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Les ravages de la guerre impérialiste en Irak

Publie le lundi 5 octobre 2009 par Open-Publishing

« Le plus grand pourvoyeur de violence du monde est mon propre pays »
Martin Luther King *

Combien d’enfants, de femmes et d’hommes innocents sont morts en Irak depuis l’invasion de ce pays par l’armée américaine et ses alliés ? Personne ne le sait avec précision. Mais ce qui est sûr, c’est que leur nombre se chiffre par centaines de milliers. Combien de blessés, d’estropiés, de veuves, d’orphelins, de réfugiés etc. ? On passe rapidement, cette fois, des centaines de milliers, à des millions. Bombes au napalm, au phosphore blanc, à fragmentation, chars, navires, avions, bombardiers, véhicules aériens sans équipage, missiles, bref des armes légales et illégales de toute sorte, coordonnées par une structure de commandement planétaire, ont été utilisées pour cette tuerie collective. Et quel est le crime de chacune de ces victimes ? Selon Bush, Blair, Aznar, Sarkozy, Obama etc. ce pays représente un véritable danger pour le monde. Car l’Irak possède, entre autres, les armes de destruction massive et demeure le foyer mondial du terrorisme. Il faut donc sécuriser ce pays et apporter à sa population démocratie, liberté et prospérité.

Aujourd’hui, près de sept ans après l’invasion américaine, l’Irak est dans une situation tragique. La population est réduite à vivre dans des conditions infra-humaines. Ce que subit aujourd’hui le peuple irakien donne la mesure de la cruauté dont le capitalisme et la bourgeoisie qui le porte sont capables.

L’électricité par exemple est devenue presque un luxe ; les irakiens n’en bénéficient que 4 à 6 heures seulement par jour. L’eau potable leur manque cruellement :« Ici, l’eau courante n’est pas disponible plus de deux heures par jour », dit une habitante de Bagdad sachant que les températures atteignent, l’été, facilement les 50 degrés Celsius (1). La population irakienne a soif alors que deux majestueux fleuves le Tigre et l’Euphrate, qui rendaient la vie possible depuis des millénaires et permettaient également avant l’invasion de fournir aux irakiens l’eau potable dont ils avaient besoin, coulent toujours. Mais cette eau « potable » est souvent mélangée avec des eaux usées « Le pourcentage d’eau sale, impropre à la consommation humaine risque de provoquer des maladies plus dangereuses que le choléra, et notamment certains types d’hépatites et de diarrhées potentiellement mortels » affirmait le ministre irakien de la santé(2). Selon les Nations Unies, plus de 300 cas de choléra ont été recensés officiellement (3). Les hôpitaux irakiens, qui manquent quasiment de tout, reçoivent chaque jour des patients notamment des enfants souffrant des maladies liées à l’eau impropre à la consommation. L’absence de médicaments et d’infrastructures médicales mettent ces malades en danger de mort.

Le manque d’eau se transforme ainsi en une arme silencieuse qui tue sans faire de bruit.

Il ne s’agit là que de quelques aspects de cette tragédie subie au jour le jour par la population irakienne. Elle qui bénéficiait avant les sanctions économiques( 1990-2003) et la guerre dite du Golfe(1991), d’un niveau de vie relativement élevé et d’infrastructures éducatives, sanitaires, hydrauliques, routières etc. des plus développées de la région, est réduite à vivre aujourd’hui dans la misère la plus noire. Il faut rappeler que ces sanctions économiques imposées par les États-Unis et le Royaume- uni et autorisées par l’ONU sont les plus violentes et les plus longues de l’histoire des Nations Unies. Il s’agit en fait d’un châtiment collectif infligé à tout un peuple(4). Ces sanctions ont, entre autres crimes, tué environ un demi million d’enfants. Pour Madeleine Albright, secrétaire d’État de l’administration Clinton, la vie des enfants irakiens n’a aucune valeur, mais un prix : « Nous pensons que c’est le prix à payer »(5). Sauf que ce « prix » est payé, une fois encore, par le peuple irakien.

Et comme si ces terribles souffrances ne suffisaient pas, W. Bush et son caniche T. Blair, deux criminels de guerre décidèrent d’envahir l’Irak.
Les citoyens du monde entier dans un immense élan de solidarité avec le peuple irakien et contre la guerre ont défilé par centaines de milliers dans les rues de New-York, du Caire, de Paris, Caracas, Londres, Istanbul, Berlin, Jakarta, Tokyo, Lagos, Madrid etc. etc. Les citoyens du monde d’un côté, les bourgeoisies américaine et anglaise, à travers leurs représentants politiques, de l’autre dans un face à face qui a vite tourné à l’avantage de Bush et de Blair. La paix fut vaincue une fois encore. La guerre l’a emporté sur la paix et les intérêts d’une minorité ont triomphé contre la volonté d’une immense majorité.
Le 20 mars 2003, l’armée américaine et ses supplétifs ont franchi les frontières irakiennes.

Depuis cette date, la population irakienne vit un long et interminable calvaire. Les irakiens sont torturés et humiliés dans leur propre pays par une soldatesque ivre de violence. La terreur, organisée directement ou indirectement par l’armée américaine et la police locale, règne dans les villes irakiennes. Ces villes sont, par ailleurs, dévastées et défigurées par des murs de sécurité érigés un peu partout ; les rues sont quadrillées de barbelés et d’ engins militaires de toute sorte. Mercenaires, forces spéciales, escadrons de la mort s’acharnent contre une population constamment soupçonnée de soutenir la résistance.
Fallujah, ville martyre, connaît « un accroissement sans précédent du nombre d’enfants et de fœtus morts avec des malformations congénitales monstrueuses » conséquence de l’utilisation massive par l’armée américaine des armes interdites par toutes les conventions internationales (6).
Mais cette violence ne s’exerce pas seulement directement sur les hommes, elle s’étend également à leur mémoire, à leur histoire et à leur patrimoine. Faut-il rappeler que l’Irak est le berceau de la civilisation humaine ? La Mésopotamie (entre deux fleuves en grec), qui correspond à l’Irak d’aujourd’hui, a vu naître sur son sol de brillantes et splendides civilisations. C’est sur cette terre que l’écriture et le calcul, entre autres, furent inventés. Mais la Mésopotamie c’est aussi Babylone et ses jardins suspendus (septième merveille du monde), Hammourabi et son code, Nabuchodonosor II et sa conception architecturale etc. etc. Bush savait-il quelque chose de tout cela ? Pourquoi avait-il laissé ses troupes piller et détruire l’histoire et le patrimoine du peuple irakien et de toute l’humanité ? Le musée et la bibliothèque de Bagdad ainsi que d’autres sites qui renferment des antiquités, des documents et des manuscrits sans prix ont été pillés et parfois incendiés sous les yeux des soldats américains. Des objets d’art par milliers notamment les deux lions en terre cuite de Babylone ont été détruits. Pourtant les conventions internationales, celle de Genève et de La Haye par exemple, interdisent le pillage et imposent à la puissance occupante de protéger le patrimoine culturel du pays occupé. Mais le droit c’est aussi le droit du plus fort.
Si aux yeux de l’administration américaine l’histoire et le patrimoine culturel de l’Irak ne méritent que mépris et indifférence, les puits de pétrole, eux, par contre étaient bien protégés et bien « sécurisés » pour utiliser le langage militaire et médiatique.

Les universités n’ont pas été non plus épargnées. La Mustansiriya, la grande université de Bagdad qui date du XIII siècle a été bombardée et les archives, manuscrits, livres rares etc. de sa bibliothèque ont été volés ou brûlés au grand jour et sous le regard de l’occupant.
Ce mépris affiché par l’administration américaine pour la vie des hommes, pour leur intelligence et leur patrimoine culturel rappelle quelque peu les réactions pleines de haine des phalangistes espagnols et le discours du courageux Miguel de Unamuno le 12 octobre 1936 à l’université de Salamanca dont il était recteur :« Cette université est le temple de l’intelligence. Et je suis son grand prêtre. C’est vous qui profanez son enceinte sacrée. Vous vaincrez parce que vous disposez de la force brutale ; vous ne convaincrez pas car il vous manque la raison » disait calmement le grand philosophe basque. « Vive la mort », « à bas l’intelligence » vociféraient les franquistes.

Il manquait peut-être à l’université de Bagdad un Unamuno irakien. Mais chaque époque et chaque pays produisent ses propres héros. L’Espagne de 1936 n’est pas l’Irak de 2003 et Franco n’est pas Bush. Pourtant le 14 décembre 2008 à Bagdad, un homme, Mountazer al-Zaïdi, s’est levé et a osé lancer ses chaussures sur Bush le président des États-Unis ! C’est un acte dérisoire face à l’ampleur de la tragédie irakienne. Mais ce geste a suffi pour enflammer les masses en Irak et à travers tout le monde arabe et bien au-delà. Partout à travers la planète, de temps à autre, les hommes et les femmes lancent leurs chaussures contre ceux qui, à leurs yeux, incarnent l’injustice comme ce fut le cas pour le directeur du FMI Dominique Stauss-Kahn le1er octobre 2009 à Istanbul. En Irak, Mountazer al-Zaïdi est devenu le symbole de la résistance à l’occupant.
La résistance irakienne, comme d’ailleurs la résistance afghane, qui est de mieux en mieux organisée et de plus en plus soutenue par la population, assène des coups significatifs à l’occupant. Pour la discréditer, la machine de propagande américaine et européenne que sont les grands médias traitent ces combattants de terroristes, d’islamistes, de poseurs de bombes, de bandits etc. Des accusations classiques de tout occupant envers toute résistance. Mais ces mêmes médias ne soufflent mot sur la tragédie que vit la population irakienne, ni sur une occupation basée sur un immense mensonge : les armes de destruction massive ! Bien au contraire, ils parlent de processus de normalisation, de gouvernement irakien légitime, d’élections libres et démocratiques etc.

La guerre de libération que mènent les combattants irakiens contre l’occupant est une résistance juste et légitime. Tous les citoyens du monde qui étaient des millions à crier leur hostilité à cette guerre impérialiste et, au-delà, tous les hommes et toutes les femmes qui aspirent à un monde débarrassé de cette barbarie destructrice de vies humaines pour, en dernière analyse, enrichir une minorité de privilégiés sans âme et sans cœur, doivent apporter leur soutien à la résistance irakienne.

Mohamed Belaali

* Cité par Tariq Ali in « Bush à Babylone ». La fabrique éditions, 2004.

(1) http://ec.europa.eu/echo/aid/stories/middle_east04_fr.htm

(2) http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=81101

(3) http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=81101

(4) http://www.hei.ulaval.ca/fileadmin/hei/documents/documents/Section_Etudes_Plans_de_cours/Essais_et_memoires/MRIEssaiMichaelLessard.pdf

(5) « I think this is a very hard choice, but the price ...we think the price is worth it », déclarait Madeleine Albright en 1996, lors d’une interview accordée à Leslie Stahl de CBS.

(6) http://www.legrandsoir.info/A-Fallujah-en-Iraq-l-uranium-appauvri-et-le-phosphore-blanc.html