plus grand état du monde avec la plus cynique politique étrangère qui soit .

    Aura t’on un jour le courage de traduire ce président ,pour crime contre l’humanité ,devant un tribunal internationnal ?

    On peut toujours rèver , mais imaginez que ce soit Fidel Castro qui ai commis les mêmes attrocités..........

    En attendant comme syndicaliste , a mon humble niveau j’apporte mon total soutient à ce journaliste.

    Jean Claude Depoil

  • je suis tout a fait d ’accord avec cet article, j’avais commencé à sourire bien évidemment ( http://domi40.wordpress.com )comme beaucoup d’entre nous à cet acte posé par le journaliste, cette façon si inattendue de faire sauter l’espèce de loi du silence face aux politiques . C’est d’autant plus fort que l’attaque est innofensive mais fait autant de bruit qu’une bombe, oui mais là bas tout est condamnable....je n’avais pas trouvé de pétition, de lien web d’acces vers l’Irak pour manifester via un mail mon soutien, et je me suis tournée vers RSF et leur relai sur cette partie du monde, en espérant que cela puisse être utile...

  • RSF est un organe de propagande financé en grande partie par les ploutocrates anglo étasuniens qui ont commandité les attentats du 11 septembre 2001 ceux de Madrid le 11 mars 2004 ceux de Londres en juillet 2005 et les guerres coloniales de pillages de l’Afghanistan et de l’Irak.. Une petition se trouve la

    http://www.indigenes-republique.fr/article.php3?id_article=292