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MOULINS-YZEURE : DU GRAIN À MOUDRE POUR LA MEULE PÉNITENTIAIRE

Publie le vendredi 23 janvier 2009 par Open-Publishing
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Plus d’une centaine de prisonniers des bâtiments G et D de la maison centrale sécuritaire de Moulins-Yzeure ont adressé une lettre au directeur listant les manques et les besoins concernant le fonctionnement interne à la Maison Centrale.

Les prisonniers attirent l’attention de la direction sur la nécessité et la légitimité de leur demande en invitant les personnes en charge au dialogue et ce, de la manière la plus citoyenne qui soit et sans déroger aux règles du droit puisque malgré leur nombre (120 à 130), ils n’ont pas dérogé en se faisant nominativement pétitionnaires, les pétitions étant interdites et lourdement sanctionnées intra-muros.

Le listing des demandes ne peut en aucun cas créer un dysfonctionnement interne et, y répondre favorablement permettrait de dénouer les graves tensions dans le quotidien des longues peines et autres condamnations.

A ce jour, il n’en est rien et l’Administration Pénitentiaire pour des raisons dites de sécurité rogne de plus en plus sur les acquis obtenus légalement au fil des progrès et des réformes. Accéder à la demande des prisonniers de Moulins-Yzeure pour un " mieux survivre " serait en accord avec les propos de Monsieur Fillon, Premier Ministre, et tous les professionnels se penchant sur les conditions de détention. D’autant plus que le taux de suicides croissant des prisonniers s’aggrave d’année en année.

Ces demandes sont légitimes et en adéquation avec le texte des recommandations du comité des Ministres aux États membres sur les règles pénitentiaires européennes. Texte adopté par les Ministres le 11 janvier 2006 lors de la 952ème réunion des Délégués des Ministres.

La prison est un carrefour révélateur de tous les divers destins sociaux frappés par les inégalités et les injustices créant " des parcours de misères " qu’elles soient économiques, culturelles, affectives, pathologiques, géographiques etc. Nos propres enfermements à l’extérieur des prisons qui de plus en plus fabriquent du malaise social jusqu’à l’abus des pharmacopées ingurgitées quotidiennement sont matérialisés par l’architecture en dur du milieu carcéral. Il nous faut entendre les voix venues au delà des murs. Elles nous concernent tous, nous public, du simple fait que la création, des dits monstres criminels, se fabrique au jour le jour derrière les hauts murs des lieux d’enfermements les plus inhumains.

Voici le texte des prisonniers de la centrale sécuritaire de Moulins Yzeure. Contact presse : A.H. Benotman 06 18 88 66 15

À Monsieur le Directeur Maison Centrale de Moulins Monsieur le Directeur, Veuillez trouver ci-dessous les différentes requêtes que les détenus de la Maison Centrale de Moulins vous soumettent.

1) VERITABLE PRISE EN CONSIDERATION DES LONGUES PEINES L’aménagement des peines pour ces condamnés dont certains le sont à la réclusion criminelle à perpétuité et d’autres avec des perspectives d’avenir très lointaines. Audiences pour et avec le Juge d’Application des Peines dans des délais raisonnables d’attente. Meilleur suivi des demandes de transfert.

2) INDIGENTS Versement d’un somme pécuniaire mensuel à l’indigent ainsi que l’octroi de divers " avantages " inhérents à cette situation : télévision gratuite et dont la somme de location ne doit se voir retranchée de celle remise à l’indigent.

3) PARLOIRS Création d’un poste d’auxiliaire (détenu de la maison centrale) pour l’entretien des parloirs. Supplément de deux journées de parloirs les vendredis et lundis. Réservation des parloirs directement pris à la maison centrale et non à la maison d’arrêt. Multiplication de ces journées d’appel téléphonique. Possibilité de prendre des photos familiales au parloir. Unité de Visite Familiale généralisé à tous les détenus avec une gestion similaire à celle des parloirs dits normaux.

4) TRAVAIL Multiplication des postes de détenus auxiliaires - peintre/coiffeur etc. - Formation professionnelles rémunérées. Droit du travail accordé aux détenus travaillant en ateliers. Intervention de " Génépi [1] "

5) ACTIVITES Ouverture le dimanche et les jours fériés de l’espace SOCIAUX, du terrain de sport et de la salle de musculation. Réfection de la piste du stade de sport. Réfection complète des bâtiments de promenade et cloisonnement de la cabine téléphonique extérieure. Multiplication des mouvements pour les promenades. Cessation du blocage en cellule lorsque le détenu doit se rendre à l’infirmerie ou autre ? Que les personnels le fassent mander ou quérir en promenade au sport ou autre.

6) CUISINE Amélioration significative des repas distribués/ Repas chauds pour les travailleurs au retour des ateliers à 13h15.

7) TELEPHONE Baisse significative des tarifs. Compte " spécial " téléphone avec la possibilité de créditer ce compte de l’extérieur. Obtention des mêmes avantages de prix, forfaits, abonnements qu’à l’extérieur.

8) CANTINES Retour des cantines alimentaires incluant les cantines orientales hebdomadaire en achats extérieur. Possibilité de libre concurrence en matière d’achats informatiques et délais de livraison raisonnable et à respecter. Possibilité d’achat de lecteurs MP3 et de clés USB. En 2009, les baladeurs, lecteurs cassettes, CD n’existent quasiment plus)

Monsieur le Directeur, toutes ces demandes sont légitimes, d’autant plus que les êtres humains qui sont enfermés dans les maisons centrales et autres établissements pour longues peines doivent subir des temps de peines toujours de plus en plus interminables...

Il ne s’agit pas d’un caprice émotionnel soudain mais, d’une demande précise, pensée, objective, collective et que nous voulons vous transmettre en vous demandant d’accepter le dialogue. Il faut que les choses changent rapidement et en profondeur, cela devient vital aujourd’hui pour une partie de la population pénale. Il ne s’agit pas seulement de construire de nouvelles prisons avec des cellules aux murs fraîchement peints ou repeints. Il faut que change aussi la vie à l’intérieur de la prison.

Nous comptons, Monsieur le Directeur, sur votre compréhension, et de bien vouloir dialoguer avec l’ensemble des détenus de votre établissement. Les détenus des bâtiments G. et D.

[1] Génépi Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées

http://prison.eu.org/article.php3?id_article=11569


ARPPI

Témoignage : de Fleury à Moulin Yzeure par Sylvie et Alijah piciotti - Khider

Sylvie et Christophe.

L’année dernière après le jugement de Christophe j’ai vécu une période très difficile. Il venait de prendre 15 ans pour tentative d’évasion qui venaient venait s’ajouter aux 38 auxquels il avait été condamné quelques années plus tôt.

Il était en transit à la prison de Fleury depuis plusieurs mois. Il devait retourner à la centrale de Saint Maur d’où il venait après son jugement. Il en est ainsi pour ceux qui sont condamnés à de lourdes peines. Le problème c’est que son transit s’éternisait.

J’étais enceinte de huit mois d’un bébé d’amour conçu à la centrale de Clairvaux. J’aime Christophe et je voulais un enfant de lui.

Ce jour là il faisait une chaleur épouvantable. Devant la prison de Fleury je suis tombée dans un trou. Il y avait un chantier où rien n’était balisé. Ma belle mère voulait que je porte plainte. J’ai laissé glisser. Aujourd’hui je le regrette parce que de son côté l’Ap ne nous fait aucun cadeau.

Dans le parloir j’ai eu des bouffées de chaleur, j’avais du mal à respirer. D’un seul coup, les murs de la cabine se sont mis à tourner. je me suis sentie bizarre avec l’impression que ma vessie se vidait par petits jets. Je me suis rendue compte que je perdais les eaux. Christophe était paniqué et impuissant. Il a tapé dans la porte et le surveillant est arrivé de suite. Comme il est gardé de près ils ne sont jamais très loin.
Branle bas de combat. Pompiers. Ambulance. Hôpital en urgence.

La seule parole dont je me souvienne vraiment c’est celle de la surveillante du parloir qui était particulièrement gentille avec la famille lorsque nous venions au parloir.

Je vous avais dit de ne pas courir comme ça !

Le problème à Fleury c’est que l’on court tout le temps dans les longs couloirs. Quelques minutes de retard et on ne rentre pas.

J’ai attendu 10 jours à l’hôpital alors que dans mon ventre, la petite était en souffrance. Elle est née sans pleurs et sans cris. On me l’a posé sur le ventre inanimée. Le Samu est venu la chercher pour l’emmener en réanimation dans un autre hôpital. J’ai appelé ma belle mère et je lui ai dit ma fille était morte. Je pleurais et criais sur sa messagerie.
Christophe a été transféré entre temps à la centrale de Saint Maur. Sa mère a appelé la direction. Elle voulait lui expliquer elle même les difficultés de l’accouchement. Le directeur a donné deux cartes téléphoniques à Christophe pour qu’il nous rappelle. Alijah a aujourd’hui

Un an et je ne l’amène plus au parloir de la prison de Moulins où Christophe vient d’être a nouveau transféré sans raison valable, il y a deux mois. C’est un acte de contestation contre ces transferts abusifs, contre l’environnement délétère des parloirs de cette prison.

On ne peut pas d’un côté chanter les bienfaits de la réinsertion et de l’autre transférer des hommes qui viennent à peine d’entamer un projet de vie en tuant dans l’œuf toute velléité de réinsertion.

On ne peut pas non plus chanter le bienfaits du maintien des liens familiaux et proposer deux mètres carrés à peine sans fenêtre pour y amener des enfants qui devront y rester des heures dans les bras de leurs parents.

Il y a quelques temps Alijah a failli s’étrangler avec des cailloux qu’elle avait ramassé par terre, sur le sol bétonné alors que je venais pour la première fois de la poser au sol parce que je n’en pouvais plus de la porter, ce qui est inacceptable.

Sylvie et Alijah Piciotti - Khider

http://www.prison.eu.org/article.php3?id_article=11571

Messages

  • Lire absolument "Les détenus et leurs proches" de Gwénola RICORDEAU préface de Abdel-Hafel BENOTMAN ; abonnez vous au journal "L’Envolée". Marie54

    • Arppi : Association pour le respect des proches de detenus
      mail : arrpi@live.fr
      06 68 84 47 31
      Site web :
      http://www.myspace.com/arppi

      Notre association est née à l’initiative de quelques proches de personnes détenues.
      Intérêts :
      Nous en avons assez des humiliations quotidiennes de l’Administration pénitentiaire lors des parloirs, lors des prises de rendez-vous, des attentes interminables au téléphone qu’elle nous impose, des menaces, des parloirs insalubres, des insultes, des brimades en tout genre, mais aussi du système judiciaire qui n’est qu’une machine à broyer.
      Nous en avons aussi assez d’un système qui nous isole les uns des autres, nous cloisonne, nous dissocie et surtout nous désolidarise.
      Nous avons décidé de faire respecter nos droits, notre dignité en nous soutenant moralement et juridiquement, mais aussi en luttant tous ensemble contre l’offensive sécuritaire : transferts abusifs, omerta carcérale, condamnation de familles entières, rétention de sûreté, allongement des peines, difficultés d’obtenir des permissions de sorties ou des libérations conditionnelles, etc