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"La Vie de Galilée, de Brecht", Théâtre du Peuple, Bussang (Vosges)

Publie le vendredi 30 juillet 2004 par Open-Publishing

" Qui ne connaît la vérité n’est qu’un imbécile.

Mais qui, la connaissant, la nomme mensonge, celui-là est un criminel ! "

( Galilée )

A Bussang, dans les Vosges, Christophe Rauck met en scène "La Vie de Galilée". Le dramaturge allemand s’interroge : l’astronome a-t-il nié pour sauver la science ou sa vie ?

"En l’an de grâce seize cent neuf à Padoue/La clarté du savoir jaillit d’un pauvre bouge./Galileo Galilei calcula tout :/Ce n’est pas le Soleil mais la Terre qui bouge." La Vie de Galilée, de Bertolt Brecht, suit précisément la trame biographique de l’astronome-mathématicien pisan (1564-1642), la résume et la commente d’un seul mouvement de phrase, dense et allègre. L’époque : "Les villes sont étroites et les têtes aussi. Peste et superstition" ; l’effondrement d’un système : "Il est apparu que les cieux sont vides. Alors un rire joyeux retentit" ; l’apparition du nouveau : "En une nuit, l’univers avait perdu son centre et, au matin, il en avait d’innombrables."

Deux lentilles ajustées dans un tube braqué sur l’infini et les hypothèses de Copernic sont vérifiables, de visu. Voir, c’est savoir. Pour éviter que d’autres voient ce qu’ils nient voir, les prélats envoient l’Inquisition fermer les paupières. L’oil populaire n’en perce pas moins l’obscurité. Ses baladins vont proclamant la nouvelle. Un théâtre se lève contre l’Eglise, des valets contre des maîtres, la science brechtienne est vérité, révolutionnaire, en soi.

Devant ses disciples, Galilée s’emballe : "Qui ne connaît la vérité n’est qu’un imbécile. Mais qui, la connaissant, la nomme mensonge, celui-là est un criminel !" Pourtant, face aux instruments de torture, il nie. Pour se sauver, ou pour sauver la vérité ? Cette question taraude Brecht. Peut-on être "criminel" pour ne pas trahir la science, la révolution ?

La pièce connaît une première version en 1938, période de l’exil danois de Brecht auprès des équipes du physicien Niels Bohr. Une deuxième version marque la rencontre du dramaturge et de Charles Laughton, mis en scène à Beverley Hills, occasion de délicates et fructueuses discussions américano-allemandes sur l’acteur, d’où Brecht tire un grand texte, "Composition d’un rôle" (Ecrits sur le théâtre), plus marquant peut-être que ses interrogations sur la place du scientifique après Hiroshima. La troisième et dernière version, donnée ici, est celle du Berliner. Ceux qui voient sous le dessin de Galilée un autoportrait de Brecht font peser la question de la rétractation d’un autre poids, celui de l’intellectuel, du dramaturge, enfermé dans le camp socialiste. Brecht ne demandait pas tant de sollicitude.

Le metteur en scène de cette Vie de Galilée, Christophe Rauck, retient son "écho à l’obscurantisme religieux". Les enfermements identitaires contemporains, avec leurs murs de grands livres clos, manifestent, il est vrai, une inquiétante résurgence de la "peste" séculaire des hommes en noir. L’appel à l’universel, à la raison et au doute, au grand dialogue intellectuel, à l’ouverture des frontières est de bonne et saine compagnie. La science est encore en ligne directe avec une pensée en liberté, le dogme ne connaît pas la force, supérieure, de la finance.

Sur la scène du Théâtre du Peuple de Bussang (Vosges), malgré l’allant des acteurs locaux, Galilée (Georges Bigot) apparaît comme le centre d’un autre système solaire, à peine frôlé par l’aile noire de l’Inquisition (Jean-Philippe Meyer). Son éclat solitaire renvoie la plupart des autres planètes dans l’ombre, comme de simples figurants de l’histoire. Seule la traditionnelle ouverture des portes de fond de scène au final lui dispute la lumière.

Jean-Louis Perrier

La Vie de Galilée, de Brecht.

Mise en scène : Christophe Rauck.

Avec Georges Bigot, Marie Normand, Nicolas Sotnikoff, Christiane Lallemand, Ismaël Ruggiero, Jean-Philippe Meyer, François Kergoulay, Thérèse de Paulis...

Théâtre du Peuple, Bussang (Vosges).

Tél. : 03-29-61-50-48. De 6 à 20 euros .

Durée : 3 h 15. A 15 heures, du vendredi au dimanche jusqu’au 8 août ; et du mercredi au dimanche jusqu’au 29 août.