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Avis de coupures, par plusieurs syndicalistes CGT à EDF

Publie le mercredi 23 juin 2004 par Open-Publishing
3 commentaires

21.06.04

Aux coupures de classe pour cause de pauvreté ou de profits boursiers, à l’électricité devenue marchandise, nous opposons la continuité du service public.

D’après un sondage, publié dans l’édition du 15 juin du Parisien, 77 % des Français se prononceraient contre les coupures d’électricité. Le 7 juin au matin, les syndicalistes d’EDF auraient-ils commis la coupure de trop ? On assiste à un véritable déferlement politico-médiatique pour dénoncer la "prise en otage" de quelque 500 000 Franciliens usagers de la SNCF. De Devedjian à Lang, dans leur entrain, certains même dépassant les limites de la caricature : preneurs d’otages cagoulés et terroristes hier, grévistes, pourquoi pas tortionnaires aujourd’hui ?

Au-delà des effets excessifs dus à l’exercice, l’argument de la défense des usagers et du principe de continuité du service public mérite bien qu’on en débatte. Personne ne le nie, la grève perturbe. D’autant plus si celle-ci concerne le service public, dont, par nature, l’activité est essentielle à la vie quotidienne. L’électricité en est un exemple parfait.

Invitons nos censeurs à se pencher sur les raisons mêmes de l’action de grève avec coupures. Savent-ils que, chaque jour, des milliers d’usagers, 1 500 pour la seule région Ile-de-France, sont délibérément coupés à la demande d’EDF-GDF pour cause de pauvreté et de factures impayées ? Coupures, celles-ci à domicile et permanentes, qui interdisent les gestes les plus ordinaires de la vie quotidienne. Cela ne justifie certes pas les coupures de la grève, mais nous ne pouvons prendre au sérieux les chantres occasionnels de la "continuité du service public" lorsque ceux-ci s’y consacrent de façon sélective.

Certaines coupures sont pour eux tout à fait légitimes et ne suscitent aucune interrogation quand d’autres déclenchent leurs campagnes de haine. Leur seule raison de les condamner reste liée à leur nature : les coupures de la grève. L’argument ne vaut pour eux que lorsqu’il sert à combattre celles et ceux qui s’opposent à leur politique de privatisation avec les armes dont ils disposent.

Entend-on ces chantres de l’indignation ordinaire s’offusquer des pratiques maintenant admises parmi les opérateurs privés européens, qui n’hésitent pas, comme en Espagne, à couper des quartiers entiers afin d’assurer de juteux contrats de vente à l’exportation lorsque les prix du kilowattheure explosent à la Bourse ? C’est ce modèle qu’ils défendent, celui des coupures, banal outil permanent de régulation.

Depuis plusieurs années, les privatiseurs, déguisés en farouches défenseurs du service public, préparent la population à supporter des coupures techniques en informant les usagers d’une déduction de 2 % de leur facture, en cas de défaillance du réseau électrique occasionnant une coupure d’une durée supérieure à six heures consécutives !

Les défaillances techniques évoquées n’ont bien évidemment rien à voir avec des coupures causées par des intempéries ou dues à une grève. Cette disposition tarifaire officialise de façon structurelle la rupture avec la continuité de service, un des principes fondateurs du service public. Cela démontre, si besoin était, que marché et service public sont deux concepts antagoniques.

La coupure de la gare parisienne Saint-Lazare du 7 juin dernier préfigure, à toute petite échelle, les coupures qui ne manqueraient pas de se multiplier si la concurrence régnait en maître sur le secteur de l’énergie. Californie, Grande-Bretagne, Italie, Canada, tant d’exemples de grandes pannes et d’effondrement total des réseaux nous le rappellent.

Conscients des nuisances occasionnées, nous pensons cependant que cette action spectaculaire était nécessaire pour faire émerger, dans le débat public, la lutte des électriciens et gaziers et alerter sur les enjeux pour toute la société de la privatisation de leurs entreprises.

Aux coupures de classe pour cause de pauvreté ou de profits boursiers, à l’électricité devenue marchandise, nous opposons la continuité du service public, l’égalité, le droit permanent à l’énergie pour tous. Ainsi, depuis le début de notre mouvement, nous avons rétabli l’électricité dans des milliers de foyers démunis coupés par ceux-là mêmes qui condamnent et menacent de sanctionner ces rétablissements, qu’ils qualifient d’illicites.

Nous revendiquons les coupures de grève, aujourd’hui seul moyen de nous faire entendre et de rendre visible notre mouvement revendicatif jusqu’au retrait du projet de loi de changement de statut d’EDF et de Gaz de France en sociétés anonymes, prélude à leurs privatisations.

Michel Briganti, Bruno Giuliani, Carole Luissier et Sylvie Régulier sont syndicalistes CGT à EDF. Ils font partie du piquet de grève qui ocupe le poste de transformation de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).

Le Monde

http://www.lemonde.fr/txt/article/0,1-0@2-3232,36-369844,0.html

Messages

  • Je suis d’accord pour les coupures et je suis un usager. Roussely est un capitalo qui ne défend rien sinon l’idée d’être rentable et privatisé. C’est un mondialiste de l’électricité néo-libéral.
    On se défnt avec les armes qu’on a. Donc coupures, oui.
    Par contre, je ne comprends pas l’allusion au Canada. Il n’y a jamais eu de coupures volontaires au Canada, juste des coupures involontaires du aux conditions météo extrèmes de certains hivers. Hydro-Québec est elle aussi une société d’état, vend de l’electricité aux USA mais n’a jamais fait de coupures volontaires pour agrémenter des cours boursiers.

    Vive le jour où le commissaire européen Bolkestein à qui Donnedieu de Vabres fait allégeance pour baisser la TVA sur le disque sera aussi coupé.

  • ELECTRICITE
    Et pourquoi pas une journée sans électricité le 14 juillet prochain ?

    Adversaires du projet de privatisation du service public de production et distribution de l’energie et adversaires de la surconsommation énergétiques pourraient peut-être s’entendre rapidement sur l’organisation d’une journée sans électricité le 14 juillet prochain ?

    Ceci permettrait de mettre en place les mesures de précautions visant à ne pas pénaliser les publics pour lesquels la fourniture relève de la nécessité vitale, tout en organisant la plus importante coupure volontaire de l’histoire.

    D’autre part, la date du 14 juillet serait d’autant plus opportune que sans télé, sans flonflon électrique, notre bonne république prendrait la mesure des services fournis, celle de ce qui peut s’inventer en matière festive sans recours excessif à l’énergie.

    Par ailleurs cela nous épargnerait la traditionnelle farce télévisée présidentielle, et autres retransmissions de défilés pompeux - notamment celui imposé aux pompiers-pas-pimpants, eux aussi mécontents des coupes franches dans le social de notre pays.

    Enfin c’est juste une suggestion :)

    Quinquin