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La bête est morte, mais elle nuit encore

Publie le dimanche 15 mars 2009 par Open-Publishing
13 commentaires

de Petaramesh

Ou quelques considérations éthérées à propos de la loi HADOPI et de l’industrie de la musique et de la vidéo.

L’industrie de distribution de la musique et de la vidéo, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est une bête blessée à mort, et comme beaucoup de bêtes à l’agonie, extrêmement dangereuse.

Sous cette forme elle va crever, elle le sait, c’est inéluctable et inscrit dans l’histoire bien plus que dans quelques lois scélérates autant que passagères.

Pour autant, cette industrie condamnée, dans ses derniers spasmes, n’hésite pas une seconde à mordre sauvagement la main qui l’a si longtemps grassement nourrie - la main de "son" public - en tentant de contraindre celui-ci, par la loi s’il le faut, à continuer de lui acheter des choses dont il n’a plus besoin à des prix que plus rien ne justifie, au détriment des libertés publiques les plus fondamentales, sans le moindre scrupule si ce n’est de faire fonctionner autant que possible le tiroir-caisse jusqu’à la dernière, ultime et inévitable seconde, pour que les gros actionnaires et gros bénéficiaires de ce système moribond puissent s’en mettre encore une grosse giclée dans les fouilles avant d’aller l’investir ailleurs ou de prendre une retraite dorée.

Cette industrie est née d’un contexte technique correspondant à une époque donnée, qui, à la fois permettait la distribution d’oeuvres audiovisuelles, autrefois limitées à la représentation directe et vivante, sous une forme enregistrée que l’on pouvait rejouer à loisir, et en même temps nécessitait la distribution de cette oeuvre enregistrée sous une forme matérielle : un disque, un CD, une cassette, un DVD...

Une industrie nouvelle en est née, qui regroupait les fonctions d’enregistrement de l’oeuvre, duplication industrielle de celle-ci, puis de tout un circuit de distribution et de vente, avec la rémunération de toutes les parties prenantes et des intermédiaires.

On notera que, dès le départ, cette industrie n’a rien à voir avec la genèse d’une oeuvre (sa composition) ni avec son interprétation. Pas plus qu’elle ne doit quoi que ce soit à l’inventivité des compositeurs ou à la qualité des interprètes. Non, cette industrie est née d’une technologie, devenue un juteux commerce.

Toutefois, par le truchement de la rémunération des droits d’auteur et autres droits voisins, et tenant compte des sommes considérables que cette industrie a brassées, et de la notoriété qu’elle a apporté a certains compositeurs et interprètes auparavant mondialement célèbres dans leur quartier, elle a construit pour certains d’entre-eux de solides ponts d’or dont ils n’auraient jamais pu rêver quand ils jouaient devant quelques centaines de personnes.

Oui mais voilà, aujourd’hui, la fixation des oeuvres (immatérielles) sur un support matériel donné ne présente plus aucun intérêt pour le "consommateur" final (le public), qui n’a donc, c’est parfaitement logique, plus aucune raison de les acheter ainsi. L’oeuvre peut aussi bien être transmise de bout-en-bout sous forme immatérielle pour le même résultat et à un coût bien moindre, du point de vue de son utilisateur.

L’unique raison d’être d’une industrie, du moins sous une certaine forme, disparaissant, il est donc naturel, inévitable, inexorable, que cette industrie disparaisse.

Tuée par la main invisible de la disparition de son marché.

N’étant plus la forme la plus apte à la distribution de l’oeuvre, Charles Darwin passe par là, couic ! Sous les applaudissements nourris de la foule des capitalistes libéraux qui n’aiment rien tant que le libre jeu de la loi du marché à la concurrence non faussée.

Ah non ?

Non. Ils n’aiment ça que quand ça fait agréablement tinter leur bourse, mais comme toujours appellent à cors et à cris les secours de l’état et de la loi dès que leur (gros) pécule menace de maigrir. Privatiser les bénefs, socialiser les pertes, air connu.

Si je veux écouter de la musique ou regarder un film, je n’ai aujourd’hui strictement aucune raison d’acheter un CD ou un DVD, puisque l’oeuvre sous forme immatérielle me rend exactement le même service et que son support physique ne m’apporte aucune espèce de plus-value.

A contrario, si je veux lire un livre, j’achète un livre, parce que le livre matériel m’apporte un confort de lecture et de transport inégalé à ce jour et pour longtemps encore. Le support physique "livre" vaut le prix que je le paie, avec l’oeuvre fixée dessus et la rémunération de son auteur.

Je n’ai pas l’habitude de faire des photocopies des livres que j’achète pour les donner à tous mes amis. Pourquoi ? Oh, non pas parce que c’est interdit, mais simplement parce que ce serait fastidieux, onéreux, et me donnerait au bout du compte un résultat de qualité bien inférieure au support initial. Non, si je veux offrir le livre à un ami, j’en achète un deuxième. Il vaut décidément le prix que je le paie, puisque l’industrie me le fournit sous une forme parfaitement finie à un prix inférieur à ce que je pourrais faire moi-même.

Pour cette raison, il n’est nul besoin de lois contraignantes et liberticides pour empêcher les gens de photocopier les livres, puisque l’industrie fournit un service qui mérite qu’on le paie.

Il peut simplement être compréhensible d’interdir la réplication industrielle et commerciale de livres, qui oublierait au passage la rémunération de l’auteur. mais pour la réplication personnelle ou non commerciale, cela n’a pas lieu d’être. Pas besoin, en fait.

A contrario, si je veux offrir de la musique à ma Rousse, je vais plutôt lui uploader des MP3 sur sa machine plutôt que lui acheter le CD. Pourquoi ? C’est facile, c’est rapide, ça ne me coûte rien, pour lui offrir un résultat de qualité équivalente à ce que l’industrie pourrait me proposer.

Je ne l’achète pas ? C’est mal ! Mais pourquoi donc est-ce que je ne l’achète pas ? Parce que l’industrie me le propose à des tarifs honteusement élevés et sans aucun rapport avec les coûts réels. Il se trouve que, si copier des fichiers immatériels ne me coûte rien ou presque, à moi simple particulier doté d’un matériel dérisoire, ça coûte sûrement encore beaucoup moins cher à une grosse industrie, n’est-ce pas ?
Mais est-ce que cette industrie me propose un marché raisonnable ? Quelque chose qui justifierait ses coûts, une honnête rémunération du compositeur et des artistes plus une petite marge ? Que non pas ! Elle me vole comme au coin d’un bois !

Cette industrie a, jusqu’au bout et tant qu’il lui a été possible, poussé à la vente de ses CD et de ses DVD - et maintenant de ses Blue-ray - simplement parce que c’est ça qui rapporte un max de gros pognon à tout le circuit et permet de faire de monstres marges. Cette industrie a voulu capturer son marché, lui interdisant tout autre mode d’accès à l’oeuvre. elle a freiné des quatre fers pour ne surtout pas avoir à développer une offre immatérielle simplement honnête. Elle a voulu protéger sa montagne de pognon.
Et en cela, la vache, elle a honteusement triché au grand jeu du capitalisme libéral, seul jeu qui vaille nous dit-on pourtant... Enfin, tant que ça l’arrange...

Je l’inculpe donc sans hésiter du crime honteux de lèse-kapitalisme !

Elle nous a imposé, par le biais de lois votées par nos loyaux représentants, des taxes sur les supports pour la copie privée dont l’essentiel va bien sûr à l’industrie, pas aux cochers de fiacres !

De même bien sûr qu’à chaque fois que nous achetons une voiture, nous payons une taxe au profit des maréchaux-ferrants et des tenanciers d’écuries, ne serait-ce pas tout aussi normal ?
On me murmure pourtant que les cochers de fiacre qui ont voulu survivre ont passé leur permis de conduire et que les tenanciers d’écuries sont devenus garagistes sans qu’autant de foin ne soit remué...

Maintenant encore, alors que l’industrie des majors se voit contrainte, finalement, de passer au support virtuel, immatériel, elle continue de tenter - avec le soutien de notre admirable gouvernement et d’une bonne partie de nos loyaux représentants soucieux de l’intérêt du peuple qui les élit - d’imposer des lois liberticides, scélérates, d’inspiration totalitaire, nuisibles au plus grand nombre et à son propre public, mais pourquoi ? Pour quelle raison ?

Tout simplement parce que cette industrie, perdant le support physique, refuse pour autant de perdre le pognon du support physique. Elle renonce au beurre, certes, mais pas à l’argent du beurre, quitte à sodomiser la crémière !

Eh oui, si le support physique disparaît, avec lui ses usines, son circuit de distribution, ses intermédiaires de vente, s’il ne reste plus qu’à rémunérer raisonnablement compositeurs et artistes, et le coût de la prod’, de l’enregistrement de l’oeuvre et de sa distribution immatérielle, ben logiquement, les prix des oeuvres devraient baisser dans des proportions kolossales !

Et gageons que si c’était honnêtement vendu, ce serait honnêtement acheté.

Mais ça, l’industrie ne le veut surtout pas ! Elle veut bien au contraire qu’à la disparition de ses coûts corresponde une considérable augmentation de ses marges !

Et pour qu’un truc pareil puisse marcher, bon sang mais c’est bien sûr, il faut fliquer le public, le menacer des foudres de la loi, le jeter en prison au besoin, parce que sans ça, ben le public, on aura quand même du mal à lui faire payer cher quelque chose qui ne vaut désormais presque rien !

Voilà en fait où nous en sommes, et qui justifie les DADVSI et autres HADOPI qu’on nous vote d’une année sur l’autre, grâces soient rendues à nos loyaux représentants !

Mais les auteurs et les artistes, me direz-vous ?

Hummmm... Là, je crains que la réponse que je vais vous faire vous paraîsse moins capitalistiquement correcte !

Rappelons-nous que les droits d’auteur furent inventés non pas pour protéger les auteurs de leur public, mais pour les protéger de leurs éditeurs ! Afin de s’assurer qu’à toute édition d’une oeuvre correspondrait une juste rémunération de l’auteur par l’éditeur.

Cette rémunération fait sens si elle correspond de près ou de loin au temps, à l’effort, au travail produits par l’auteur dans la création de son oeuvre, voire qu’on le paie d’avance pendant qu’il la compose. En somme c’est cette rémunération qui permet à l’auteur de vivre, éventuellement très bien, pendant qu’il crée, et donc qui lui permet de pouvoir créer plutôt que d’aller travailler à l’usine. Fort bien.
Faut-il pour autant trouver souhaitable, ou normal, que le fait d’avoir écrit un tube de 3 minutes à 22 ans asseoie son auteur sur un tas d’or pour le restant de ses jours sans qu’il n’ait plus jamais à produire quoi que ce soit d’autre ? Trouve-t-on l’équivalent dans aucune autre profession ?
Mais ils sont peu, me direz-vous, les autres crèvent de faim ! Eh bien justement, je trouverais préférable qu’on rémunère davantage des auteurs bien plus divers plutôt que d’en enrichir outrageusement une petite poignée, et c’est justement ce que le système commercial actuel ne permet pas !

Mais le génie, me direz-vous, comment rémunère-t-on le génie, l’inspiration excellente d’où sortira le morceau inoubliable qu’on écoutera pendant 100 ans ? Et je vous répondrai qu’on ne devrait pas rémunérer le génie, il ne correspond pas à un travail ou à un effort particulier de celui qui en est le vecteur. C’est un coup de bol, une inspiration tombée du ciel, d’ailleurs ou de nulle part, que sais-je, mais pourquoi devrait-on le payer ? Aucune idée, aucun éclair de génie, ne provient purement et uniquement de son auteur. Il doit tout à l’humanité entière, à l’accumulation de la connaissance et de la culture humaines, à ses parents, ses profs, ses sources d’inspiration, ses amis... Son éclair de génie est peut-être le sommet de la pyramide à un instant t, mais ce sommet ne tient pas en l’air sans sa base. Si on devait lui rémunérer le sommet, alors il faudrait qu’il rémunère toute la pyramide ! L’éclair de génie provient de l’histoire de l’humanité entière est est appelé à se joindre à son substrat, comme la vis d’Archimède, le théorême de Pythagore, l’oeuvre de Shakespeare, la toccata de Bach ou l’invention du cunnilingus. Mozart si génial fût-il aurait-il composé quoi que ce soit si d’autres avant lui n’avaient pas inventé la musique, ses règles, sa notation, ses instruments ? Peau de balle.

Et les interprêtes, me direz-vous ?

Ben je répondrai bêtement que le boulot d’un musicien est de jouer de la musique et que le boulot d’un acteur est d’acter. Si je trouve fort normal qu’un musicien qui joue ou un acteur qui acte soit (éventuellement très bien) payé, je trouve beaucoup moins normal que les dollars tombent à la pelle dans l’escarcelle d’un musicien qui glande en tongs sur sa terrasse en bord de mer parce qu’il a joué une fois dans un studio un truc trôôôôô bien il y a vingt ans. Surtout pendant que d’autres musiciens pas forcément moins bons mais sûrement moins veinards tendent la main dans le métro.

Je ne sais pas vous, mais moi, je ne serai pas payé à vie comme un nabab pour avoir bien fait mon boulot, même très-très bien, même génialement si ça se trouve, pendant quelques mois il y a 10 ans...

Donc oui, les auteurs, les interprêtes, faut les payer, ça c’est sûr, mais je suis intimement persuadé qu’on arriverait à en payer bien davantage et de manière très raisonnable en crucifiant le système actuel, et que si on voulait prendre des sous au public, eh bien ça serait fort bel et bon, si on s’en servait pour intelligemment financer le spectacle vivant, les musiciens qui jouent, les théâtreux qui théâtrent, plutôt que de légiférer "tous les internautes sont des criminels au moins potentiels !" au bénéfice d’un système financier qui capte l’essentiel du flux pour n’en recracher en bout de course qu’une très petite partie à une infime minorité dorée de compositeurs et artistes bien gras et infatués d’eux-mêmes, ceux-là même qui font des courbettes et des mamours à monsieur Nègre et madame Albanel.

La culture, ça ne produit rien d’utile et c’est pour ça qu’elle est indispensable à la vie humaine. Rien n’est aussi indispensable que ce qui est parfaitement inutile. Comme ça ne produit rien d’utile, ça ne peut pas se commercialiser comme un baril de lessive, sauf à la dénaturer complètement, ce qui me semble une excellente raison de chercher un moyen de la financer collectivement.

Nos chers députés et notre ministre des majors feraient bien de passer le temps dont ils disposent à réfléchir à ça, plutôt qu’à monter des usines à gaz répressives qui, de toute manière, ne marcheront pas, ce qui est bien la seule chose dont on soit sûr quant au résultat de leurs efforts actuels.

http://petaramesh.org/post/2009/03/...

Messages

  • De plus le meilleur des mp3 ne vaut son pendant Aiff ou WAVE et de loun (Sauf pour un sourd !)
    Qui Trouve Normal de payer des oeufs de limpe au prix du caviar ?

  • impec ! mais ca :

    les dollars tombent à la pelle dans l’escarcelle d’un musicien qui glande en tongs sur sa terrasse en bord de mer parce qu’il a joué une fois dans un studio un truc trôôôôô bien il y a vingt ans.

    un musicien de studio, qui n’est pas compositeur, ne touche pas des masses en droits d’interprète sur UN titre...

  • Je ne sais pas vous, mais moi, je ne serai pas payé à vie comme un nabab pour avoir bien fait mon boulot, même très-très bien, même génialement si ça se trouve, pendant quelques mois il y a 10 ans...

    Dommage, essayer de monter une catégorie professionnelle contre une autre.

    Essayer de monter les "travailleurs" contre les "artistes", c’est nul et contre productif.

    Tu trouveras toujours quelqu’un de mieux payer que toi, disposant de plus de "privilèges" que toi. Alors on fait quoi, on nivelle par le bas ou on revendique.

    • Non désolée ce n’est pas ce que dit Petaramesh. Relis bien STP il ne monte personne contre personne il s’insurge contre un système et il a RAISON.

      LL

    • Désolé, mais j’ai beau relire et re-relire cet article j’ai toujours un sentiment de malaise.

      Je vais me l’imprimer et encore le lire.

    • Je ne pouvais plus me connecter lorsqu’il y a deux jours, j’ai souhaité répondre à charlelem la même chose que toi...
      Mais tout de même, ça mérite une, voire des, précision(s)...

      Évidemment, par les temps qui courent, et à cause de ce qu’on pourrait imaginer définir comme une "sociologie de la gauche", se transportent souvent de nombreux malentendus autour des questions à propos de "l’art" et des "artistes" : rapidement, avec la démocratisation de l’accès à la "culture" (tous ces guillemets autour de certains mots, notions, concepts choisis ne posent qu’une question : de quoi parle-t-on ? De Léonard de Vinci, Oscar Niemeyer, des anonymes de "l’art premier", ou des futurs anonymes de l’industrie du musée, du cinéma ou de la musique ? Des uns se prenant pour les autres ? Sans refaire ici UNE histoire de l’art, il faut simplement rappeler que la notion de culture désigne l’expression du rapport d’un groupe social à son environnement — même interne, si on me passe cet occis-mort — ; et que cette expression peut être le fruit du travail d’un individu, disons "l’artiste". Fin de la parenthèse).

      Avec, disais-je, la démocratisation de l’accès à la "culture" (qui peut aussi désigner l’histoire bourgeoise de l’art, même en combinant dans l’ordre qu’on veut ces trois gros mots), il est logique, en plus des questions idéologiques, que l’inouïe (au sens étymologique, plus ou moins propre, de "jamais entendue") cohorte de vocations artistiques — pro-voquées elles-mêmes par la frustration du premier monde devant l’inemploi, comme devant l’exhortation au "je", inexprimable... — se trouve dans les rangs de ceux qui s’opposent au "système".

      Il est logique aussi, leur nombre s’accroissant pour des raisons elles-mêmes systémiques, qu’ils convainquent nombre de leurs contemporains du bien-fondé de leur(s) positionnement(s).
      Il est encore logique qu’il soit difficile pour tout un chacun de voir la chaise sur laquelle il a le cul...

      Or le "copyright", à l’anglosaxonne, mais "mondialatinisé" comme "droit du producteur", tout comme le droit d’auteur "à la française" (et qu’on défend à juste titre face au copyright, de la même manière qu’on défend à juste titre l’existence et la hausse d’un salaire minimum alors qu’on est contre le salariat — et pas contre le travail, mais là n’est pas le débat) NE SONT QUE L’INSTAURATION DE LA RENTE SUR L’IMMATERIEL. Et comme je suis sur un site de gauche, gauchiste, ou ce qu’on voudra, je devrai même assumer l’expression de "rente sur le spirituel", au moins assumé comme "vie de l’esprit".

      Il me semble que la question de la rente, en particulier foncière, constitue un moment important du premier livre de Das Kapital.

      Alors, s’il nous reste un travail, il consiste peut-être à établir la réécriture de Das Kapital en remplaçant partout "rente" par "droit d’auteur". En effet, il n’est pas besoin d’aller bien loin, y compris dans notre camaraderie, pour entendre la nécessité de cesser de séparer "la culture" du reste, alors qu’elle n’en est que l’expression : "La culture est le lieu de la recherche de l’unité perdue. Dans cette recherche de l’unité, la culture comme sphère séparée est obligée de se nier elle-même", selon Debord, dans La Société du spectacle, je crois.

      (ce qui explique peut-être que l’exception culturelle française se présente comme telle, une exception, dans un monde où, s’il reste des parts de marché à conquérir, elles sont tellement dans l’immatériel qu’enfin on parle en France du "marché de l’art" toute honte bue, et que le gros de la circulation de la finance est lié au CREDIT- la croyance, ou la foi qui donnera l’argent fiduciaire)

      Donc, si je crois entendre à chacun ses perspectives politiques, ou plutôt ce que recouvre le malentendu lié à une position commune décrite par nos présences quasi-simultanées sur ce même site : combien dois-je aux descendants de Prométhée chaque fois que je m’allume un clope ? Au découvreur de l’hévéa quand je chausse (ah ah) une capote ?
      Parce que vous devez savoir qu’il n’y a que quelques jours que dans certains pays, États-Unis en tête, de droit d’auteur vient d’être étendu pour les descendants dudit, de soixante-dix à quatre-vingt-dix-neuf ans suivant sa disparition. C’est pas d’la rente, ça ? Parce que c’est aussi toute la question des brevets, y compris industriels. Et donc des médicaments génériques, mais aussi celle de la contrefaçon, et en général de l’équilibre du capitalisme qu’il est question.

      Il n’est donc pas ici question de "monter une catégorie professionnelle contre une autre" : dans cet exemple, l’éclairagiste de la salle de spectacle est structurellement beaucoup plus proche du footballeur de D1 que de l’auteur : si les "artistes" étaient simplement salariés pour exécuter une commande, ce ne serait pas le cas. Avec le brevet comme avec le droit d’auteur, on pratique aujourd’hui dans notre espace à n dimensions ce qui s’est produit il y a quelques siècle sur la planisphère : on découpe, on s’approprie, on plante des clôtures et des drapeaux, pour réclamer des droits de passage.

      Je n’insisterai pas ici, parce que je n’ai pas le courage de faire une dissertation bien organisée, comme vous l’aurez déjà constaté, sur le fait que la reproduction facilitée de certains biens immatériels a en outre l’avantage de faire exploser (le spectacle de) la différence, sur laquelle son AUTEUR (et il me semble que tous ses textes sont accessibles sur marxists.org : si c’est illégal, personne, que je sache, ne s’en est plaint...) est revenu sur la fin, entre valeur d’usage et valeur d’échange : ici, dans les textes, pièces musicales, ou livres que je télécharge, légalement ou non, la valeur d’échange tombe à rien. Mais si je le fais, et a fortiori si je le fais illégalement, c’est certainement parce que je leur octroie (encore un mot qui...) une valeur, liée à l’usage que j’en aurai (éventuellement cet usage sera-t-il de me doter (hi hi) de capital culturel que je pourrai négocier (oh oh) en capital symbolique, voire social, et pourquoi pas, in fine, en capital tout court ? Ou pourquoi pas tout brûler en place publique, en grand geste sacrificiel et spectaculaire, pour transformer la valeur en Prestige, en Amour Social ?????

      D@v !d B. (sûrement pas très clair, une fois encore...)

      P.S. : Je n’ai pas trouvé, dans le fil discontinu de la pensée rédactionnelle, le moment pour préciser à Petaramesh que je trouve son exemple sur les livres d’assez mauvaise foi : il ne fait à mes yeux à peu près aucun doute que, si je peux être d’accord aujourd’hui seulement avec cette idée, à terme la question du support matériel de la littérature se posera aussi dans les mêmes termes exactement, et ce sont les éditeurs qui voudront soulever la fronde de leurs potes de gauches, aidés en cela de la révolte de nos camarades du livre. Le livre papier ne sera plus très longtemps plus "confortable" que le numérique... et les fabricants trouveront toujours un moyen publicitaire d’abandonner un support au profit d’un autre : c’était si mauvais, le disque vinyle ? Les D.J.’s n’ont pas l’air de s’en plaindre...

    • En tant que PTA, je dépendais de la fédé du spectacle, mais malgré des discussions avec les membres de la comex je dois avouer que je ne suis pas encore à ton niveau de réflexion donc je vais lire tout ça et essayer de comprendre

  • Je suis tout à fait d’accord avec cette analyse ;La bète est morte et c’est tant mieux car elle volait honteusement le pauvre monde .

  • A contrario, si je veux offrir de la musique à ma Rousse, je vais plutôt lui uploader des MP3 sur sa machine plutôt que lui acheter le CD. Pourquoi ? C’est facile, c’est rapide, ça ne me coûte rien, pour lui offrir un résultat de qualité équivalente à ce que l’industrie pourrait me proposer.

    Mais Grand Guru tu es raddddinnn !!!! ;-))))

    Ta Rousse mérite le meilleur elle le vaut bien, ’tain, c’est sur t’as pas regardé la TéVé depuis quand touâ dis donc ???? ;-) hi hi h i j’ai pas pu m’empêcher désolée !!!

    La Louve

    Ps : Euh, en parlant de bouquins et de potes.... t’oublies pas ceusses que je t’ai prêtés, dans un déménagement ou où sais-je mouâ hien ? ;-)

    LA BISE et à BIENTOT !!

    Re PS c’était pas sur Rance Info qu’on a parlé de tes articles mais sur Rance Inter au fait, samedi... T’as trouvé le podcast ou pas ?