Accueil > Les polices occidentales découvrent les nouvelles formes d’Al-Qaida

Les polices occidentales découvrent les nouvelles formes d’Al-Qaida

Publie le vendredi 20 août 2004 par Open-Publishing
6 commentaires

de Jean-Pierre Stroobants

Les services européens engagés dans la lutte antiterroriste sont revenus de leur scepticisme initial sur la réalité de la menace ayant conduit les Etats-Unis à relever le niveau d’alerte sur leur territoire le 1er août. Après trois semaines d’examen des renseignements recueillis à la faveur des dernières arrestations, au Pakistan et en Grande-Bretagne, ils constatent une évolution des réseaux décidés à commettre des attaques de grande ampleur. Si la cellule de tête d’Al-Qaida existe toujours sous une forme "historique", la structure des réseaux semble s’être décentralisée par souci d’"efficacité". Des groupes d’activistes autonomes tentent d’enrôler des membres moins suspects, aux yeux des polices, que des personnes d’origine arabe, comme l’indiquent les arrestations, à Londres, de Pakistanais naturalisés britanniques.

Bruxelles de notre bureau européen

Le moment choisi était politiquement douteux, les mesures de protection adoptées sans doute excessives et la révélation de certaines informations assurément néfaste, cassant une chaîne dont tous les maillons n’étaient pas identifiés. Il n’empêche : après trois semaines d’analyses et de contacts répétés avec leurs homologues d’outre-Atlantique, des responsables européens de l’antiterrorisme sont revenus du scepticisme relatif qu’ils affichaient lorsque, le 1er août, les autorités américaines ont placé sous haute surveillance une série de bâtiments abritant des institutions financières et bancaires.

Alimenté par le soupçon d’une manipulation organisée par l’administration Bush alors que tous les projecteurs étaient braqués sur John Kerry et la Convention du Parti démocrate, le doute avait été renforcé par une méfiance plus générale face à certains excès américains, mais aussi par les critiques formulées par des responsables démocrates et de grands journaux. Ces derniers avaient surtout retenu d’un briefing officiel que les informations qui avaient déclenché l’alerte dataient de 2000 ou 2001, avant les attaques du 11 septembre 2001. Dans une contre-enquête publiée lundi 16 août, l’hebdomadaire Newsweek souligne qu’en fait, un haut responsable du renseignement avait ajouté que "le plan d’Al-Qaida se poursuivait probablement aujourd’hui encore".

Peu de monde avait, à Washington, prêté attention à ce propos, même si l’hypothèse d’un attentat commis au cours de la campagne pour l’élection présidentielle est évoquée depuis plusieurs mois. L’examen de l’enchaînement qui a conduit à l’alerte américaine et aux huit inculpations de terroristes présumés à Londres, mardi 17 août, pousse des responsables européens à rejoindre quelque peu leur homologue. Si une divergence se manifeste encore entre services des deux côtés de l’Atlantique, c’est à propos du schéma de l’organisation qui serait derrière une nouvelle attaque antiaméricaine.

Selon une majorité d’Européens, Al-Qaida n’existe plus vraiment en tant qu’organisation structurée, dotée d’un cerveau central. D’après les Américains, en revanche, Oussama Ben Laden, Ayman Al-Zawahri, son bras droit, ainsi que d’autres dirigeants "historiques" d’Al-Qaida restent des acteurs, et pas seulement des références fortes, pour une nouvelle génération d’activistes très structurés. Pour preuve, avancent-ils, la réunion qui se serait tenue en mars au Waziristan, région pakistanaise proche de la frontière afghane, où des cadres d’Al-Qaida auraient, selon le président Pervez Musharraf, tenu une réunion de "planification" en vue d’attentats majeurs, comme cela s’était produit avant septembre 2001. Un Pakistano-Américain détenu aux Etats-Unis, Mohammed Djounaid Babar, a reconnu devant la justice avoir participé à cette rencontre.

D’après un officiel européen, cette information montre, en réalité, que la structure du terrorisme islamiste est simplement en train d’évoluer, mue par une "recherche d’efficacité". La conception des grandes opérations resterait centralisée ; l’étude de leur réalisation pratique ainsi que leur exécution seraient, en revanche, confiées à des groupes autonomes disposant d’une implantation locale. Les services occidentaux possèdent, par exemple, des informations indiquant que des groupes d’activistes tentent d’enrôler des membres "de type chrétien" et des femmes, moins suspects que des Arabes aux yeux de la police. Aux Etats-Unis, le FBI soupçonne des personnes d’origine tchétchène ou bosniaque ainsi que, plus généralement, des Européens arrivés dans les années 1990.

MISSION DE REPÉRAGE

La Grande-Bretagne - qui reste, aux yeux de beaucoup, le pays d’Europe le plus visé - est, elle, un peu plus convaincue encore que la menace évolue depuis les récentes arrestations, dont celle d’Abou Issa Al-Hindi. Doté de plusieurs identités, âgé de 32 ans, ce converti à l’islam possédait des plans du New York Stock Exchange, des bâtiments du Fonds monétaire international (FMI) et de Citigroup, ainsi que des carnets contenant des informations sur des armes chimiques et bactériologiques. C’est Ben Laden lui-même qui l’aurait chargé, avant 2001, d’une mission de repérage de cibles "financières et juives". Outre son éventuelle implication dans la préparation d’attentats (à l’aéroport de Londres-Heathrow et à New York) et le rôle qu’il jouait au sein des réseaux islamistes, Al-Hindi intéresse aussi les autorités britanniques parce qu’il est l’un des premiers activistes d’origine indienne (il est né dans la province du Gujarat) arrêté au cours d’enquêtes sur des responsables de haut niveau. En mars, l’arrestation de huit autres Britanniques d’origine pakistanaise chez lesquels a été retrouvée une demi-tonne d’un engrais pouvant servir d’explosif, avait confirmé que, désormais, les cellules recrutaient au sein des communautés d’immigrants musulmans naturalisés et installés de longue date, jeunes et dotés d’un bon niveau d’éducation. Cette évolution déroute les services européens, qui se focalisaient sur les anciens d’Afghanistan et les milieux arabes fondamentalistes. Une autre caractéristique des récents épisodes, qui pose tout autant de questions aux spécialistes européens, est la soudaine et forte implication du Pakistan dans la chasse à Al-Qaida et à ses affiliés. En un peu plus d’un mois, une soixantaine d’activistes présumés ont été arrêtés et c’est l’identification, à la mi-juillet, de Mohammed Naïm Nour Khan, un informaticien de 25 ans, qui a sans doute permis de prévenir des attentats aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

"OFFICIER SUPÉRIEUR"

Assurant un lien entre l’état-major d’Al-Qaida et certains "opérationnels", Nour Khan possédait, dans ses ordinateurs, une quantité d’informations prouvant son rôle d’"officier supérieur" : ses contacts avec au moins six personnes aux Etats-Unis, ses voyages dans ce pays et en Grande-Bretagne, ses liens avec des réseaux en Occident, en Malaisie, en Indonésie ou au Népal. Ce sont des messages envoyés à Al-Hindi qui ont entraîné l’arrestation de ce dernier, ainsi que celle, au Pakistan, du Tanzanien Ahmed Khalfan Ghailani, recherché pour complicité dans les attentats contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya, en 1998 (231 morts au total).

Les autorités de Karachi pensent que si Washington n’avait pas révélé les noms des suspects, un réseau plus vaste aurait pu être mis au jour. Londres n’est pas loin de partager cet avis. Les autres services européens se demandent désormais s’ils doivent revoir, ou non, leur pronostic sur la perte d’influence de Ben Laden. Ils relèvent qu’un message du chef d’Al-Qaida, annoncé par des sites islamistes, n’a toujours pas été diffusé, ce qui pourrait laisser entendre qu’il connaît des difficultés à communiquer à partir de son refuge. Ils savent aussi qu’un tel message pourrait être le signal qu’attendent des groupes pour passer à l’action, dans l’un ou l’autre pays.

Jean-Pierre Stroobants

Une "société sous surveillance"

"Le danger existe" de voir la Grande-Bretagne devenir "une société sous surveillance" en raison de mesures prises par le gouvernement dans la lutte antiterroriste, estime Richard Thomas, l’Information Commissioner - poste équivalent à la Commission informatique et libertés - dans un article publié, lundi 16 août, dans le Times. M. Thomas s’inquiète des projets du ministère de l’intérieur : créer un fichier national incluant toutes les adresses passées et présentes des détenteurs d’une carte d’identité, un registre des mineurs contenant tous les renseignements médicaux, scolaires et familiaux de chaque enfant. "Certains de mes homologues en Espagne ou en Europe de l’Est ont vu, au siècle dernier, ce qui peut arriver quand un gouvernement devient trop puissant et possède trop d’informations sur ses citoyens", ajoute-t-il.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3220,36-376106,0.html

Messages

  • J’aurais pu vous faire partager quelques faits passionnants et des pensées personnelles sur le conflit israélo-arabe. Pourtant, je ne l’évoquerai qu’en passant. Je préfère consacrer l’essentiel de mes remarques à une description plus large de la région et à sa place dans les événements du monde. Je parle de toute la zone qui va du Pakistan au Maroc, qui est majoritairement arabe, majoritairement musulmane, mais inclut beaucoup de non Arabes ainsi que des minorités non musulmanes significatives.

    Pourquoi mettre de côté Israël et son entourage immédiat ? Parce que, malgré ce que vous pouvez lire ou entendre dans les médias internationaux, Israël et tous les problèmes qu’on lui impute ne sont pas la question centrale, et n’ont jamais été la question centrale dans le bouleversement qui affecte la région. Certes, il y a un conflit israélo-arabe centenaire, mais le principal théâtre des événements est ailleurs. Les millions de victimes de la guerre entre l’Iran et l’Iraq n’avaient rien à voir avec Israël. Le meurtre de masse qui a lieu en ce moment au Soudan, où le régime arabo-musulman massacre ses citoyens chrétiens noirs, n’a rien à voir avec Israël. Les fréquentes dépêches en provenance d’Algérie faisant état de meurtres de centaines de civils, perpétrés, dans tel ou tel village, par d’autres Algériens, n’ont rien à voir avec Israël. Saddam Hussein n’a pas envahi le Koweït, menacé l’Arabie Saoudite ni envoyé à la boucherie son propre peuple à cause d’Israël. L’Égypte n’a pas fait usage de gaz toxique contre le Yémen, dans les années 60, à cause d’Israël. Assad-père n’a pas tué des dizaines de milliers de ses compatriotes en une semaine à El-Hamma, en Syrie, à cause d’Israël. La prise de contrôle de l’Afghanistan par les Taliban et la guerre civile là-bas n’a rien à voir avec Israël. L’attentat libyen qui a causé l’explosion du vol de la PanAm, n’a rien à voir avec Israël, et je pourrais continuer indéfiniment sur ce thème.

    La racine du problème est que cette région entièrement musulmane est victime d’un dysfonctionnement total, dans tous les sens du terme, et l’aurait été même si Israël avait adhéré à la Ligue arabe et si la Palestine indépendante avait existé depuis un siècle. Les 22 pays membres de la Ligue arabe, de la Mauritanie jusqu’aux États du Golfe, ont une population totale de 300 millions d’habitants, plus importante que celle des États-Unis et presque aussi nombreuse que celle de l’Union européenne avant son expansion. Ils disposent d’une étendue territoriale plus vaste que celle des États-Unis ou de toute l’Europe. Ces 22 pays, avec tout leur pétrole et leurs ressources naturelles, ont un PIB combiné inférieur à celui des Pays-Bas et de la Belgique réunis, égal à la moitié du PIB de la seule Californie. Avec ce maigre PIB, les écarts entre riches et pauvres sont inimaginables et un trop grand nombre de riches ont fait fortune non en réussissant dans les affaires, mais en se comportant en despotes corrompus. Le statut social des femmes est très inférieur à ce qu’il était, il y a 150 ans, dans le monde occidental. Les droits de l’homme y sont en dessous du raisonnable, en dépit du fait grotesque que la Libye ait été élue à la présidence de la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Selon un rapport préparé par un comité d’intellectuels arabes et publié sous les auspices de l’ONU, le nombre de livres traduits par le monde arabe tout entier est bien inférieur à ce que la petite Grèce traduit à elle seule. La totalité des publications scientifiques de 300 millions d’Arabes est inférieure à celle de 6 millions d’Israéliens. Les taux de natalité dans la région sont très élevés, augmentant la pauvreté, les inégalités sociales et le déclin culturel. Et tout cela se produit dans une région, que l’on croyait, il y a seulement 30 ans, devoir être la prochaine partie la plus riche du monde, et dans une région musulmane, où fleurissait, à une époque, l’une des cultures les plus avancées du monde.

    Il va sans dire que cette situation est propice aux dictatures cruelles, aux réseaux de terrorisme, au fanatisme, à la haine, aux attentats-suicides et à un déclin général. C’est également un fait que presque tout le monde dans la région en rejette la faute sur les États-unis, Israël, la civilisation occidentale, le judaïsme, le christianisme, sur n’importe qui et n’importe quoi, excepté eux-mêmes.

    • à l’auteur de ce pamphlet ouvertement sioniste,pro-occidental,anti-arabe et anti-musulman,une seule question portant sur des faits(je suis historien):décrivez nous le conflit israélo-arabe en 1904(puisqu’il est centenaire selon vos affirmations...) ?

    • Plutôt que vous attarder sur un point de détail (centenaire du conflit), démontrez que ce texte est "ouvertement sioniste,pro-occidental,anti-arabe et anti-musulman". Vous ne l’avez pas lu ? ou vous êtes tellement pro-pal anti-israélien que vous préférez vous mettre la tête dans le sable plutôt qu’examiner lucidement ce qui se passe dans le monde arabe ?

    • la vérité historique considérée comme un "point de détail", cet argument de pure rhétorique me rappelle un certain JM Le Pen (RTL,le 13 septembre 1987)...

      un historien.

    • C’est exact et c’est fait exprès. Car faire 1 seule remarque sur le "centenaire" (ou pas centenaire) du conflit est vouloir nier le reste du texte. C’est vous qui vous mettez en valeur ce point et je ne vois pas où est la vérité historique dans ce que vous écrivez, puisqu’en fait, vous ne dites rien.

  • donc la logique de la lutte anti-terroriste est la suivante selon les savants experts anglo-saxons : il faut commencer par soupçonner (et enfermer) tous les fondamentalistes islamistes, puis tous les islamistes, puis tous les musulmans, puis tous les non-chrétiens, puis tous les non-occidentaux, puis tous les non-anglo-saxons (de trés gros profits en perspective pour le néocapitalisme sécuritaire anglo-saxon...). Conclusion : le monde est peuplé de terroristes potentiels prets à s’attaquer à la forteresse des maitres de monde et ces derniers sont en train de supprimer l’acquis historique français des "droits de l’homme" pour tenter de sauver leur ridicule mode de vie aboutissant à l’obésité financière, intellectuelle et physique de quelques-uns et à la misère pour le plus grand nombre...merci messieurs pour un tel projet d’avenir !