Accueil > L’impérialisme qu’es acco ?

L’impérialisme qu’es acco ?

Publie le vendredi 24 juillet 2009 par Open-Publishing
15 commentaires

Personne n’est à l’abri... La menace d’un bon exemple

de Noam Chomsky

Aucun pays n’est à l’abri d’une intervention des Etats-Unis, même le plus insignifiant. En fait, ce sont souvent les pays les plus faibles, les plus pauvres, qui provoquent la plus grande hystérie.

Prenez le cas du Laos dans les années 60, peut-être le pays le plus pauvre du monde. La plupart de ceux qui y vivaient ne savaient même pas qu’ils vivaient dans un pays appelé le Laos ; tout ce qu’ils savaient était qu’ils vivaient dans un village qui était situé non loin d’un autre petit village, etc. Mais dès qu’une révolution sociale très limitée a commencé à se développer là-bas, Washington a soumis le Laos à un « bombardement secret » meurtrier, détruisant de larges portions de zones habitées et qui, de leur propre aveu, n’avait rien à voir avec la guerre que les Etats-Unis menaient contre le Vietnam du Sud.

La population de la Grenade est de 100.000 et vous auriez du mal à touver cette île sur une carte. Mais lorsque la Grenade a connu une révolution sociale modérée, Washington est rapidement entré en action pour détruire la menace.

Depuis la Révolution bolchevique de 1917 jusqu’à la chute des gouvernements communistes en Europe de l’Est à la fin des années 80, chaque agression US était justifiée comme une défense contre la menace soviétique. Ainsi lorsque les Etats-Unis ont envahi la Grenade en 1983, le chef d’Etat Major a expliqué que, dans l’éventualité d’une attaque soviétique contre l’Europe occidentale, un régime hostile à la Grenade pouvait couper les approvisionnements de pétrole des Caraïbes à l’Europe de l’Ouest et que les Etats-Unis seraient dans l’impossibilité de porter secours à leurs malheureux alliés.

Cela peut paraître comique, mais de telles histoires peuvent mobiliser un soutien de l’opinion publique contre l’agression, le terrorisme et la subversion.

L’agression contre le Nicaragua était justifiée par le fait que si nous ne « les » arrêtions pas là-bas, « ils » traverseraient notre frontière à Harlington, Texas – à peine deux heures de route. (pour les publics plus éduqués, il y avait des arguments plus sophistiqués, mais tout aussi plausibles).

En ce qui concerne l’économie américaine, le Nicaragua pourrait disparaître et personne ne s’en rendrait compte. Même chose pour le Salvador. Pourtant ces deux pays ont été soumis à des attaques meurtrières de la part des Etats-Unis qui ont coûté des centaines de milliers de vies et des milliards de dollars de dégâts.

Il y a une raison à cela. Plus le pays est faible, plus son exemple est dangereux. Si un pays minuscule comme la Grenade pouvait améliorer les conditions de vie de sa population, d’autres pays, avec plus de ressources, pourraient se demander « pourquoi pas nous ? »

Ceci est vrai aussi pour l’Indochine, qui est relativement grande et possède quelques ressources. Eisenhower et ses conseillers s’étendaient sans cesse sur le riz, l’étain et le caoutchouc, mais leur véritable crainte était que le peuple indochinois retrouve l’indépendance et la justice et que celui de la Thaïlande les imite et, en cas de réussite, que la Malaisie suive leur exemple pour rapidement aboutir à l’indépendance totale de toute l’Indonésie et la perte pour les Etats-Unis d’une partie importante de la « Grande Zone ».

Lorsqu’on veut instaurer un système global qui soit soumis aux besoins des investisseurs américains, il faut s’assurer que tous les morceaux restent en place. Il est étonnant de constater à quel point cette idée est ouvertement formulée dans les documents officiels.

Prenons l’exemple du Chili sous Allende. Le Chili est un pays relativement grand, avec beaucoup de ressources naturelles, mais, là non plus, les Etats-Unis n’allaient pas s’effondrer si le Chili devenait indépendant. Pourquoi étions-nous si préoccupés par ce pays ? Selon Kissinger, le Chili était un « virus » qui pouvait « infecter » la région et dont les effets allaient se ressentir jusqu’en Italie.

Malgré 40 ans de subversion par la CIA, l’Italie avait encore un mouvement ouvrier. L’avènement d’un gouvernement social-démocrate au Chili aurait pu inspirer les électeurs italiens. Imaginez qu’ils se prennent à avoir des idées bizarres comme celle de reprendre le contrôle de leur propre pays et de refonder les mouvements détruits par la CIA dans les années 40 ?

Les stratèges américains, depuis le secrétaire d’Etat Dean Acheson à la fin des années 40 jusqu’à nos jours, ont toujours averti qu’ « une pomme pourrie gâte le baril » [traduction littérale du proverbe – NDT]. Le danger était la pourriture – le développement social et économique – qui pouvait se transmettre.

Cette « théorie de la pomme pourrie » est présentée en public sous le nom de la théorie des dominos. Elle est destinée à faire peur à l’opinion publique et lui expliquer comment Ho Chi Minh pourrait monter dans canoë et pagayer jusqu’en Californie, ce genre de choses. Il se peut que quelques responsables américains croient à ces bêtises, c’est possible, mais pas les stratèges. Ces derniers comprennent parfaitement que la véritable menace est celle d’un « bon exemple ». Et il leur arrive parfois de l’énoncer clairement.

Lorsque les Etats-Unis planifiaient le renversement de la démocratie guatémaltèque en 1954, le Département d’Etat a déclaré officiellement que « le Guatemala représente un danger croissant pour la stabilité du Honduras et du Salvador. Sa réforme agraire est un puissant outil de propagande : son vaste programme social d’aide aux travailleurs et paysans dans une lutte victorieuse contre les classes aisées et les grandes entreprises étrangères exerce un fort attrait auprès des populations voisines en Amérique centrale, où les conditions sont similaires ».

En d’autres termes, les Etats-Unis veulent la « stabilité », c’est-à-dire la sécurité pour « les classes aisées et les grandes entreprises étrangères ». Si cet objectif peut être atteint par des mécanismes démocratiques, tout va bien. Sinon, la « menace contre la stabilité » que représente un bon exemple doit être détruite avant que le virus ne se répande. C’est pourquoi même le plus petit des pays peut représenter une menace et doit être écrasé.

 traduction VD

Messages

  • Chomsky, comme tant d’autres, oublie un point capital : si ni Allende ni n’oncle Ho, et tous les autres ne représentaient une menace sérieuse pour les gouvernements capitalistes des autres pays que les leurs, c’est précisément par ce qu’ils étaient fondamentalement nationalistes - d’une manière différente des nationalistes de droite, mais privilégiants leur pays et n’ayant aucune intention de faire jouer la solidarité internationale des travailleurs -.

    En bons héritiers de staline, ils s’imaginaient que le socialisme c’était simplement les nationalisations et un peu d’aide sociale.

    C’était suffisant pour se mettre la CIA à dos, mais insuffisant pour garantir la victoire de la classe ouvrière.

    • C’était suffisant pour se mettre la CIA à dos, mais insuffisant pour garantir la victoire de la classe ouvrière.

      Qui commande la CIA ? Dieu, le diable ou les capitalistes de WallStreet ? Et puis si Allende, Hochiminh et les autres ne sont que des valets du capitalisme, pourquoi maltraiter leurs peuples ?

    • Chomsky, comme tant d’autres, oublie un point capital : si ni Allende ni n’oncle Ho, et tous les autres ne représentaient une menace sérieuse pour les gouvernements capitalistes des autres pays que les leurs, c’est précisément par ce qu’ils étaient fondamentalement nationalistes

      On a pas du tout compris ce texte de Chomsky de la même façon alors.. Il me semble que sa démonstration vise justement à montrer pourquoi les Etats-Unis s’attaquent historiquement y compris (et surtout) à des petits pays qui ne menacent en rien leur hégémonie économique... Parce que, explique Chomsky, leur volonté d’indépendance et d’un modèle économique et social différent de celui des Etas-Unis pourrait faire tâche d’huile...

      Vieux débat entre nationalistes et internationalistes ? Pour ma part, je considère que les luttes d’indépendance et nationalistes menées par Ho Chi Minh, Allende, Castro ou d’autres sont bien des luttes anti-impérialistes et qu’à ce titre, elles participent d’un mouvement d’ensemble de la classe ouvrière au plan mondial.

      Nationalisme et internationalisme de la classe ouvrière ne sont donc pas contradictoires puisque tous deux luttent contre l’impérialisme et contre la volonté des grandes firmes supranationales de les asservir.

      D’ailleurs ces pays s’inscrivaient dans une internationale socialiste où le principe d’une coopération économique était actée...

      [>http://www.universalis.fr/encyclopedie/Q163231/SOCIALISME_Socialisme_et_Tiers_Monde.htm]

      A cet égard, l’article de Chomsky éclaire l’enjeu de la lutte contre les putchistes au Honduras. En quoi, le Honduras et les options politiques prises par Zelaya menaçaient-ils l’impérialisme américain si ce n’est par sa volonté de coopérer avec d’autres pays d’Amérique du sud au sein de l’Alba pour s’affranchir de la tutelle nord-américaine ? Là encore, les Etats-Unis craignent en fait l’effet "tâche d’huile" dont parle Chomsky...

    • Attendre la révolution mondiale en traitant de staliniens ceux qui ont essayé de faire quelque chose déjà chez eux, c’est le grand confort avec chauffage à tous les étages, faute d’y avoir la lumière.

      A part ça, on devrait écrire "qu’es aquò". Mais Chomsky a une excuse, quoique grand linguiste : il est américain. (lol, comme je dis quand je veux me faire passer pour un jeune !)

    • Il est évident que le Honduras entre bien dans la démonstration de Chomsky. Ce qui est intéressant une fois de plus chez cet éternel anti-impérialiste c’est qu’il met les choses à leur juste valeur. L’hégémonie US est un fleau que nous devons combattre au même titre que certaine dictature, et surtout ne pas se leurrer en y participant comme en entrant de façon active dans l’OTAN. Car si l’aspect extérieur que l’on veut donner à ce truc peut paraître salvateur avec la lutte contre les Talibans, ils ne sont en réalité qu’un prétexte pour étendre l’impéralisme US, dire qu’il y a des naïfs qui s’y laissent prendre...

    • c’est le grand confort avec chauffage à tous les étages, faute d’y avoir la lumière.

      ...et ça ressemble même à du Philippe Val qui qualifiait les analyses de Chomsky, dans ses inoubliables contributions à l’histoire de la pensée humaine publiées dans Charlie, de "conneries binaires"...

    • "Attendre la révolution mondiale en traitant de staliniens ceux qui ont essayé de faire quelque chose déjà chez eux, c’est le grand confort avec chauffage à tous les étages, faute d’y avoir la lumière"

      "Ceux qui ont essayé de faire quelques choses chez eux". Tu penses sans doute au Maréchal Tito qui n’a pas respecté le partage dit de Yalta entre Staline, Roosevelt et Churchil ? Tu penses aussi à la résistance grecque que Staline a laissé se faire écrasée par les troupes britanniques en 1945, victime du partage de Yalta ? Tu penses aussi à Che Guevarra lâché par le PC Bolivien pro Moscou ?

      "Comment peut-on entendre par "bénéfice mutuel" la vente au prix du marché mondial des matières premières qui coûtent sueur et souffrances sans limite aux pays sous développés contre l’achat au prix du marché mondial des machines fabriquées dans les grandes usines automatisées actuelles ?
      Si nous établissons ce genre de relations entre pays sous développés et pays socialistes, ils nous faut admettre que ces derniers sont, d’une certaine manière, complice de l’exploitation impériale".

      Che Guevarra, extrait du discours d’Alger le 24 février 1965

      "En essayant de faire quelques choses" et en y laissant sa vie, le camarade Che Guevarra en connaissait un rayon sur la "solidarité" des "pays frères"

      Je reviens sur l’expérience yougoslave dénoncée par Staline et se séides.

      En 1950, la IV° internationale avait envoyé une aide matérielle et des brigades de volontaires pour briser l’isolement et soutenir l’expérience autogestionnaire yougoslave et Tito en butte aux menaces de Staline et de ses soutiens . En effet, aprés avoir enfreint le partage dit de Yalta en prenant le pouvoir en 1945 en Yougoslavie et rompu avec Staline, les dirigeants communistes yougoslaves,devenus des "espions titistes" pour les staliniens avaient pris en 1950 d’importantes mesures de démocratisation concernant les coopératives paysannes, dont l’organisation passait de la gestion des pouvoirs populaires à celles des fonds d’arrondissement, dont les délégués étaient élus par les coopérateurs eux mêmes. Il en était de même dans l’enseignement : les conseils de citoyens (de parents) obtenaient le droit de contrôle et de véto.

      Guillot

    • En effet, aprés avoir enfreint le partage dit de Yalta en prenant le pouvoir en 1945 en Yougoslavie et rompu avec Staline, les dirigeants communistes yougoslaves,devenus des "espions titistes"

      Yalta n’a rien à voir avec cette situation ; Tito voulait être maitre chez lui, c’est tout !

    • chaque fois qu’un pays se libère ,avons nous dit , c’est une défaite pour le système impérialiste mondial , mais nous devons reconnaitre que cette rupture ne se produit pas du seul fait de proclamer l’indépendance ou d’obtenir une victoire par les armes dans une révolution . la liberté survient lorsque la domination économique de l’impérialisme sur un peuple cesse . Che Guevara . extrait du discours d’alger .

      un affreux << nationaliste >> que j’apprécie beaucoup en tant que communiste . sam 82.

    • Les Américains vont installer plusieurs bases militaires en Colombie. Uribe est le grand "ami" des USA.
      Avec le Honduras, je vois trois autres pays en danger dès lors : le Venezuela, la Bolivie et L’Equateur.
      Au Honduras, avec le retour très bref du Président Zelaya au Honduras hier, on a pu s’apercevoir du double jeu des Américains, qui, avec tous les autres pays, ont condamné le coup d’état et réclamé le retour du président légal dans son pays, et hier, Hillary Clinton a condamné le fait que celui-ci y soit retourné, (dune façon diplomatique certes, mais condamné tout de même.)

    • Justement, cet extrait du Che n’est pas nationaliste à bien y regarder.

      Il faut rajouter qu’à cette époque, la plupart des nationalismes qui se développaient étaient en rupture avec l’impérialisme et avaient tendance à épouser les idées du socialisme, du moins d’être repeintes en "socialisme".

      Rapidement la radicalisation produite par la résistance aux vieux empires colonialistes et aux impérialismes se faisait sur la gauche.

      Les révolutions et libérations nationales ont des teintes bien plus compliquées maintenant.

      Mais hier comme aujourd’hui se posent la question du contenu "positif" des ruptures.

      L’opposition à un impérialisme peut être fasciste et/ou porter une bourgeoisie ou une bureaucratie qui est un calque des méthodes de domination brutales ou mielleuses de l’impérialisme.

      Au nom du socialisme donc, et plus précisément au nom du pouvoir des travailleurs.

      Chomski fait depuis des décennies un travail de déblayage de la question de la domination, des mécanismes de l’impérialisme.

      Les tenants du communisme se saisissent de son travail mais y rajoutent l’élément qui réellement est susceptible de libérer l’humanité d’une partie de ses maux : La liberté des travailleurs, leur droit et pouvoir concret à diriger leurs propres affaires collectivement en s’appuyant sur l’interdiction de l’exploitation de l’homme par l’homme.

      Le monde, hors des métropoles historiques du capitalisme, a changé énormément depuis l’époque de l’écrasement du Laos et du Cambodge sous les bombes US :

      C’est une planète des prolétaires essentiellement urbains qui est dominante numériquement, des prolétaires de plus en plus "éduqués".

      A part quelques états essentiellement encore ruraux et paysans, le pouvoir des travailleurs, l’autogestion, sont au programme immédiat de la résistance aux impérialismes.

      Et d’abord par leurs articulations internationalistes, voir planétaires.

  • Bonjour,

    Où se trouve le texte original, je ne l’ai pas vu sur le site de Chomsky ? Ni sur Wikipedia à l’article Noam Chomsky ? Peut-être ai-je mal cherché.

    Merci