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Une prise de position d’universitaires de Toulouse

Publie le vendredi 13 février 2009 par Open-Publishing
2 commentaires

A l’heure où la colère monte dans l’Education Nationale, l’Enseignement Supérieur et le monde de la Recherche, il est nécessaire de s’interroger sur les raisons profondes de cette révolte. Souvent taxés de fainéantise par un gouvernement qui use des meilleurs ressorts du populisme pour décrédibiliser ses salariés, les enseignants-chercheurs font depuis longtemps l’objet d’une représentation déformée et erronée. Il est utile de souligner, entre autres faits bien souvent ignorés, que les trois quarts de leurs soirées, weekends et vacances se passent en réalité à préparer cours et colloques, à corriger les divers travaux des étudiants, à rédiger sujets d’examens, articles de recherche, rapports scientifiques, etc. Leurs activités scientifiques sont régulièrement évaluées tout au long de leur carrière par leur hiérarchie et par les spécialistes des disciplines concernées dont dépendent l’acceptation de la publication de leurs travaux, leur recrutement et leur avancement.

L’augmentation année après année des tâches pédagogiques, administratives ou scientifiques, le mépris et l’agressivité de certains propos ne seraient rien si le gouvernement ne s’apprêtait purement et simplement à détruire leur mission de service public et, en conséquence, l’avenir de notre jeunesse.
Avec la réforme du CAPES, qui diminue les exigences de connaissances dans leur discipline, les futurs enseignants des collèges et lycées seront moins bien préparés à leurs futures tâches. En outre, l’année de stage rémunéré, durant laquelle les jeunes enseignants étaient formés tout en ayant la charge de deux classes, sera supprimée. Le nombre de places au concours diminue régulièrement depuis plusieurs années et on demande déjà à certains rectorats de pallier le manque d’enseignants en recrutant des étudiants qui n’ont pas encore reçu de formation adéquate. Actuellement, les nominations s’effectuent sur le plan national en fonction des besoins des académies. Mais, à très court terme, si les réformes passent, on verra apparaître sur le marché du travail des jeunes enseignants inexpérimentés obligés de démarcher rectorats et établissements. Cette libéralisation du mode de recrutement créera une pénurie d’enseignants dans les quartiers défavorisés.
De même, la réforme du statut des enseignants-chercheurs, en dissociant l’enseignement et la recherche, et en diminuant le temps que certains enseignants pourront accorder à leurs travaux scientifiques, dévalorisera nécessairement la qualité de l’enseignement universitaire, qui ne sera alors plus nourri par la recherche.

C’est pour cette raison que les enseignants-chercheurs, syndiqués comme non-syndiqués et de sensibilités politiques diverses, se sont engagés, avec leurs étudiants, dans une lutte déterminée contre les réformes.

Isabelle KELLER-PRIVAT, Caroline ROUSSEL, Nathalie VINCENT-ARNAUD, Christophe BORD, Nathalie DUCLOS, Muriel ADRIEN, Zachary BAQUE, Laurence ESTANOVE, Anne STEFANI, Cyril CAMUS, Nathalie RIVERE DE CARLES, Colette SELLES, Maurice LEVY, Ellen LEVY, Hélène DACHEZ, Wendy HARDING, Michel BARRUCAND, René ALLADAYE, Aurélie GUILLAIN, G. LAFON, Catherine LANONE, Elsa CAVALIE, Anne BEAUVALLET, Laurence TALAIRACH-VIELMAS, Françoise COSTE, Françoise BESSON, Céline MAGOT, Lesley LAWTON, Sylvie MAUREL
(enseignants-chercheurs à l’Université de Toulouse II – Le Mirail)

Messages

  • Avec la réforme du CAPES, qui diminue les exigences de connaissances dans leur discipline, les futurs enseignants des collèges et lycées seront moins bien préparés à leurs futures tâches.

    Les salaires pourront être ainsi revus à la baisse ? puisqu’aucun futur enseignant ne pourra justifier d’une formation spécifique d’enseignant. Ce métier n’en sera plus un, parce que non rentable à première vue, c’est-à-dire au regard d’un NS, très primaire si on en juge par le fait qu’il ne voit pas de bénéfices immédiats dans l’instruction.

    Et il y a fort à parier que NS met en place "l’intérim des enseignants" qui auront des missions ou seront embauchés en CDD, de la même façon qu’il existe le travail intérimaire dans d’autres corporations professionnelles.

    Quant aux enseignants-chercheurs, qui en plus de leur travail d’enseignant, leurs recherches, ils croulent également sous les charges administratives de leur université. Si certains croient que c’est la planque, il faudra revoir son point de vue. Adultes au chômage par ex., allez suivre les cours en amphi, parlez autour de vous avec les jeunes et vous verrez que c’est la vérité.

    • Tout se tient et est planifié haut plus lieu depuis bien longtemps... je vous rappelle les références du rapport de Christian Morrisson, expert de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, daté de... 1996, intitulé « La faisabilité politique de l’ajustement »

      Le mot « ajustement » est aujourd’hui dans toutes les bouches gouvernementales et patronales, comme le dogme d’un catéchisme. Ce mot modeste et inoffensif est, en réalité, un leurre. Il appartient à une tradition de langage politique par euphémisme compréhensible des seuls initiés, comme l’était l’expression « solution finale » de sinistre mémoire. Ce titre apparemment anodin désigne en fait une destruction en douceur du service public d’Éducation. Il vise à masquer la violence de l’objectif : « ajustement » veut dire ici destruction et « faisabilité politique » signifie prévention des révoltes susceptibles d’être provoquées par cette destruction.

      En somme, ce titre mystérieux désigne tout simplement la stratégie astucieuse conçue pour opérer dans les pays de l’OCDE des contre-réformes structurelles et désengager le budget de l’État des services publics sans provoquer de révoltes populaires. Ainsi est-il recommandé non « la baisse de la quantité » qui déclencherait des révoltes, mais « la baisse de la qualité » dans certains établissements et pas dans d’autres pour rendre insensible aux familles la destruction programmée du service public d’Éducation. Voici un extrait éloquent de la page 30 du rapport que le lecteur avait cité :
      « [...] Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population. »

      Si l’on avait encore quelques doutes sur les raisons du chaos qui s’est installé durablement dans l’Éducation nationale depuis dix ans, ils sont levés. Il s’agit bien, comme le conseille cet expert de l’OCDE, de ruiner progressivement la qualité de l’École publique pour introduire peu à peu une privatisation qui s’imposera comme la seule planche de salut quand la vie dans les établissements ne deviendra plus supportable.

      à vomir...