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une mesure revolutionnaire

Publie le vendredi 6 février 2009 par Open-Publishing
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Barack Obama, président des États-Unis d’Amérique, vient d’annoncer, le 4 février 2009, son intention de limiter à 500.000 dollars (389.000 euros) les revenus annuels globaux des patrons d’entreprises renflouées par l’État. Les diverses parties variables de ces revenus (bonus, primes…), souvent juteuses à l’excès, seraient interdites. Primes de départ et parachutes dorées totalement transparents et sous haute surveillance. On écarquille les yeux. Il s’agit d’une mesure véritablement révolutionnaire. Le franchissement d’un tabou, encore impensable il y a peu. Et au cœur même de l’Empire néo-libéral !

Songez que les revenus 2007 du directeur général de Bank of America atteignaient 20 millions de dollars, et celui du directeur général de Citigroup, 3,1 millions de dollars ! Des réductions de salaires respectives de 97,5 % et de 83,9 %, c’est du brutal ! 500.000 dollars net, c’est environ trente-deux SMIC net. Encore pas mal, mais bien loin des quelques quatre cents SMIC que fauchent nos patrons hexagonaux avec la même honte bue que nos banquiers défendant sans la moindre vergogne le paiement de dividendes devant un parterre de députés atones.

Ces mesures, si elles entrent vraiment dans les faits, n’ont pas qu’une portée financière. Elles sont aussi d’une haute valeur symbolique. Elles annoncent la reprise en main volontaire de l’État sur les dérèglements suicidaires d’un système insupportable. Un coin redoutable dans les pratiques mafieuses qui conduisent le monde à sa perte.

Nos chères élites hexagonales, un moment hébétées par ce coup de poignard dans le dos, n’ont pas tardé à réagir. Dans sa chronique du 5 février sur France Inter, Dominique Seux, rédacteur en chef des Échos, se montrait un brin gêné aux entournures mais parvenait à distiller le soupçon vénéneux de “démagogisme”. Sentant elle aussi le danger, l’ineffable Laurence Parisot montait au créneau, avec des accents frémissants de Jeanne d’Arc outragée, pour dénoncer dans la Tribune ce genre d’intervention forcément inacceptable de l’État dans le fonctionnement résolument privées des entreprises.

Ah, que n’aurait-on par hurlé si une telle décision avait été annoncée en France par notre vrombissant président ! Quoi, comment, mais vous voulez faire fuir nos cerveaux ? Vous voulez vider nos usines de leurs forces vives ? Vous voulez pousser à la délocalisation des décideurs ? Hé hé, attendons avec impatience la ruée, en sens inverse, des patrons américains aux portes de Sangatte, avec demande de régularisation en préfecture à l’appui !

Une fois l’étonnement et l’ironie évacués, on peut avancer que la mesure du président Obama est encore bien timide puisqu’elle se limite aux seuls revenus des dirigeants d’entreprises subventionnées par les plans de relance. Mais au train où vont les choses — nous sommes quoiqu’on s’en défende, en pleine période d’entrée en dépression — il y a fort à parier que la majorité des entreprises va bientôt se retrouver dans ce cas. Et en touchant leur tête, la mesure Obama contaminera forcément l’entourage immédiat de celle-ci (cadres dirigeants, traders…)

Rappelons aussi qu’en 1942, un autre président américain, un certain Roosevelt avait plafonné les revenus annuels net après impôt à 25.000 dollars (env. 315 000 dollars actuels), ramenant ainsi l’éventail des salaires dans une échelle de 1 à 25. S’en étaient ensuivies pour le pays trente-cinq années d’inégalités de revenus étonnamment réduites.

Nous avons trop souvent ici douté de la capacité du nouveau président américain à s’affranchir de ses encombrants sponsors électoraux, pour ne pas lui donner acte de son courage politique[1] : en annonçant de facto la création d’un revenu maximum, Barack Obama vient de prendre une décision que même la gauche de notre gauche n’avait pas encore trop osé mettre explicitement dans ses programmes

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