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Olivier Besancenot revendique le droit à "vivre tranquillement sa vie" sans être jugé par son parti

Publie le mardi 10 août 2004 par Open-Publishing
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de Caroline Monnot

Dans la revue "Contretemps" à paraître en septembre, le porte-parole de la LCR exprime des regrets sur son "activisme" passé et évoque la "souffrance" de son engagement politique.

C’est l’amorce d’une réflexion sur la culture "Ligue" (comprenez la LCR) et, plus généralement, sur les modalités de l’engagement politique. Le propos, parfois critique, étonne d’autant plus qu’il émane d’un des porte-parole de la formation trotskiste, Olivier Besancenot. Cette réflexion est lancée alors que l’université d’été de la LCR s’ouvrira à Port-Leucate (Pyrénées-Orientales) fin août.

Dans le numéro à paraître de la revue Contretemps (n° 11, septembre 2004, Editions Textuel, 19 € ), M. Besancenot a accordé un long entretien au sociologue Philippe Corcuff - coanimateur de la revue avec Daniel Bensaïd, tous deux étant membres de la LCR - sur la "question individualiste" et la place de la personne dans les organisations militantes.

Sur ce sujet, l’ancien candidat à la présidentielle estime visiblement que la révolution culturelle n’a pas été suffisamment poussée dans son parti, ou qu’au moins toutes les conséquences n’en ont pas été tirées dans la prise de distance avec le modèle du "révolutionnaire professionnel". "Il y a un écart dans le type d’engagement des années 60-70 que je n’ai pas connu et le type d’engagement que je vis personnellement avec les répercussions que cela a dans le fonctionnement actuel de la LCR", observe-t-il.

"Aujourd’hui, nous ne sacrifions pas à un engagement quelconque l’ensemble de notre vie personnelle ou même professionnelle", poursuit-il. Et d’ajouter : "Il y a là quelque chose de générationnel qui n’est pas débattu. Et l’idée d’en discuter me paraît importante(...). La question de l’individu, elle est présente. (...) Si tu ne l’as pas comme point de départ et comme perspective, tu n’es pas crédible."

Pour M. Besancenot, le terrain de l’individualité ne doit pas être abandonné au néocapitalisme. Puisant sur ce sujet dans "la critique libertaire", il estime que "certaines discussions devraient pouvoir être menées entre tous dans le mouvement social et donc avec les libertaires (...). Il faut montrer que le camp de l’individu, au sens de l’épanouissement individuel, est du côté de l’émancipation sociale."

Au fil de l’évocation de son expérience personnelle, le jeune facteur laisse filtrer quelques confidences imprévues. Ainsi, abordant "l’activisme", qui "implique une telle exigence de sacrifice que cela effraie les autres, dont tu finis par te détacher", il indique : " J’ai moi-même donné dans l’activisme étudiant comme un con. Aujourd’hui je le regrette." Et il ajoute : "J’aimerais retourner un jour - je le ferai d’ailleurs une année - à la fac pour pouvoir me poser sur les bancs d’un amphi, aller en bibliothèque, pour étudier simplement, pour prendre du temps pour moi."

S’agissant de son rôle de porte-parole, il revient à plusieurs reprises sur des "incompréhensions", les tensions entre l’individu Besancenot et le "nous" de l’organisation. "Porter une parole collective ou incarner une représentation publique, c’est se faire violence, c’est une souffrance. En tout cas, c’est comme cela que je le vis", affirme-t-il.

"DU RÉCONFORT AU BOULOT"

Il égratigne au passage "la culture un peu élitiste de la Ligue", où l’on n’a parfois "pas compris" sa présence à l’émission "Les Grosses Têtes" de Philippe Bouvard. "C’est une émission que je revendique à 200 %. Curieusement, c’est l’une des rares émissions où j’ai pu vraiment discuter du fond, du contenu", indique-t-il.

Le porte-parole de la LCR, très attaché à son travail de postier -"une garantie par rapport à la médiatisation et face au problème de représentation politique"-, confie : "L’accueil est souvent plus chaleureux au boulot que dans les cercles militants, dans les bons comme dans les mauvais moments (...). Dans les univers militants, les rapports entre les individus ne sont pas toujours les plus épanouissants et les plus sympas. Alors qu’au boulot, paradoxalement, où les rapports peuvent être plus tendus, où il y a de la violence sociale, j’ai trouvé du réconfort, y compris dans les plus mauvais moments."

Interrogé sur sa récente paternité, sur la manière de concilier sa vie personnelle avec son rôle de militant actif et de porte-parole politique, M. Besancenot reconnaît que "cela peut provoquer des tensions". "Il y a ma vie privée, il y a ma vie professionnelle et ma vie politique. Ce n’est pas un tiers chacun. Cela ne se passe pas comme cela", souligne-t-il. "Même si la politique rentre dans ta vie privée, tu as quelque chose comme un droit à la protection." Et de conclure : "Dans ma génération, cela fait partie des questions que l’on se pose. On demande à pouvoir vivre tranquillement sa vie sans que le parti se permette de la juger dans un sens comme dans un autre (...). Au bout d’un moment, tu as une part purement intime. Et je pense que c’est quelque chose d’essentiel."

Pour M. Besancenot, "il est exclu que la Ligue fasse -avec lui- ce que LO a fait avec Arlette". Et de prévenir : "Je ne veux même pas imaginer que je puisse être le porte-parole de la LCR durant les trente prochaines années. Je sais que je ne le ferai pas."

http://www.lemonde.fr/web/recherche_articleweb/1,13-0,36-375042,0.html

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